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Tuesday, November 5th, 2024
the Week of Proper 26 / Ordinary 31
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Bible Commentaries
La Bible Annotée de Neuchâtel La Bible Annotée de Neuchâtel
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Informations bibliographiques
bibliography-text="Commentaire sur John 13". "La Bible Annot�e de Neuch�tel". https://www.studylight.org/commentaries/fre/neu/john-13.html.
bibliography-text="Commentaire sur John 13". "La Bible Annot�e de Neuch�tel". https://www.studylight.org/
Whole Bible (6)New Testament (1)
versets 1-38
Verset 1
Troisième partie (chapitres 13 à 17)
Le Fils de Dieu et les siens
Jésus lave les pieds des disciples et éloigne Judas
Versets 1 à 20 — Le lavement des pieds
Les mots : avant la fête de Pâque ne renferment qu’une indication vague de la date du dernier souper (verset 2) que Jésus fit avec ses disciples et par conséquent de sa mort, qui eut lieu le lendemain.
Comme nous abordons, avec le Jean 13, le récit de la Passion du Sauveur, c’est ici le lieu de donner une vue d’ensemble de cette question chronologique, l’une des plus obscures que soulève l’histoire évangélique. La tradition unanime désigne le vendredi comme le jour où Jésus mourut.
L’incertitude commence quand il s’agit de déterminer les relations de cet événement avec la Pâque juive et de fixer le jour du mois où il eut lieu.
Les uns, se fondant sur les données, à leurs yeux inattaquables, des synoptiques, disent que Jésus prit le dernier repas avec ses disciples le soir du 14 Nisan, à l’heure où tous les Juifs mangeaient l’agneau pascal et qu’il mourut sur la croix le 15 Nisan le grand jour de la fête de Pâque.
Les autres, s’appuyant sur des indications du quatrième Évangile qui ne leur paraissent pas susceptibles d’être détournées de leur sens premier et naturel, estiment que le dernier repas eut lieu le soir du 13 Nisan et que Jésus est mort le 14.
La discussion remonte aux premiers siècles. Elle fut compliquée, dès l’origine, par une polémique d’ordre liturgique entre les Églises d’Occident et celles d’Asie Mineure, connue sous le nom de dispute pascale (Voir introduction). Nous ne reviendrons pas sur cette dispute, car, de l’avis même des défenseurs de la chronologie des synoptiques, elle ne fournit pas d’argument péremptoire pour décider à quelle date Jean s’est arrêté dans son évangile.
Ce débat divise les savants les plus compétents. Olshausen, Tholuck, Wieseler, Ebrard, Hengstenberg, Riggenbach, Lange, MM. Luthardt, Keil, Zahn se prononcent pour le 14-15 Nisan et estiment généralement pouvoir accorder avec cette date les données du quatrième évangile.
La date du 13-14 Nisan est adoptée par de Wette, Lücke, Bleek, Néander, Meyer, MM. Weiss, Beyschlag, Godet, Chastand.
1° En faveur de la date du 14-15 Nisan, on invoque les passages suivants : Matthieu 26.17 « Le premier jour des pains sans levain (14 Nisan), les disciples s’approchèrent de Jésus, en disant : Ou veux-tu que nous te préparions le repas de la Pâque ? »
Marc 14.12 « Et le premier jour des pains sans levain, quand on immolait la Pâque, ses disciples lui disent : Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? »
Luc 22.7 « Or, le jour des pains sans levain arriva, dans lequel devait être immolée la Pâque ».
Il ne peut y avoir aucune hésitation sur la date, clairement indiquée par ces passages. Or les données des synoptiques ont une valeur très grande à cause des rapports du premier Évangile avec l’apôtre dont il porte le nom et de Marc avec l’apôtre Pierre. Du reste, les indications fournies par les trois premiers évangélistes ne sont pas des opinions individuelles : elles représentent la croyance de l’Église entière jusque vers l’an 80. Elles ont de plus pour elles leur vraisemblance.
Le dernier repas que Jésus prit avec ses disciples fut le repas pascal des Juifs. Cela ressort du récit des préparatifs dans les synoptiques et d’une parole telle que celle-ci : « J’ai ardemment désiré de manger cette Pâque avec vous avant que je souffre » (Luc 22.15).
Or Jésus ne pouvait prendre le repas pascal qu’à l’heure où tout Israël le prenait, le soir du 14 Nisan (commencement du 15). Les ordonnances de la loi étaient formelles (Exode 12.6 et suivants, Lévitique 23.5-6 ; Nombres 28.16-18 ; Deutéronome 16.2-3).
L’agneau pascal devait être immolé dans le temple et l’on ne procédait pas à ce sacrifice avant le jour fixé.
Admettant pour ces raisons, que Jésus a mangé la Pâque le 14 Nisan et est mort le 15, les interprètes et les historiens qui reconnaissent l’authenticité du quatrième Évangile ou du moins attribuent quelque valeur à ses données historiques, sont obligés d’accuser l’évangéliste d’une erreur, imputable à « une préoccupation dogmatique : il fait mettre Jésus en croix le 14 Nisan, à l’heure même où l’on immolait l’agneau pascal, parce qu’il voit un rapprochement à faire entre les deux actes » (Edmond Stapfer).
Ou bien, pour maintenir l’exactitude de ses données chronologiques, ils doivent chercher à les interpréter de telle sorte qu’elles fixent, aussi bien que celles des synoptiques, le dernier repas de Jésus au 14 Nisan.
2° Ceci nous amène à faire un rapide examen des passages de notre évangile, desquels on peut déduire la date que Jean assignait au dernier souper. Jean 12.1 « Six jours avant la Pâque Jésus arriva à Béthanie ».
Cette arrivée ne put avoir lieu le samedi, car Jésus n’aurait pas fait un jour de sabbat le voyage de Jéricho à Béthanie. Elle doit être fixée au vendredi soir. Or, en comptant six jours depuis ce vendredi, Jean place au jeudi le commencement de la Pâque ; ce jeudi était donc, pour lui comme pour les premiers évangélistes, le 14 Nisan.
Voici le défaut de ce raisonnement : rien ne démontre que Jean ait compté le vendredi comme le premier des six Jours qu’il indique. Le contraire est aussi probable, car Jésus arrive sans doute vers le soir à Béthanie et le sabbat commençait pour les Juifs le vendredi au coucher du soleil. Le passage invoqué ne tranche la question ni dans un sens ni dans l’autre.
verset 1. Avant la fête de Pâque… Est-il naturel que Jean désigne ainsi la soirée du 14-15 Nisan, le moment du repas pascal, principal acte de la fête !
