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Bible Commentaries
Matthieu 8

La Bible Annotée de NeuchâtelLa Bible Annotée de Neuchâtel

versets 1-34

Plan du commentaire biblique de Matthieu 8

Guérison d’un lépreux

Quand Jésus, suivi de la foule, descend de la montagne des Béatitudes, un lépreux se prosterne devant lui, confesse sa foi en la puissance de Jésus pour le guérir et s’en remet humblement à sa volonté. Jésus étend sa main sur lui, le guérit par sa parole et l’envoie au sacrificateur comme un témoin vivant de son action puissante (1-4).

Guérison d’un serviteur du centenier

Jésus étant entré à Capernaüm, un centenier romain vient l’implorer en faveur de son serviteur très souffrant. Le Sauveur lui ayant promis d’aller guérir le malade, le centenier lui répond avec une profonde humilité : Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ; une parole de ta bouche suffira, car moi qui ne suis qu’un homme, subordonné à d’autres, je sais pourtant me faire obéir de ceux qui sont sous mes ordres. Alors Jésus admire une telle foi, qu’il n’a pas trouvée en son peuple ; il adresse à ce peuple un sérieux avertissement en prophétisant l’entrée des païens au royaume des cieux et guérit le malade par sa seule parole (5-13).

Guérison de la belle-mère de Pierre

Jésus étant entré dans la maison de Pierre, trouve la belle-mère de ce disciple malade de la fièvre : il la guérit et elle le sert (14-13).

Guérison d’une foule de malades

Le soir de ce même jour on lui amène des démoniaques et d’autres malades, qu’il guérit. L’évangéliste voit dans cette bienfaisante activité du Sauveur l’accomplissement d’une prophétie d’Ésaïe (16-17).

Verset 1

Le Christ guérissant et délivrant (chapitre 8)

Versets 1 à 17 — Jésus guérissant les malades

Ces foules s’attachaient à ses pas à cause de la puissance de sa parole qu’elles venaient d’entendre (Matthieu 7.28-29).

Verset 2

Comparer Marc 1.40-45, Luc 5.12-15.

La lèpre est une affreuse maladie, fréquente encore en Orient, très contagieuse, incurable après les premiers progrès (2 Rois 5.7), qui couvre le corps entier de dartres et de plaies et le dissout en partie avant que la mort s’ensuive.

Le lépreux était exclu par la loi de toute communication avec la société, soit à cause de la contagion, soit parce que la maladie était légalement impure. Les Juifs la considéraient aussi comme un châtiment spécial de Dieu, fondant sans doute cette opinion sur certains faits rapportés dans l’Ancien Testament (Nombres 12 ; 2 Rois 5 ; 2 Chroniques 26).

Si tu veux, tu peux ! Simple et touchante prière ! Par la première de ces paroles, le lépreux s’en remet humblement à Jésus, à la volonté de Dieu ; par la seconde, il exprime une grande foi. Dans ces premiers temps du ministère de Jésus, la connaissance que ces malades avaient de lui était bien faible, leur confiance en lui d’autant plus admirable.

Ce terme : me purifier, indique à la fois la guérison de la maladie et l’affranchissement de la souillure légale.

Verset 3

Le plus souvent, Jésus agissait et guérissait uniquement par la parole, même à distance.

D’autres fois il touchait le malade, soit pour lui communiquer cette vertu divine qui le guérissait, soit comme ici à l’égard du lépreux, afin de montrer qu’il ne redoutait pas la contagion et de témoigner sa tendre compassion à un malheureux dont tous s’éloignaient avec horreur. Cet attouchement a du faire une vive impression sur les témoins : il est mentionné dans les trois récits.

Si tu veux, avait dit le lépreux, je veux, répond le Sauveur et cette volonté pleine d’amour accomplit le miracle.

Un prompt écho répondant à la foi soudaine du malade.— Bengel

Verset 4

Cette défense que Jésus faisait souvent aux malades de divulguer leur guérison Matthieu 9.30 ; Matthieu 12.16 ; Marc 3.12 ; Marc 5.43 ; Marc 7.36 ; Marc 8.26-30 ; comparez Matthieu 16.20 ; Matthieu 17.9, pouvait avoir diverses raisons.

Il ne voulait pas attirer inutilement sur lui l’attention des hommes, ni fournir un aliment à la vaine curiosité, à la soif de miracles, ni provoquer avant le temps la haine de ses adversaires (voir Marc 1.45).

Il voulait aussi que ces malheureux qu’il délivrait puissent garder au-dedans d’eux l’impression profonde d’une telle manifestation de puissance et d’amour divins, afin que la guérison du corps ait pour fruit la guérison de l’âme.

Dans le cas présent, il avait une autre raison évidente : le sacrificateur, auquel il envoie le lépreux guéri, avait seul le droit de constater officiellement la guérison et de réintégrer le lépreux dans les privilèges sociaux et religieux d’un Israélite (Lévitique 14.2 et suivants). Or, Jésus voulait éviter que ce juge fût défavorablement prévenu par le bruit public du miracle qu’il venait d’accomplir et put y trouver un prétexte pour l’accuser de mépriser la loi.

Le lépreux doit donc, au lieu de parler, se montrer lui-même au sacrificateur et présenter l’offrande prescrite par la loi (Lévitique 14.10).

Cela devait leur être un témoignage, aux sacrificateurs, non seulement du respect de Jésus pour la loi, mais en même temps de sa puissance divine. Cette explication est plus naturelle que celle qui rapporte le mot leur au peuple en général, qui aurait eu dans l’offrande du lépreux le témoignage de sa guérison.

Verset 5

Comparer Luc 7.1-10.

Le centenier était un officier romain, commandant une compagnie de cent hommes.

Né païen (Matthieu 8.10 ; Luc 7.5) cet homme était sans doute parvenu à la foi au Dieu vivant et vrai pendant son séjour parmi les Juifs. Il devait avoir aussi une certaine connaissance de Jésus et de ses œuvres. Il montre une confiance sans bornes en sa puissance (verset 8).

Notre récit et celui de Luc Luc 7.1-10, parfaitement en harmonie quant au fond des choses, présentent de notables différences de détails, qu’il faut reconnaître (voir Luc 7.2, note).

Verset 6

Le mot que nous traduisons par serviteur signifie aussi un enfant, d’où plusieurs interprètes ont conclu qu’il s’agissait réellement d’un fils du centenier.

Mais Luc, qui emploie (Luc 7.7) le même mot que Matthieu, désigne (Luc 7.2) le malade par le terme de doulos, esclave, serviteur et tel est le sens qu’il faut admettre. La charité du centenier et son dévouement n’en ressortent que mieux dans toute leur beauté. Luc remarque (Luc 7.2) que ce serviteur « lui était fort cher ».

La maladie indiquée comme paralysie était sans doute quelque mal aigu qui causait de grandes souffrances au malade (il était cruellement tourmenté) et le mettait en danger de mort (Luc 7.2).

Verset 7

Grec : moi étant venu, je le guérirai.

Ce moi placé en tête est opposé à la situation de l’impotent. Jésus affirme sa puissance divine et son amour toujours prêt à secourir.

Verset 8

Le texte reçu porte : Dis une parole. Le vrai texte devrait se traduire : Dis, commande par une parole, même à distance, et, sans autre action, mon serviteur sera guéri.

Expression d’une foi plus étonnante encore que l’humilité dont faisait preuve cet officier qui ne se sentait pas digne de la présence de Jésus. Et il va expliquer cette foi (verset 9).

Verset 9

Le centenier ne tire pas la conclusion de cette admirable comparaison ; il sait que Jésus l’a comprise. Si moi, un homme, qui dois obéir à mes supérieurs, j’ai un tel pouvoir sur la volonté d’autres hommes, combien plus peux-tu, toi, commander à la maladie et à la mort.