C’est en vain que l’on cite Nombres 28.16 et suivants, Lévitique 23.5 et suivants ; où la fête des pains sans levain semble ne commencer que le lendemain 16 Nisan. Dans ces passages mêmes, le 14 est appelé la Pâque et d’ailleurs on mangeait des pains sans levain au repas pascal. Exode 12.8 ; Josué 5.10-11 et Matthieu 26.17 (voir la note) mettent hors de doute que la fête de Pâque commençait pour les Juifs avec la soirée du 14 Nisan.
verset 29. Judas n’aurait pu « acheter ce dont on avait besoin pour la fête » dans cette soirée du 14, où toutes les familles étaient assemblées dans leurs demeures autour de l’agneau pascal. Les partisans du 14 Nisan répondent que, si nous étions au 13 Nisan, toute la journée du lendemain resterait pour ces emplettes et l’idée ne viendrait pas aux disciples que Jésus pût envoyer Judas les faire sur l’heure même.
Jean 18.28 « Ils n’entrèrent point eux-mêmes dans le prétoire, afin de ne pas se souiller et de pouvoir manger la Pâque ». Ce passage est décisif aux yeux de la plupart des interprètes. Les Juifs n’avaient pas encore mangé l’agneau pascal ; ils s’apprêtaient à le manger le soir de ce jour. Ce jour était donc, d’après notre évangile, le 14 Nisan. Ceux qui le contestent sont obligés de donner à l’expression « manger la Pâque », le sens indéterminé de célébrer la fête de Pâque. Cette interprétation est peu probable, malgré les arguments spécieux dont on essaie de l’appuyer.
Jean 19.14-31 « C’était la préparation de la Pâque, ce jour de sabbat était un grand jour ». Le terme de « préparation », n’est pas seulement la désignation usuelle du vendredi veille du sabbat (Marc 15.42), puisque l’évangéliste ajoute expressément « de la Pâque ; » de plus, si le sabbat du lendemain était « un grand jour », c’est qu’il coïncidait cette année-là avec le premier jour des pains sans levain, 15 Nisan.
L’interprétation naturelle de tous ces passages de notre Évangile nous oblige donc à admettre que, d’après lui, Jésus a pris son dernier repas avec ses disciples le soir du 13 Nisan et est mort le 14 Nisan. Cette donnée constitue-t-elle une erreur ? Nullement. Elle nous paraît beaucoup plus vraisemblable que celle des synoptiques. La nuit du 14 au 15 Nisan avait tous les caractères d’un sabbat solennel (Exode 12.16). Le Talmud confirme cette indication de la loi et mentionne parmi les actes défendus le port des armes, les séances de tribunal, le prononcé d’une sentence et les exécutions.
D’après Exode 12.22 ; Deutéronome 16.5-7, on ne pouvait quitter sa demeure ni, en tout cas, sortir de la ville pendant la nuit du repas pascal. Or Judas ne doute pas que Jésus ne se rende cette nuit-là, selon sa coutume, en Gethsémané ; la troupe qu’il y conduit est composée de serviteurs du sanhédrin qu’accompagnent même les sacrificateurs et des pharisiens, le sanhédrin s’assemble, délibère et prononce un jugement, peu avant le crucifiement, Simon de Cyrène revient des champs, où il avait travaillé, selon toute probabilité, Jésus est crucifié, il est vrai, par des soldats romains, mais les chefs juifs font toutes sortes de démarches peu compatibles avec la célébration de la fête.
Si nous étions le premier et grand jour de la fête de Pâque, leur conduite formerait un contraste étrange avec les scrupules du roi Hérode Agrippa, qui n’ose juger et exécuter Pierre pendant la fête (Actes 12.3-4). Eux, qui firent si souvent à Jésus un crime de violer le sabbat, auraient ainsi oublié toutes les prescriptions de la loi qui assimilait le grand jour de Pâque à un sabbat. Le fanatisme ne peut expliquer une telle attitude ; ils n’en sont du reste pas tellement dominés, puisqu’ils évitent d’entrer dans le prétoire (Jean 18.28), réserve qui n’était pas de nature à disposer Pilate en leur faveur.
Ajoutons enfin qu’après la mort de Jésus, Joseph d’Arimathée achète un linceul (Marc 15.46) et que les femmes renoncent à embaumer Jésus, parce que le sabbat approche (Luc 23.56).
Tous ces faits semblent prouver que le jour de la mort de Jésus n’était pas un jour de fête. Or la plupart d’entre eux sont rapportés par le récit des synoptiques ; ceux-ci contredisent ainsi la date qu’ils assignent eux-mêmes aux événements.
L’erreur qu’ils ont commise, sans en avoir conscience, s’explique par le fait que dans ce dernier souper avec ses disciples Jésus avait tenu à manger avec eux la Pâque (Luc 22.15) et qu’il s’était conformé au rituel de la cérémonie juive.
La tradition admit pour cette raison que le repas avait eu lieu au jour fixé par la loi. Elle perdit de vue que Jésus avait anticipé la célébration de la Pâque, circonstance secondaire dont le souvenir put fort bien s’effacer.
Que des narrations nées spontanément des besoins de la prédication et dont l’exactitude chronologique était le moindre souci, aient commis une erreur d’un jour en plaçant au 14 et au 15 Nisan des événements qui s’étaient accomplis le 13 et le 14, cela n’est nullement inadmissible.
Nos deux premiers évangiles n’ont-ils pas placé le repas de Béthanie « deux jours » avant la Pâque ? (Marc 14.1-9 ; Matthieu 26.6, note). Si leurs rédacteurs et leurs premiers lecteurs ne se sont pas fait les objections que nous avons exposées ci-dessus, c’est qu’ils attribuaient au fanatisme ces violations de la loi commises par les autorités sacerdotales et y voyaient une aggravation du crime dont elles s’étaient rendues coupables en tuant le Messie.
L’erreur de Jean, au contraire, ne saurait être expliquée. Un défaut de mémoire est inadmissible de la part du disciple qui avait suivi les événements avec un calme courage et qui en demeure le principal témoin. Et l’on ne saurait sans injustice l’accuser d’avoir volontairement antidaté la mort de Jésus pour obéir à des préoccupations dogmatiques. Lui seul, au contraire, avait l’autorité nécessaire pour corriger la tradition qui s’était établie. S’il ne la rectifie pas en termes plus exprès, c’est qu’une telle rectification ne s’accordait pas avec le caractère de sa narration. Il lui suffisait, par les détails de celle-ci, de replacer les faits à leur vraie date.
Objectera-t-on à cette date que Jésus ne pouvait se séparer de son peuple et déroger à la coutume établie par la loi en célébrant le repas pascal la veille du jour fixé ? Mais celui qui se proclamait « le Seigneur du sabbat » ne pouvait-il se permettre cette légère infraction au rituel pascal, au moment surtout où il allait lui substituer un rite nouveau ? Il était du reste excommunié ainsi que ses disciples, les sacrificateurs auraient refusé d’immoler pour lui un agneau dans le temple. Il était obligé de célébrer cette Pâque d’une manière indépendante : c’est ce qui le conduisit à l’anticiper.
Cette anticipation n’est elle pas indiquée dans le message qu’il envoie au propriétaire de la chambre haute ? « Mon temps est proche ; que je fasse la Pâque chez toi avec mes disciples » (Matthieu 26.18).
Comme le remarque M. Godet, « la seule relation satisfaisante à établir entre ces deux propositions est celle-ci : il faut que je me hâte, car demain ce sera trop tard ; je ne serai plus là, fais donc en sorte que je puisse manger immédiatement la Pâque chez toi (verbe au présent) ».
Le disciple bien-aimé nous fait lire dans le cœur de son Maître, il peint en quatre traits les circonstances extérieures et intérieures au milieu desquelles Jésus s’abaissa jusqu’à laver les pieds de ses disciples. Premier trait : Jésus allait accomplir cet acte sachant que son heure était venue, cette heure solennelle, suprême, dont notre Évangile parle si Souvent (Jean 7.30 ; Jean 8.20 ; Jean 12.23). Jésus savait que cette heure était celle de ses souffrances et de sa mort ; mais il savait aussi que ce sombre défilé le faisait passer de ce monde au Père. Second trait : cette pensée si douce de quitter ce monde agité et hostile pour rentrer dans le sein de l’amour éternel, était inséparable d’une autre pensée, celle qu’il allait quitter les siens ses chers disciples, qu’il avait toujours aimés, auxquels il avait donné tant de preuves de cet amour. Or, sachant qu’il les laissait dans le monde où ils étaient, exposés à tant de dangers et de souffrances, il les aima jusqu’à la fin (Marc 13.13), ou mieux : au plus haut degré (Weiss). M. Godet traduit : « Il acheva de leur témoigner tout son amour ». Et il va leur en donner le témoignage le plus émouvant. Chaque disciple de Jésus peut aussi recueillir dans son cœur cette parole comme une précieuse promesse que son Sauveur l’aimera jusqu’à la fin.
Verset 2
Non pas après le souper comme traduisent à tort nos versions ordinaires : mais, grec un souper étant venu, au moment où l’on venait de se mettre à table (verset 4 et 12).
Même la leçon reçue, qui porte le participe aoriste, ne signifie pas : un repas ayant eu lieu mais : étant arrivé et en cours d’exécution (Weiss).
Il est probable qu’il faut lire le participe présent, selon le texte de Codex Sinaiticus, B, adopté par la plupart des critiques.
De l’absence d’article devant souper plusieurs interprètes concluent que l’auteur ne considère pas ce souper comme le repas pascal. Cette conclusion ne nous paraît pas justifiée, car dans le grec du Nouveau Testament l’article manque souvent là où les écrivains classiques l’auraient mis et l’auteur de notre Évangile a composé son récit pour des lecteurs qui savaient par les synoptiques que Jésus avait mangé la Pâque avec ses disciples la veille de sa mort ; ces lecteurs ne pouvaient penser à un autre repas que ce repas pascal qui leur était bien connu.
Troisième trait de cette introduction profonde par laquelle Jean prépare ses lecteurs à l’action qui va suivre : le diable avait déjà fait son œuvre dans le cœur de Judas.
Mais quel est le but de cette remarque ?
Suivant les uns, elle doit marquer l’imminence de la catastrophe, en montrant que déjà le traître, sous l’inspiration du démon, avait conçu son noir dessein (comparez Matthieu 26.14-16) et que Jésus, qui ne l’ignorait pas, voulut saisir ce moment suprême pour témoigner aux siens son amour.
D’autres pensent que l’évangéliste signale ce fait pour mieux faire ressortir le support et la charité de Jésus qui allait laver les pieds de Judas lui-même. M. Godet estime que ce trait doit « motiver les différentes allusions que Jésus va faire à la présence du traître dans tout le cours de la scène suivante (comparez versets 10, 18, 21, 26) et surtout expliquer la conduite et le mot sévère de Jésus », verset 27
Ces allusions elles-mêmes n’avaient d’autre but que d’avertir le malheureux disciple, de réveiller sa conscience, de le sauver encore si possible.
Une variante de Codex Sinaiticus, B, Itala, admise par la plupart des critiques et des exégètes porte : « Le diable ayant déjà jeté dans le cœur que Judas, fils de Simon, l’Iscariot le livrât ». Le cœur de qui ? Pas du diable lui-même, comme le prétendait Meyer, mais de Judas Iscariot dont le nom abhorré a été relégué à là fin de la phrase pour porter l’accent.
Verset 3
Ce quatrième trait de l’introduction nous montre que Jésus va agir dans la pleine conscience de son éternelle divinité.
Ce sentiment est rendu ici par trois déclarations d’une sublime grandeur.
La première exprime l’autorité et la puissance divines : il sait que le Père lui a remis (grec donné) toutes choses entre les mains (comparer Matthieu 28.18).
La seconde nous révèle sa préexistence éternelle : il est (grec) sorti de la part de Dieu (comparer Jean 8.42).
La troisième nous montre en Jésus le pressentiment de la gloire divine dont il va reprendre possession : il va à Dieu (Verbe au présent ; comparez Jean 17.5).
Et c’est avec cette conscience de sa grandeur divine que Jésus va condescendre à faire l’œuvre d’un esclave !
Verset 5
Quel contraste entre les pensées du verset 3 et cette scène du verset 4.