Le motif invoqué par le centenier à l’appui de sa requête et l’accent qu’il donne à ces mots un homme sous autorité montrent qu’il se représente Jésus comme un être surhumain dominant sur des puissances ou sur des esprits qui, à son commandement, peuvent opérer la guérison.— B. Weiss

Comparer Matthieu 8.26 ; Luc 4.39

La maladie n’obéit pas aussi facilement que le serviteur et les soldats, mais la sagesse du croyant, qui resplendit à travers la rudesse du soldat, ne se laisse pas troubler par cette objection,— Bengel

Verset 10

B et quelques versions ont : « chez nul homme en Israël ». Le motétonné peut être pris dans son sens propre, ou dans celui-ci : être dans l’admiration.

Jésus était en droit d’attendre en Israël une aussi grande foi, mais ne l’avait pas trouvée. Il n’est étonné ni de la charité ni de l’humilité du centenier mais de sa foi qui a produit en lui tout le reste.

Verset 11

D’Orient et d’Occident, des contrées païennes les plus éloignées. Quelle connaissance de l’avenir de son règne !

Être assis à table, image de la possession des biens célestes, de la joie dans la communion d’Abraham et de tous les enfants de Dieu (Luc 13.28, Apocalypse 19.9).

Les fils du royaume, les Juifs qui auront rejeté le salut. Hébraïsme qui marque un rapport intime avec quelqu’un ou quelque chose : « Fils de la résurrection » (Luc 20.36), « fils de l’époux », ses amis de noce. Matthieu 9.15 ;

Les ténèbres du dehors : la salle du banquet, qui avait lieu la nuit, était resplendissante de lumière, mais au dehors, tout était ténèbres.

Pleurs et grincements de dents, expression terrible de la douleur et du désespoir.

Verset 13

Le centenier a cru, non seulement que Jésus pouvait guérir son serviteur, mais pouvait le guérir par une parole et à distance (verset 8). Or, pour encourager une telle foi, Jésus renonce à son dessein d’aller vers le malade et, par cette parole puissante : « Qu’il te soit fait ! » il accorde au centenier tout ce qu’il avait cru et demandé.

Et à cette heure-là, c’est-à-dire à l’instant où cette parole fut prononcée, le miracle fut accompli (comparer Matthieu 9.22 ; Matthieu 15.28).

Verset 14

Comparer Marc 1.29-34, Luc 4.38-41.

On voit par ce trait que Pierre était marié, car le terme grec ne peut désigner que la mère de sa femme et nous savons par 1 Corinthiens 9.5 que sa femme l’accompagnait dans ses voyages.

Pierre était de Bethsaïda (Jean 1.45), il parait donc qu’il était venu demeurer avec sa famille à Capernaüm.

Le premier usage que cette femme fit des forces qui venaient de lui être rendues fut de le servir. Le texte reçu porte les servir. Ce pluriel est emprunté à Marc et à Luc, dont le récit nous montre que Jésus n’était pas seul, mais accompagné de quelques-uns de ses disciples. Ces deux évangélistes assignent à ce fait une place antérieure et diffèrent en quelques détails avec Matthieu et l’un avec l’autre.

Verset 15

Le soir où Jésus fit encore toutes ces guérisons est celui du jour même où il venait de délivrer de la fièvre la belle-mère de Pierre. Jésus se montre infatigable à soulager et à guérir.

Par une parole. (voir verset 8, note). Les souffrances des démoniaques sont attribuées à des esprits que Jésus chasse (grec jette dehors) (voir sur les guérisons de ce genre, verset 28).

Verset 16

Ésaïe 53.4, cité d’après l’hébreu.

Dans la pensée du prophète (comparez 1 Pierre 2.24), il s’agit de nos infirmités et de nos maladies morales, que le serviteur de l’Éternel prend et porte et la version grecque des Septante interprète exactement plutôt qu’elle ne traduit : « Lui a pris nos péchés ».