Avec quelle émotion Jean la décrit jusque dans ses moindres détails ! Il la rend vivante et tout à fait actuelle par ces verbes au présent : il se lève, pose ses vêtements (vêtements de dessus, le manteau, qui l’aurait gêné dans son action et il ne garde que la tunique, costume des esclaves), puis il verse de l’eau dans le bassin, celui qui se trouvait là et servait à cet usage.
Même cette expression il se mit, que Jean n’emploie presque jamais, a quelque chose de solennel. Quel étonnement et quelle confusion pour les disciples ! On le comprendra d’autant mieux si l’on admet, avec la plupart des interprètes anciens et modernes, que cette action de Jésus fut provoquée par une discussion qui venait de s’élever entre les disciples sur cette question : « Lequel d’entre eux était estimé le plus grand » (Luc 22.24, note).
Elle était donc littéralement vraie, la parole que Jésus leur adresse alors : « Moi je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc 22.27).
Pour comprendre cette scène, assez étrangère à nos mœurs, il faut se souvenir que chez les orientaux, ou l’on se chaussait de sandales qui laissaient le pied nu, il était d’usage de procéder à l’ablution quand on entrait dans une maison, surtout quand on allait y prendre un repas. Mais c’était un esclave que l’on chargeait de cet office.
Verset 6
Pierre, dont l’âme ardente est pleine de vénération et d’amour pour le Sauveur, a compris la leçon qu’il veut donner à ses disciples ; il a honte et il exprime son sentiment en relevant le contraste criant par ces deux mots : Toi, à moi ! Et le titre de Seigneur, que Jésus va approuver et réclamer (verset 13), rend le contraste encore plus complet.
Il est dit d’abord : il commença, puis : il vient donc à Simon Pierre ; ce disciple ne fut donc pas le premier auquel Jésus lava les pieds.
Les mots et celui-ci manquent dans quelques manuscrits.
Verset 7
Grec : tu le connaîtras après ces choses, ou après ceci.
Quelques interprètes ont supposé que Jésus désignait par là le moment ou Pierre serait éclairé par l’Esprit de Dieu. Mais il est plus simple de rapporter ces mots à l’explication que Jésus allait donner à ses disciples (verset 12 et suivants).
Cette parole est d’une application universelle à toutes les voies du Seigneur que nous ne comprenons pas au moment même.
Verset 8
Jamais, grec en éternité.
Il y a dans ce refus absolu de Pierre une véhémence bien en harmonie avec son caractère. Pierre montre sa vénération et son amour pour le Maître ; mais il oublie que le premier devoir d’un disciple c’est l’obéissance. Sa présomption lui cache son ignorance (tu ne sais pas) et l’empêche de recevoir avec confiance la promesse de Jésus (tu comprendras dans la suite).
La réponse de Jésus à la première objection de son disciple était pleine de douceur et de bonté. Sur son refus réitéré il lui parle d’un ton sévère. Sa menace dut produire d’autant plus d’effet que Pierre s’était montré, récemment encore (Matthieu 19.27), préoccupé des avantages que lui procurerait son dévouement à Jésus.
Mais que signifient les paroles de Jésus ! Il est évident qu’ici et au verset 10, Jésus donne à son action une signification nouvelle. Elle n’est plus seulement un « exemple » (verset 15) d’humble dévouement au service d’autrui. Elle devient le symbole de la régénération, qui est la condition du Salut (comparer verset 10, note).
En effet, avoir part avec lui, c’est trouver dans sa communion le pardon des péchés, la réconciliation avec Dieu, la vie éternelle ; n’avoir point de part avec lui, c’est être privé de ces immenses bienfaits (Luc 12.46 ; Apocalypse 20.6 ; Apocalypse 21.8 ; Apocalypse 22.19).
Or il est clair que Jésus ne pouvait pas faire dépendre cette alternative du simple fait de laver, ou de ne laver pas, les pieds de son disciple. Il faut remarquer d’ailleurs que Jésus lui dit : « si je ne te lave », ce qui est tout différent de laver les pieds.
Ces paroles signifient donc : Si je ne te purifie de ta volonté propre, de tes péchés, de ta corruption naturelle, tu n’as point de part avec moi.
Verset 9
Pierre a-t-il compris la pensée profonde de son Maître ? Dans ce cas, sa réponse signifie : « Seigneur, ne me lave pas seulement les pieds, mais purifie-moi dans tout mon être ! » C’est ainsi que quelques interprètes (Tholuck, Luthardt) comprennent le disciple.
D’autres pensent au contraire que Pierre sans se donner le temps de réfléchir (Marc 9.5-6), mais saisi, effrayé à la pensée d’être exclu de la communion de son Sauveur, se livre à lui avec l’impétuosité de son caractère et dépasse le but, parce qu’il conserve encore sa volonté propre, tout en obéissant.
C’est ainsi que Olshausen, Meyer, Astié interprètent la pensée de ce disciple. Il est, en effet, difficile de croire que Pierre se soit élevé d’emblée à l’idée d’un renouvellement spirituel.
Verset 10
Variante du Codex Sinaiticus : n’a pas besoin de se laver, il est pur tout entier.
Jésus ne désapprouve pas le zèle de son disciple ; il rectifie avec douceur l’erreur dans laquelle il était et il profite de cette erreur même pour ajouter à la leçon qu’il voulait d’abord donner aux siens (verset 8, 2e note), un enseignement nouveau.
Laver les pieds était un acte par lequel le Sauveur s’humiliait. Laver aussi les mains et la tête, l’être tout entier, donnait à l’acte un autre caractère.
L’image dont il se sert est celle-ci : un homme qui s’est baigné entièrement lavé, n’a plus besoin, en rentrant chez lui, que de laver ses pieds pour les purifier de la poussière qui s’y est attachée pendant le trajet (verset 5, note).
De cette image le Sauveur tire une instruction encourageante pour ses disciples : quand un homme a été purifié par le pardon de ses péchés et par le renouvellement de sa nature morale, il n’a plus besoin que d’être lavé des inévitables souillures qu’il peut contracter en marchant dans ce monde corrompu ; alors il est pur tout entier et il n’a pas à remettre sans cesse en question son état de grâce et de salut.