Matthieu fait de ces paroles une application différente, autorisée à la fois par le sens littéral du passage et par l’action du Sauveur, qu’il décrit. En effet, Jésus prenait ou, selon le verbe hébreu, ôtait les maladies qu’il guérissait et il les portait par cette profonde sympathie avec laquelle il s’était identifié à notre nature et par cette compassion que lui inspiraient les douleurs de chaque être souffrant. Toutes nos maladies et nos souffrances sont d’ailleurs l’effet du péché et c’est le mal dans toutes ses manifestations que Jésus était venu guérir.

Verset 17

De Capernaüm à l’autre rive du lac.

Jésus, après avoir été longtemps entouré de ces foules, voulait chercher la solitude.

Verset 18

Les deux disciples

Au moment où Jésus veut passer à l’autre bord du lac, un scribe s’offre à le suivre comme son disciple. Mais Jésus le rend attentif à la vie pauvre et errante du fils de l’homme. Un autre de ses auditeurs voudrait différer de le suivre jusqu’à ce qu’il eût enseveli son père. Jésus le presse de prendre une décision immédiate (18-22).

La tempête

Quand il est embarqué avec ses disciples, une violente tempête s’élève sur le lac. Jésus dort. Les disciples le réveillent par ce cri d’angoisse : Seigneur, nous périssons ! Il leur reproche leur peu de foi, puis s’étant levé, il commande avec autorité aux vents et à la mer et il se fait un grand calme. Tous les témoins de cette scène sont dans l’admiration (23-27).

Comparer Luc 9.57-62.

Ce scribe (voir sur les hommes de cette profession, Matthieu 23.2, note) avait sans doute entendu la parole de Jésus et vu ses œuvres et il en avait reçu une impression sérieuse. Il lui demande donc de pouvoir s’attacher tout à fait à lui comme disciple.

Mais il y avait bien de l’ignorance dans cette parole : partout où tu iras. Le chemin de Jésus le conduira jusqu’à la croix. Est-ce là ce que veut le scribe ? La réponse du Sauveur devait au moins le faire réfléchir.

Verset 19

Telle est sa pauvreté, son détachement de toutes choses dans ce monde qu’il ne sait pas le matin où il reposera, le soir, sa tête fatiguée. Conclusion pour le scribe : Que veux-tu donc chercher à ma suite ?

C’est la première fois que nous rencontrons dans notre Évangile ce nom significatif que Jésus aimait à se donner : le fils de l’homme. On l’a diversement interprété, sous l’influence d’idées préconçues. Plusieurs en cherchent l’origine dans le Psaumes 8.5 où il est évident que « fils de l’homme » signifie simplement l’homme, comme le prouve le parallélisme poétique de ce passage.

Mais on ne comprendrait pas pourquoi Jésus se désignerait ainsi habituellement comme étant un homme, ce qui était assez évident, ni surtout pourquoi il se servirait pour cela d’un terme poétique et inusité dans le langage ordinaire. On répond que c’était pour montrer en lui l’homme par excellence, l’homme idéal, le second Adam, le représentant et le type de l’humanité régénérée, etc. Ces idées sont vraies et bibliques en elles-mêmes, mais il n’est pas sûr qu’il faille les chercher dans le terme en question. Plusieurs interprètes des plus autorisés, trouvent l’origine de ce nom dans la grande vision de Daniel 7.13-14, où le Messie, à qui est donné un règne universel et éternel, apparaît comme un fils d’homme au milieu des anges du jugement et venant sur les nuées du ciel.

Une telle application de cette vision au terme qui nous occupe n’est point arbitraire ; elle est fondée sur de solennelles déclarations de Jésus-Christ lui-même, dans lesquelles tout en se désignant comme le fils de l’homme, il annonce son retour pour le jugement, « venant sur les nuées du ciel » (Matthieu 24.30 ; Matthieu 26.64), allusion évidente à la vision du prophète (comparer Apocalypse 1.7-13 ; Apocalypse 14.14, etc.).

Le nom de fils de l’homme désigne donc le Messie, mais avec l’idée de son abaissement, de sa pauvreté (comme dans notre passage), en un mot de son humanité, qui un jour sera élevée à la gloire (Philippiens 2.6-11). Le titre de fils de l’homme est l’antithèse de celui de Fils de Dieu. Et il faut remarquer que Jésus seul se donne ce nom, ses disciples ne le désignent jamais ainsi ; l’exception qui se trouve Actes 7.56 tient à la situation et confirme l’interprétation qu’on vient d’exposer.

Verset 20

Disciple désigne ici un auditeur de Jésus (grec celui qui apprend qui est enseigné) que le Sauveur invitait a le suivre (Luc 9.59), mais qui demandait un délai pour rendre à son père mort un dernier devoir.

D’autres interprètes pensent, avec beaucoup moins de vraisemblance, qu’il voulait différer jusqu’à ce que son père, encore vivant, fût mort et enseveli.

Verset 21

« Laisse ceux qui sont moralement et spirituellement morts (Éphésiens 2.1 ; Apocalypse 3.1), rendre ce devoir à leurs morts », au sens littéral et corporel.

Cette parole absolue n’est pas facile à comprendre. Il faut qu’elle puisse se concilier avec les devoirs d’un fils, que Jésus lui-même remplissait si parfaitement (Luc 2.51 ; Jean 19.26-27). Il devait y avoir dans les dispositions intérieures de ce disciple ou dans ses circonstances de famille des raisons à nous inconnues, motivant l’ordre pressant que Jésus lui donne. Il était probablement en danger de ne plus suivre Jésus du tout, s’il ne le faisait pas à l’instant.

La parole du Maître voulait dire : Maintenant ou jamais ! L’intérêt suprême du règne de Dieu et du salut de son âme devait primer tout autre intérêt. C’est dans ce sens que Jésus disait aussi : « Si quelqu’un aime son père ou sa mère plus que moi, il n’est pas digne de moi ». Mais si celui qui parle ainsi n’était qu’un homme ; ce serait de sa part l’extravagance de l’orgueil.

Luc (Luc 9.57 et suivants, voir les notes) place ce récit beaucoup plus tard, au moment où Jésus se met en chemin pour aller mourir à Jérusalem et il ajoute un troisième interlocuteur de Jésus aux deux que mentionne Matthieu. Il n’y a pas de raisons décisives pour préférer une époque à l’autre ; aussi les interprètes sont-ils divisés sur ce point.

On a dit que le moment solennel du départ de Jésus pour Jérusalem explique ce qu’il y a d’absolu dans son ordre à ce disciple. Peut-être ; mais ce n’est là qu’une supposition.

Verset 22

Comparer Marc 4.35-41, Luc 8.22-25

« La barque », celle qui se trouvait là, prête au départ.

Ses disciples n’étaient pas les apôtres seuls, mais d’autres auditeurs de Jésus qui le suivaient (versets 22 et 27, note, Marc 4.36).

Verset 23

Quelque petite que soit cette mer, il s’y élève souvent de telles tempêtes. C’est ce qui se voit aussi fréquemment sur les lacs de la Suisse entourés de hautes montagnes.

Jésus dormait au sein du danger, avec le calme d’une conscience en paix, avant de manifester la majesté de sa puissance.

Verset 25

Jésus calme d’abord les inquiétudes de ses disciples, puis il apaise les flots de la mer. Selon Marc et Luc cette double action aurait eu lieu dans un ordre inverse. Il est difficile de dire lequel est le plus naturel. Dans les deux cas c’est un admirable mélange d’amour et de puissance, de puissance et d’amour.

En quoi les disciples ont-ils mérité le reproche de manquer de foi ? On le voit par la question que leur adresse Jésus : Pourquoi avez-vous peur ? Cette peur cette angoisse qui allait jusqu’à la crainte de périr, de périr en présence de Jésus et avec lui, était certainement, après tout ce qu’ils avaient déjà vu et entendu de lui, un manque de confiance. Mais qui, sinon le Seigneur, oserait les en reprendre ?