Pour donner à cette vérité plus de force et de précision, il l’applique immédiatement à ses disciples : et vous, vous êtes purs ; et il leur dira bientôt comment ils le sont devenus (Jean 15.3). Mais, hélas ! Ils ne l’étaient pas tous ; et l’évangéliste, dans le verset suivant, nous apprend la raison de cette restriction.
On peut remarquer encore, avec Meyer, que si, jusqu’ici, Pierre n’avait pas compris le sens le plus profond de l’action de son Maître, il dut le saisir par cette application directe que Jésus en faisait à ses disciples. Et cependant, il reste encore à celui-ci à en tirer pour eux la leçon de charité qu’il pensait leur donner dès le début (verset 12 et suivants).
Verset 15
Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? en avez-vous saisi la signification profonde ?
C’est par cette question que Jésus introduit l’instruction qu’il veut donner à ses disciples. Ceux-ci l’appelaient ordinairement Rabbi, Maître, celui qui enseigne et Jésus réclamait ce titre pour lui seul, dans son acception la plus élevée (Matthieu 23.8).
Ils l’appelaient encore le Seigneur, nom qui devait prendre pour eux un sens de plus en plus religieux, car c’est par ce vocable que la version grecque des Septante traduit constamment le nom de Jéhovah.
Jésus approuve et ajoute : Si donc, moi, le Seigneur et le Maître, je me suis abaissé jusqu’à vous laver les pieds, à plus forte raison devez-vous aussi être prêts à vous rendre mutuellement les services les plus humbles du dévouement et de l’amour.
Comme Jésus fut, dans toute sa vie, le modèle accompli que les siens doivent imiter, il venait de leur donner, dans ce cas particulier, un exemple d’humilité profonde et d’amour sans bornes, qui restait comme l’idéal vers lequel ils devaient tendre. Ici encore, Jésus enseigne en action ce qu’il avait enseigné en paroles (Luc 22.26 ; Matthieu 20.26).
Nous avons donné un sens tout moral à cet ordre : Vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres et c’est bien là sa signification principale ; mais nous nous garderons d’exclure le sens littéral, dans les cas où un tel devoir s’impose.
L’apôtre Paul vante l’ablution des pieds comme une des pratiques de l’hospitalité chez les premiers chrétiens (1 Timothée 5.10).
Toutefois Jésus n’a pas voulu instituer un rite, comme l’Église l’a admis dès le quatrième siècle, accomplir littéralement ce devoir sans l’humilité et l’amour qu’il suppose, est une vaine formalité ou même un acte d’hypocrisie et d’orgueil. Cette cérémonie se pratique chaque année à Rome et ailleurs.
Verset 16
Donc, vous, serviteurs et apôtres, vous ne devez pas vous refuser à des actes d’humilité et d’amour que votre Seigneur et Maître vient d’accomplir.
Jésus aimait cette comparaison qu’il emploie souvent ailleurs, dans des applications diverses (Jean 15.20 ; Matthieu 10.24-25 ; Luc 6.40).
Verset 17
Entre savoir et, faire, il y a un abîme ; le premier à lui seul, rend coupable, le dernier rend heureux, car il donne au disciple un trait précieux de ressemblance avec le Maître : l’humilité et l’amour.
On voit que Jésus en exhortant les disciples à imiter son exemple passe sous silence le sens particulier que la résistance de Pierre l’avait amené à donner à son action (versets 8-10, note).
La raison en est bien simple, c’est que, lui seul, au moyen de son sang et de son Esprit, peut purifier le pécheur de ses souillures. Nous ne pouvons avoir à cette œuvre qu’une part très indirecte pour d’autres en les amenant à Jésus. Dans ce sens, l’exemple nous concerne aussi.
Verset 18
Je ne dis point cela de vous tous, c’est-à-dire, que vous êtes heureux (verset 17), car il en est un au milieu de vous qui ne le sera jamais. En effet, je sais très bien quels sont ceux que j’ai choisis, je les connais, je les pénètre jusqu’au fond. Ce n’est donc point par erreur que j’ai choisi Judas, mais afin d’accomplir le dessein de Dieu, prédit dans les Écritures (voir la note suivante et comparez Jean 6.64-70, note).
Plusieurs interprètes ont entendu ce choix dans le sens de l’élection pour le salut. Mais le contexte et les deux passages que nous venons de citer ne sont pas favorables à cette opinion.
Grec : mais (il en est ainsi) afin que l’Écriture soit accomplie (comparer Jean 17.12, où la même pensée mystérieuse est exprimée dans les mêmes termes). La parole de l’Écriture que Jésus applique ici à Judas est tirée du Psaumes 41.10.
Manger du pain avec quelqu’un, c’est-à-dire être reçu à sa table, signifie, selon les mœurs orientales, être admis dans sa familiarité et dans sa confiance, comme un hôte dans sa maison ; toute perfidie de la part de cet hôte en devient beaucoup plus coupable.
L’expression : lever son talon contre quelqu’un, comme le cheval qui rue, est l’image de la brutalité, non de la ruse.
Si ce Psaume est de David, comme l’indique sa suscription (voir Bible annotée) le personnage historique auquel se rapporte cette parole est Achitophel, conseiller de David (2 Samuel 15.12), qui prit parti pour Absalom dans la révolte de ce fils ingrat contre son père (2 Samuel 17.14) et qui, voyant sa trahison découverte, s’en alla et s’étrangla (2 Samuel 17.23).
Étrange ressemblance de sa destinée avec celle de Judas, auquel Jésus applique ces paroles ! La plainte de David, sur ce traître, se lit ainsi dans l’hébreu : « Même l’homme avec qui j’étais en paix, en qui je me confiais, qui mangeait mon pain, a levé le talon contre moi ». Jésus évite de dire mon pain, parce que, pauvre, il n’en avait point à donner. Mais il faisait mieux pour Judas : il lui donnait le pain de vie.
C’est ce qu’ont méconnu les copistes, qui, pour conformer la citation au texte du Psaume, ont écrit : Celui qui mange mon pain (B, C), au lieu de : celui qui mange du pain avec moi (Sin, A, D, majuscules, versions).
Verset 19
Grec : que, je suis.
Que je suis tout ce que je vous ai révélé sur ma personne, le Messie, le Fils de Dieu, le Sauveur (voir sur cette expression Jean 8.24 ; Jean 8.28 ; Jean 8.58 notes).