Ce mot réprimander, tancer, donne le sentiment de ce qu’il y a d’hostile dans ces phénomènes de la nature qui deviennent pour l’homme un danger (comparer Matthieu 17.18, Luc 4.39).

Verset 27

Oui, quel est celui-ci ? Telle est bien la question.

Quiconque ne voit pas en lui le Maître de la nature qu’il a créée, n’admettra jamais que les vents et la mer lui obéissent, aussi bien que la maladie et la mort. Il faut dès lors faire de grands efforts d’imagination pour expliquer ces faits d’une manière naturelle et sans l’intervention de la puissance divine qui était en Jésus.

Ces hommes qui parlent ainsi sont ceux qui accompagnaient Jésus et ses disciples (verset 23, note).

Verset 28

Leur guérison

Parvenu à l’autre bord du lac, dans la contrée des Gadaréniens, Jésus rencontre deux démoniaques dangereux qui le reconnaissent pour le Fils de Dieu et lui demandent s’il est venu les tourmenter avant le temps. Ils le prient de les envoyer dans un troupeau de pourceaux qui paissaient à quelque distance. Jésus leur ayant dit d’aller, tout le troupeau se précipite dans la mer et y périt (28-32).

L’effet produit

Ceux qui faisaient paître ce troupeau s’enfuient à la ville et racontent aux habitants ce qui vient de se passer. Ceux-ci sortent et prient Jésus de s’éloigner de leur contrée (33-34).

Les démoniaques de Gadara (28-34)

Comparer Marc 5.1-20, Luc 8.26-39.

Le nom des habitants de cette localité varie dans les manuscrits et les Pères entre Gergéséniens Géraséniens et Gadaréniens. Le texte reçu a conservé ce dernier nom dans Marc et Luc, tandis que dans Matthieu il porte Gergéséniens. Tischendorf varie dans son texte d’un Évangile à l’autre et d’une édition à l’autre, consultant les manuscrits et non la géographie, très obscure sur ce point (voir M. Frédéric Godet, Commentaire sur Luc ; 3e édition).

Gadara, l’une des villes de la Décapole, était située au sud-est du lac de Génézareth. Son territoire s’étendait jusqu’à ce lac (Josèphe, Guerre des Juifs, IV, 7, 3).

Gerasa était une grande ville à vingt lieues au sud-est du lac, vers les frontières de l’Arabie. Enfin les Pères mentionnent une ville de Gergesa qui topographiquement conviendrait à notre récit.

Ces malheureux, dont la maladie, quelle qu’en fut d’ailleurs la cause, parait avoir été une folie furieuse, se tenaient dans des sépulcres, c’est-à-dire dans ces grottes creusées au flanc d’une montagne et où l’on ensevelissait les morts. Ils en sortaient quand la vue de quelque passant excitait leur fureur. De là le danger qui faisait éviter ce chemin. Ils sont appelés ici et souvent ailleurs démoniaques (grec démonisés), c’est-à-dire qu’ils étaient sous l’influence d’êtres mystérieux appelés esprits ou démons (Matthieu 8.16 ; Luc 9.37 et suivants).

Bien qu’ils soient distincts du diable, l’Évangile les met dans une relation étroite avec le royaume des ténèbres et avec Satan qui en est le chef (Matthieu 12.24-29 ; Luc 13.16). De là le caractère d’esprits impurs (Matthieu 10.1 ; Marc 1.23 ; Luc 4.33, etc.) ou méchants (Matthieu 12.45 ; Luc 8.2 ; Éphésiens 6.12 ; etc.) qui leur est attribué, indépendamment de l’état moral de ceux qui se trouvaient sous leur influence.

Souvent, en effet, ceux-ci étaient des êtres jeunes encore et irresponsables (Matthieu 15.22 ; Matthieu 17.15). Toutefois, bien que la méchanceté des démons ne soit jamais attribuée à leurs victimes, on peut supposer qu’en général c’était par leurs péchés et leur désordre moral que ces malheureux s’étaient livrés à l’influence des esprits impurs.

Quels étaient ces esprits ? L’Évangile ne le dit nulle part clairement. L’opinion de quelques Pères de l’Église, qui se trouve déjà dans l’historien Josèphe, est que c’étaient les âmes d’hommes impies et méchants, tombées après la mort sous le pouvoir du prince des ténèbres et qui cherchaient à nuire aux vivants. Mais la relation que les écrivains du Nouveau Testament établissent entre ces esprits et Satan, porte plutôt à croire qu’ils voyaient en eux des anges déchus comme lui.

Plus importante est la considération des effets produits sur les malheureux qui se trouvaient sous cette ténébreuse influence. Ces effets paraissent être à la fois physiques et psychologiques. Dans notre passage et ailleurs (Marc 5.3 et suivants, Luc 8.29), on ne peut méconnaître les symptômes de l’aliénation mentale portée jusqu’à la fureur.

En d’autres cas, on reconnaît les symptômes évidents de diverses maladies : l’épilepsie (Matthieu 17.15, Luc 9.39, Marc 9.22), le mutisme (Matthieu 9.32, comparez Marc 9.17) ; la paralysie Luc 13.11 la cécité jointe au mutisme (Matthieu 12.22). Aussi l’action libératrice du Sauveur sur ces malades est-elle exprimée, tantôt par chasser (grec jeter dehors) les esprits (verset 16) etc., tantôt par le mot guérir, qui se rapporte à la maladie (Matthieu 15.28 ; Luc 6.18).

Tels sont les faits que les évangélistes nous présentent. Quelle idée pouvons-nous nous en faire aujourd’hui ?

Ce n’est pas seulement le rationalisme qui cherche à expliquer ces faits d’une manière toute naturelle, des interprètes pleins de foi et de piété, ne veulent voir dans les démoniaques du temps de Jésus que des malades ordinaires, malades d’esprit ou de corps, qu’il guérissait par sa parole puissante et dont la croyance populaire du temps attribuait les souffrances à une influence satanique.

Ils fondent cette opinion sur les raisons suivantes (voir Meyer sur Matthieu 4.24) :

  1. l’absence de démoniaques dans l’Ancien Testament ;
  2. la pratique de l’exorcisme chez les Juifs (Matthieu 12.27),
  3. l’absence de démoniaques constatée de nos jours,
  4. le silence absolu de l’Évangile de Jean sur ces Guérisons, bien que cet apôtre reconnaisse clairement l’action de Satan sur les méchants (Jean 13.2-27 ; Jean 8.44) et les idées de son temps sur les démoniaques (Jean 7.20) ;
  5. le fait que ces démoniaques ne manifestent aucune des dispositions diaboliques que ferait attendre leur possession par un esprit impur et méchant.

Quelques-unes de ces raisons ne sont pas sans poids, d’autres ont peu de valeur. Mais là n’est pas la question. En présence de faits psychologiques qui appartiennent à ce domaine si obscur du monde des esprits, la seule chose qu’ait à se demander l’exégèse est celle-ci : Qu’est-ce que les évangélistes ont voulu raconter ? Et surtout quelle est, au sujet des démoniaques, la pensée du Sauveur qui les guérissait ? À la première de ces questions, il ne peut y avoir qu’une seule réponse : évidemment les écrivains du Nouveau Testament ont rapporté des faits, à leurs yeux d’une parfaite réalité.

Les théologiens dont on vient de citer l’opinion l’admettent sans hésiter ; seulement ils supposent que ces disciples de Jésus ont écrit sous l’empire des idées universellement répandues en leur temps et sans les discuter. Mais ces idées, Si elles eussent été fausses, n’auraient-elles pas été rectifiées par les paroles et par l’action de leur Maître dans les nombreuses guérisons de ce genre qu’il opérait ? Or qu’ont ils pu apprendre de lui ? Le voici : Jésus déclare publiquement qu’il « chasse les démons par l’Esprit de Dieu » (Matthieu 12.28 ; Luc 11.20, comparez Matthieu 13.32).