Jésus tient à avertir ses disciples de la trahison de Judas (versets 11 et 21), craignant que leur foi en lui ne fût ébranlée s’il ne la leur avait pas prédite et s’il leur paraissait, à la fois, la dupe et la victime de ce crime horrible.
Verset 20
Voir, sur ces paroles, Matthieu 10.40, note.
Ici, on ne voit pas au premier abord comment elles s’adaptent à l’ensemble du discours.
Quelques exégètes sont allés jusqu’à penser qu’elles n’étaient qu’une reproduction déplacée du passage de Matthieu. Parmi ceux qui rejettent avec raison cette supposition, les uns MM. Weiss et Godet rattachent cette solennelle déclaration (en vérité, en vérité) au verset 16 et alors elle signifierait : Si le serviteur, l’envoyé ne doit pas vouloir être plus que le Maître et le Seigneur, celui-ci, de son côté, veut l’élever jusqu’à sa hauteur l’égaler à lui, comme lui est égalé au Père qui l’a envoyé.
D’autres rapprochent ce verset des paroles : (verset 17) « Vous êtes bienheureux » et Jésus ferait ainsi sentir à ses disciples, en quoi consiste ce bonheur.
D’autres enfin, trouvant peu naturelle cette liaison avec des paroles déjà éloignées, rattachent notre verset à ce qui précède immédiatement. Jésus vient de dire que le crime de Judas n’ébranlera pas la foi des disciples et il leur donne ici un nouveau et puissant motif d’assurance, dans la pensée que, en remplissant leur sainte mission, ils seront reçus comme lui-même, qui est au milieu d’eux le représentant et l’envoyé de Dieu. En travaillant pour lui, ils travailleront pour Dieu même qui sera leur lumière et leur force.
Telle est l’interprétation de Meyer qui était déjà défendue par Calvin « Il est plus probable que Christ a ici voulu remédier au scandale… Cette admonition du Seigneur Jésus montre que ce n’est point une chose raisonnable que l’impiété d’aucuns, qui conversent méchamment ou autrement qu’il ne faut en leur office, diminue quelque chose de l’autorité apostolique ».
Verset 21
Jésus éloigne le traître (21-30)
Après avoir dit ces choses, c’est-à-dire après la sérieuse instruction que Jésus venait de donner à ses disciples (versets 12-20), sa pensée se reporte avec douleur sur Judas, il en est troublé en son esprit.
Deux fois déjà, il a fait allusion au crime de ce malheureux (verset 11 et 18) ; maintenant le moment est venu d’en avertir directement les disciples ; il le fait avec la plus grande solennité.
C’est un témoignage qu’il rend en ces termes si graves : En vérité, en vérité, puis il révèle ce fait inouï : l’un de vous me livrera.
Cette révélation, nécessaire aux disciples (verset 19), est aussi rapportée par les trois premiers évangiles, dans les mêmes termes (Matthieu 26.21 ; Marc 14.18 ; Luc 22.21).
Preuve évidente que Jean raconte le même souper que les synoptiques (comparer verset 36 et suivants).
Verset 22
Grec : étant en perplexité pour savoir duquel il parlait.
L’impression douloureuse que les disciples reçurent de cette révélation est exprimée avec beaucoup plus de force dans les premiers évangiles : « Ils furent fort attristés et ils se mirent chacun d’eux à dire : Seigneur, est-ce moi ? » (Matthieu 26.22) C’est le trouble où ils étaient qui leur inspire cette question.
Verset 23
Chez les Orientaux, on se mettait à table à demi couché sur le côté gauche et appuyé sur les coussins d’un divan.
Celui qui se trouvait à la droite de son voisin, était donc penché sur son sein (Luc 7.38, note).
Jean, évitant de se nommer, se désigne par ces mots : celui que Jésus aimait (Jean 19.26 ; Jean 20.2 ; Jean 21.7-20).
Jésus aimait tous ses disciples (Jean 15.14), mais Jean était évidemment pour lui un ami particulier, auquel il dévoilait ses intimes pensées et qui les comprenait le mieux.
Verset 24
Pierre, profondément affligé de ce qu’il vient d’entendre, toujours ardent dans ses impressions, ne peut garder le silence.
Il fait donc signe à Jean de demander à Jésus duquel d’entre eux il parlait.
Une variante de B, C, Itala porte : « Pierre lui fait signe lui dit : Dis quel est celui dont il parle ». Mais cela supposerait que Jean le savait et d’ailleurs, puisque Pierre devait lui faire signe, cela prouve qu’il était trop éloigné de lui pour lui parler.
Le texte reçu, A, D, majusc, est donc préférable.
Verset 26
Deux variantes sont à noter dans les versets 25 et 26 :
Dans le repas de la Pâque, le père de famille donnait aux convives des morceaux de pain trempés dans un brouet de fruits cuits (Matthieu 26.23, note). En donnant ainsi le morceau à Judas, Jésus le désignait à Jean ; mais en même temps, il adressait un suprême appel à la conscience du traitée.
Jésus parlait à voix basse, de manière à n’être entendu que de Jean (verset 28), et cela, par ménagement pour Judas. Dans les autres évangiles, de même, Jésus désigne le malheureux disciple en termes vagues (Matthieu 26.23 ; Luc 22.21).
Mais il paraît que la scène se prolongea par les questions des disciples qui demandaient : « Est-ce moi, Seigneur ? » Et quand Judas poussa l’hypocrisie jusqu’à dire aussi : « Est-ce moi ? » Jésus lui répondit ouvertement : Tu l’as dit ! Mais même ce dialogue paraît n’avoir pas été entendu ou compris des autres disciples (Matthieu 26.25, note).
Verset 27
Alors, ce mot, effacé par la plupart de nos versions (Codex Sinaiticus, D l’omettent), marque, nous l’avons dit, le moment fatal.
Mais il ne faudrait pas voir dans le fait exprimé par ces mots : Satan entra en lui, une action magique du morceau de pain. Jean ne dit pas : avec le morceau, mais : après le morceau.
La prise de possession du cœur de Judas par Satan s’explique, au contraire, d’une manière toute psychologique. Judas, en cédant à ses passions, à l’avarice (Jean 12.6), avait ouvert son cœur à l’influence du démon ; puis, se voyant déçu dans son ambition, irrité de ne pas trouver en suivant Jésus ce qu’il avait espéré, il n’éprouva plus pour lui qu’une sorte de répulsion et de haine.
Et c’est sous l’influence de l’esprit de ténèbres qu’il conçut l’idée horrible de sa trahison (verset 2). Notre évangéliste marque donc les degrés de sa chute. Au moment où le malheureux se vit pénétré par son Maître, il veut dans sa conscience une crise qui pouvait le ramener encore.
Mais il s’endurcit et se livra ainsi à la puissance de l’esprit du mal. C’est ce moment tragique que Jean décrit par ce mot : Satan entra en lui. Luc (Luc 22.3) exprime ce dénouement dans les mêmes termes (comparer sur la chute de ce disciple, Matthieu 26.15, note).
On a donné de cet ordre de Jésus à Judas deux explications qui sont loin de s’exclure l’une l’autre.
Meyer pense que Jésus désire réellement d’accomplir le plus tôt possible son sacrifice, sachant que son heure était venue ; « sa décision résignée ne veut aucun délai », dit cet exégète.
D’autres interprètes cherchent l’explication de cet ordre dans le besoin pressant qu’avait Jésus de voir s’éloigner le traître pour rester seul avec ses disciples fidèles, dans ces dernières heures si importantes.
Il est certain que cette dernière pensée se fait jour au verset 31. Au reste, si Jésus avait eu le moindre espoir de voir Judas revenir à lui, il ne lui aurait pas donné cet ordre dont l’exégèse rationaliste s’est souvent scandalisée ; mais aux yeux de Celui oui sonde les cœurs, la destinée de Judas était accomplie, Satan était entré en lui.
Verset 28
Aucun. M. Godet pense que Jean s’excepte tacitement lui-même.
M. Weiss n’est pas de cet avis. Il estime que Jean, aussi bien que les autres, ne dut pas comprendre la portée de l’ordre de Jésus, parce qu’il ne pouvait se douter que la trahison de Judas fut si proche et que Jésus lui-même l’invitait à la consommer.
Verset 29
Jean donne cette double supposition de quelques-uns des disciples comme une preuve qu’ils n’avaient pas compris.
C’est ici le second passage de notre Évangile (comparez verset 1, note) d’où l’on tire un indice que ce repas ne pouvait avoir lieu le soir du 14 Nisan, selon la chronologie des synoptiques ; car comment acheter ce qu’il fallait pour la fête, puisque la fête était commencée par son acte le plus important et que, dès lors, des achats ne devaient plus être permis ?
Les défenseurs de la date fournie par les synoptiques répondent qu’il s’agissait de provisions pour toute la durée de la fête. Ils citent le passage Exode 12.16 d’après lequel la foi autorisait les familles israélites, même le 15 nisan, à « préparer la nourriture de chaque personne » et en concluent qu’on pouvait même faire des achats ; conclusion quelque peu forcée.
Ils objectent, d’autre part, que si ce repas avait eu lieu le 13, les disciples ne penseraient pas qu’il fallût faire en toute hâte des approvisionnements pour la fête, puisque le lendemain restait pour cela tout entier. Mais ils peuvent avoir interprété ainsi l’ordre de Jésus sans avoir compris ses motifs.
Verset 30
D’après Matthieu 26.21 et Marc 14.18, l’entretien touchant Judas, pendant lequel Jésus lui donna le morceau trempé, eut lieu avant l’institution de la cène et comme ici on voit que ce disciple sortit aussitôt qu’il eut pris le morceau, il est clair qu’il ne participa pas à la cène qui, du reste, ne fut célébrée qu’après le repas de la Pâque.
Luc seul rapporte ces événements de manière à autoriser une conclusion différente, mais il est probable qu’il ne suit pas l’ordre chronologique (comparer Luc 22.21, note).
Il était nuit ! Non seulement dans la nature, mais plus encore dans l’âme de Judas. On sent aussi dans cette remarque du témoin oculaire, que Jean avait conservé de ce moment une impression ineffaçable.
Verset 31
Entretiens de Jésus avec ses disciples
Versets 31 à 38 — La séparation prochaine, l’amour fraternel, consolation des disciples
Verset 32
Maintenant ! Le départ du traître, sorti pour accomplir son œuvre de ténèbres, cause à Jésus un immense soulagement.
Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié.
Ce verbe au passé embrasse toute la vie écoulée du Sauveur jusqu’à ce moment, cette vie de renoncement, de souffrances, d’obéissance, de dévouement efficace, d’activité puissante, par laquelle le Fils de l’homme a été glorifié dans le cœur de ceux qui l’ont reconnu comme l’envoyé de Dieu (Jean 11.4 ; Jean 12.28, 2e note).
Cette gloire qu’il a ainsi acquise par l’humilité et la charité resplendira encore de l’éclat le plus pur dans ses humiliations et ses souffrances, en Gethsémané et sur la croix, où il pourra s’écrier de sa voix mourante : Tout est accompli ! Son œuvre sera achevée, il aura sauvé un monde perdu.
Mais par une telle vie Dieu a été glorifié en lui. La gloire de Dieu, ce sont ses perfections, sa Justice et sa sainteté, sa miséricorde et son amour ; jamais elles n’ont été manifestées d’une manière plus lumineuse qu’en Jésus-Christ, qui nous les révèle dans leur pleine harmonie.
Or le sentiment profond d’avoir ainsi glorifié Dieu par sa parfaite obéissance (si Dieu a été glorifié en lui, mots omis dans Codex Sinaiticus, B, C, D, Itala, mais qui, malgré ces témoignages, sont maintenus par Tischendorf, MM. Weiss et Godet) donne à Jésus la victorieuse assurance que Dieu aussi le glorifiera en lui-même, c’est-à-dire, l’admettra dans la gloire qui est son essence divine.
C’est ainsi que bientôt Jésus dira dans sa dernière prière : « Je t’ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire et maintenant glorifie-moi, toi, Père, auprès de toi, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût » (Jean 17.4-5).
Paul indique de même l’abaissement et l’obéissance du Sauveur comme le chemin qui l’a conduit à la gloire divine (Philippiens 2.5-11 ; comparez Éphésiens 1.20-23). Et il le glorifiera bientôt (grec aussitôt), ajoute Jésus, faisant allusion à sa résurrection, qui sera le premier degré de sa glorification.