Il donne solennellement à ses disciples l’ordre et le pouvoir de chasser les esprits impurs (Matthieu 10.1-8 ; Marc 3.15). Il leur explique pourquoi ils n’ont pu le faire en un certain cas (Matthieu 17.21 ; Marc 9.29).

Il leur donne un enseignement sur l’action de tel esprit impur (Matthieu 12.43 et suivants ; Luc 11.24). Quand les démons sont soumis aux disciples, il voit Satan, leur chef, précipité de son pouvoir (Luc 10.17-18).

En présence de ces affirmations, il ne reste plus que cette alternative : Jésus s’est permis une accommodation, indigne de lui, aux erreurs de son temps, ou il a été lui-même dans l’erreur. De telles conséquences décident la question pour tous ceux qui croient au Fils de Dieu.

Seulement il faut se garder d’abuser de ces faits pour nourrir une dangereuse superstition. Un pouvoir ténébreux a pu régner à l’époque de dégradation religieuse et morale où parut le Sauveur, mais ce pouvoir, il venait le briser, comme le prouve le dernier passage cité, Luc 10.18 et plus encore 1 Jean 3.8 (comparer la dissertation de M. Frédéric Godet, Commentaire sur Luc, tome 1, p. 335 de la troisième édition).

Verset 29

Ce sont les démoniaques qui parlent, mais les paroles qu’ils prononcent montrent que l’évangéliste les attribue aux démons (verset 31). Ils connaissent Jésus, le nomment avec terreur fils de Dieu (Jacques 2.19) et demandent à n’être pas tourmentés (Luc 16.23) avant le temps, c’est-à-dire rejetés dans l’abîme avant le jour du jugement (Luc 8.31 ; 2 Pierre 2.4).

Matthieu parle de deux démoniaques (verset 28). Dans les récits de Marc Marc 5.1 et suivants et de Luc Luc 8.26 et suivants (voir les notes), il n’y en a qu’un. On a supposé que Matthieu comprend dans son récit le démoniaque guéri dans la synagogue de Capernaüm (Marc 1.23) ou que, des deux aliénés, l’un était plus furieux que l’autre et que Marc et Luc ne parlent que de celui-là. Cela n’est pas impossible mais ne vaut-il pas mieux prendre les évangiles tels qu’ils sont, que de faire de l’harmonistique basée sur des suppositions sans preuves (comparer Matthieu 20.30) ?

Verset 32

Les démons, à la voix de Jésus, sortent des deux malades, qui se trouvent guéris et ils se jettent, non dans le troupeau, selon le texte reçu, mais dans les pourceaux.

La suite du récit ferait-elle supposer qu’ils communiquèrent à ces animaux la même furie qu’aux démoniaques ? Ou comment expliquer le fait qu’ils se précipitèrent dans la mer ? Marc (Marc 5.2 et suivants) raconte toute cette scène avec beaucoup de détails. Voir les notes à cet endroit.

Verset 34

La ville (verset 33) est Gadara (verset 28).

Les habitants prient Jésus de s’éloigner, ce terme est respectueux. Sans doute ils étaient sous une impression de crainte, à cause de ce qui venait d’arriver, plus encore que d’irritation à cause de la perte qu’ils faisaient.

On a supposé que ces gens. étaient des Juifs, à qui la loi interdisait de tenir des pourceaux et que cette perte fut le châtiment de leur désobéissance. Cela est possible, mais le texte ne le dit point. Quoi qu’il en soit, ces hommes sont trop ignorants pour ne pas mettre leurs intérêts au-dessus du privilège de posséder Jésus dans leur contrée.

Informations bibliographiques
bibliography-text="Commentaire sur Matthew 8". "La Bible Annot�e de Neuch�tel". https://www.studylight.org/commentaries/fre/neu/matthew-8.html.
 
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