Enfin, Jésus ne dit pas : le Fils de Dieu, mais le Fils de l’homme est glorifié (comparez sur ce terme Matthieu 8.20, note) ; car c’est comme Fils de l’homme, membre et chef de notre humanité qu’il a embrassée dans les étreintes de son amour pour la sauver, c’est comme Fils de l’homme qu’il a accompli son œuvre et qu’il est monté dans sa gloire. Et ainsi, il a rouvert à notre humanité sauvée le chemin de cette gloire.
Verset 33
De ces hauteurs de sa gloire, Jésus revient à ses pauvres disciples qu’il va quitter bientôt : je suis peu de temps encore avec vous et sympathisant à leur tristesse, c’est avec une effusion de tendresse qu’il leur parle : petits enfants ! (C’est le seul passage de nos évangiles où Jésus emploie ce terme).
Il sent le vide immense et douloureux qu’il va laisser dans leur cœur et dans leur vie : Vous me chercherez, avec un ardent désir de retrouver nos relations actuelles (Jean 20.15. Comparer Luc 17.22).
Mais le moment de la réunion éternelle n’est pas venu ; il vous reste à accomplir votre tâche et comme j’ai dit aux Juifs, mais dans un sens bien différent (Jean 7.34 ; Jean 8.21), je vous le dis aussi maintenant : vous ne pouvez venir où je vais.
Jésus, dans ses dernières communications intimes, va s’appliquer à les consoler de cette séparation (Jean 14.1 et suivants) et à élever leur cœur à la pensée d’une communion invisible et spirituelle avec lui (chapitres 14-17).
Aussi croyons nous que c’est à ce moment du récit de Jean qu’il faut placer l’institution de la cène, après laquelle les paroles qui vont suivre (verset 34) sont admirablement appropriées.
Verset 34
Dans cette tristesse de la séparation, Jésus fait à ses disciples, comme première compensation de son absence, un don infiniment précieux : l’amour fraternel.
Il est vrai qu’il s’agit d’un commandement ; mais c’est un commandement qu’il se charge lui-même d’accomplir dans leur cœur et dans leur vie. C’est même en cela qu’il est nouveau.
Ce mot a singulièrement occupé les exégètes. Comment, ont ils demandé, ce commandement de l’amour mutuel peut-il être nouveau, puisqu’il se trouve déjà dans l’Ancien Testament (Lévitique 19.18) et que Jésus lui-même le cite comme étant l’âme de la loi ? (Matthieu 22.39) Et ils ont répondu : Il est nouveau parce qu’il renferme tous les autres commandements de la loi (Luther), parce que Jésus l’a renouvelé (Calvin), parce qu’il renouvelle l’homme (Augustin), parce qu’il est toujours nouveau (Olshausen), parce qu’il est le principe d’une vie nouvelle (de Wette), parce qu’il établit la différence qu’il y a entre l’amour fraternel (les uns les autres) et la charité pour le prochain (Grotius et d’autres).
Il y a du vrai dans toutes ces interprétations ; mais il est plus vrai encore de dire que ce commandement est nouveau dans son essence, parce que Jésus lui-même l’accomplit dans le cœur de ses disciples par l’amour dont il les a aimés.
Cet amour
Comparer 1 Jean 2.7-8, note.
C’est évidemment là ce que Jésus a voulu dire en ajoutant dans la seconde partie de ce verset : que comme je vous ai aimés, vous vous aimiez aussi les uns les autres.
L’amour de Jésus ne donne pas seulement la mesure mais la nature et le caractère du véritable amour mutuel de ses disciples. Le verset suivant montre l’importance suprême que Jésus attache à cet amour. Aussi y insiste-t-il à diverses reprises (Jean 15.12, Jean 15.17). Et nul ne l’a mieux senti que notre évangéliste (1 Jean 2.7-8 ; Jean 3.11 ; Jean 4.20-21).
Verset 35
L’amour, un amour semblable à celui de Jésus, est la seule preuve que l’homme est sous une influence divine, qui triomphe de tous les penchants égoïstes de son cœur.
La connaissance peut être acquise par des pécheurs endurcis, la foi s’allie souvent à une vie asservie aux passions, les œuvres sont accomplies par divers motifs ; l’amour seul, unissant les enfants de Dieu les uns aux autres, comme il les unit à leur Sauveur et, par lui, au Père céleste, est une marque certaine de leur participation à la nature divine.
À ceci, dit Jésus, tous connaîtront ; et plus loin il voit dans cette unité des siens un moyen d’amener le monde à la foi (Jean 17.21).
Verset 36
Pierre a compris que le Maître va les quitter pour être glorifié (versets 32 et 33) ; il a même compris vaguement que le chemin qui le conduira a la gloire, c’est la mort (verset 37).
Mais, comme cette pensée, qui le remplit de tristesse, est encore enveloppée d’obscurité, dans la vivacité de ses impressions il l’interrompt par cette question : Où vastu ? bientôt suivie d’une autre : Pourquoi ne puis-je pas te suivre ?
Il y a encore beaucoup d’ignorance, mais il y a aussi le plus vif amour pour son Maître dans ces questions. Elles sont inspirées par les mêmes sentiments qui le portaient à résister à Jésus quand celui-ci voulait lui laver les pieds (versets 6-9).
La raison pour laquelle Pierre ne pouvait pas suivre Jésus maintenant, c’est qu’il avait son œuvre à faire dans ce monde.
Sans doute encore il y avait, dans son caractère naturel, plus d’un penchant mauvais dont il devait être purifié par l’Esprit de la Pentecôte, avant de pouvoir suivre son Maître dans la gloire (verset 38).
Mais, ajoute Jésus, comme consolation et encouragement, tu me suivras plus tard ; il le suivra réellement par la voie du martyre.
Verset 37
Pierre est parfaitement sincère en parlant ainsi. Et pourtant, quel douloureux contraste entre cette déclaration si pleine d’assurance et la réponse de Jésus ! (verset 38).
Verset 38
Cet avertissement précis n’empêcha point la chute du présomptueux disciple.
Il paraît pourtant avoir fait impression sur lui, car, dès ce moment et jusqu’à la fin de ces entretiens, il ne reprend plus la parole.
Voir, sur ce dialogue avec Pierre, Matthieu 26.33-35 ; Marc 14.29-31 ; Luc 22.31-34, notes.
Après cette interruption, Jésus reprend son discours destiné à consoler ses disciples et à les préparer à la communion spirituelle avec lui (Jean 14.1 et suivants).