Lectionary Calendar
Tuesday, November 5th, 2024
the Week of Proper 26 / Ordinary 31
the Week of Proper 26 / Ordinary 31
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Bible Commentaries
La Bible Annotée de Neuchâtel La Bible Annotée de Neuchâtel
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Informations bibliographiques
bibliography-text="Commentaire sur Genesis 9". "La Bible Annot�e de Neuch�tel". https://www.studylight.org/commentaries/fre/neu/genesis-9.html.
bibliography-text="Commentaire sur Genesis 9". "La Bible Annot�e de Neuch�tel". https://www.studylight.org/
Whole Bible (6)
versets 1-29
Verset 1
Le renouvellement de l’alliance (1-17)
Ce morceau est tiré du document élohiste.
Versets 1 à 7
L’homme est réinstallé comme roi de la nature, mais à des conditions nouvelles motivées par les circonstances.
Dieu bénit Noé. Comparez Genèse 1.28-29.
Verset 2
Vous serez craints… L’homme ayant désormais le droit de tuer les animaux pour s’en nourrir (verset 3), il devient pour eux un objet de crainte.
Verset 3
Dieu autorise expressément l’alimentation animale, sans doute parce que la nourriture végétale ne répondait plus suffisamment aux besoins de l’homme. Mais Dieu ajoute à cette permission deux restrictions importantes qui doivent en prévenir les abus : l’homme ne doit pas manger avec la chair le sang des animaux (verset 3) et il ne doit pas verser le sang de son semblable (versets 5-6).
Verset 4
Cette première défense avait un motif beaucoup plus élevé que celui de l’hygiène. Elle est motivée Lévitique 17.11 par le fait que le sang est le véhicule de la vie, ce qui ne permet pas de le rabaisser à un emploi alimentaire.
Verset 5
La seconde défense est motivée au verset 6 par le fait que l’homme est créé à l’image de Dieu. Une pareille vie est sacrée, et cela, non seulement pour les autres hommes, mais pour les animaux eux-mêmes.
Ce sont d’un côté les violences commises avant le déluge (voir le chant de Lémec) et de l’autre l’autorisation de tuer les animaux, qui motivent cette défense expresse.
À cause de vos âmes : à cause de la dignité de la vie humaine qui est dans le sang.
J’en demanderai compte à tout animal : sans doute par la main de l’homme ; comparez les paroles suivantes. La loi ordonnait de tuer un animal qui avait causé la mort d’un homme (Exode 21.28).
Verset 6
Par l’homme. Dieu institue par ces mots la répression sociale du crime. Jusqu’alors les violences déchaînées sur la terre (Genèse 6.5) n’avaient pas rencontré la barrière de la justice humaine et n’avaient pu être punies que sous la forme de la vengeance.
Maintenant l’homme devient le délégué de la justice divine pour punir le meurtrier en versant son sang comme il a versé celui de son frère (Romains 13.4). C’est l’institution de la peine de mort en cas de meurtre et l’on ne comprend pas bien comment le motif allégué dans les mots : Car Dieu a fait l’homme à son image, s’il était valable pour ce moment-là, ne le serait pas pour tous les temps. L’homme qui ôte la vie à son semblable avec délibération met la sienne en gage entre les mains de la société. L’institution de la peine capitale dans ce verset implique évidemment celle de l’État en général ou de l’organisation sociale en vue de certains actes collectifs.
Verset 7
À ces conditions, la vie humaine pourra prospérer de nouveau sur la terre et la bénédiction du verset 1 se réaliser.
Verset 8
Après avoir indiqué dans les versets précédents quelles seront les obligations de l’homme dans l’économie nouvelle, Dieu indique ce qu’il fera de son côté (et moi, verset 9).
Et Dieu dit. Cette reprise fait ressortir la solennité particulière des paroles qui vont suivre.
Verset 9
Ce verset et le suivant indiquent quels seront les participants de l’alliance : ce n’est pas seulement la famille qui est sortie de l’arche, mais toute l’humanité qui descendra d’elle et même tous les animaux.
Mon alliance. Cette alliance est ici un engagement que Dieu prend librement de ne plus détruire l’humanité de la manière dont il venait de le faire. Ce qui lui imprime le caractère d’alliance, c’est le signe que Dieu donne de cet engagement.
Verset 10
Depuis ceux qui sont sortis… jusqu’à… Cette parole correspond à la fin du verset précédent ; ce ne sont pas seulement les animaux sortis de l’arche qui ont part à la bénédiction, mais encore tous ceux qui descendront d’eux. Si les animaux sont participants de l’alliance, c’est qu’il existe un lien de solidarité intime entre eux et l’humanité. De même qu’ils ont été anéantis à cause des péchés de l’homme (Genèse 6.7), de même ils auront part à la conservation promise et aux bénédictions nouvelles.
Verset 12
Le signe de l’alliance (12-17)
Et Dieu dit. Nouvelle reprise Dieu fait un pas de plus dans sa promesse de grâce.
Voici le signe. À chaque alliance de Dieu avec son peuple correspond un signe extérieur. Dans les relations entre hommes, ce signe servirait à rappeler à chaque partie contractante sa promesse ; dans les relations entre Dieu et l’homme, il doit servir à donner à ce dernier la garantie de la fidélité de Dieu. Comme cette alliance est universelle, le signe est un signe céleste, visible pour tous.
À perpétuité. Cette alliance ne sera pas passagère, comme celle qui sera traitée plus tard avec Abraham et le peuple d’Israël.
Verset 13
Du mot j’ai mis on ne peut conclure que l’arc-en-ciel et par conséquent la pluie n’avaient pas existé avant le déluge. Ce qui est nouveau, ce n’est pas le phénomène, mais la signification qui lui est donnée.
Verset 15
Et je me souviendrai. Voir Genèse 8.1. À chaque fois qu’après une longue série de pluies l’arc-en-ciel apparaîtra ce sera pour les hommes la garantie certaine que la pluie ne tombera pas jusqu’à devenir un déluge.
Verset 16
On comprend cette répétition si l’on se représente la terreur qu’avait dû laisser dans le cœur de Noé et des siens la catastrophe dont ils venaient d’être les témoins.
Verset 17
Ce verset est comme l’amen final apposé à cette grande promesse. L’histoire montre qu’elle a été fidèlement tenue.
Le phénomène de l’arc-en-ciel a tout naturellement sollicité l’imagination des peuples anciens. Les Hindous y voyaient l’arc avec lequel le dieu Indra avait vaincu les démons soustracteurs de l’eau et des pluies du ciel. Chez les Grecs on le divinisa et il devint sous le nom d’Iris la messagère brillante et rapide des dieux. D’autres peuples le considéraient comme le pont lumineux jeté entre le ciel et la terre.
Combien la signification que Dieu donne à ce phénomène naturel est plus sainte et plus belle que toutes celles que les hommes ont imaginées ! Comparez Apocalypse 4.3 où l’arc-en-ciel environne le trône de Dieu comme symbole de la grâce.
Conclusions sur le déluge
Nous avons à examiner les quatre points suivants : le récit du déluge, les traditions païennes sur ce fait, la réalité de la catastrophe et son extension.
1. Le récit du déluge
Comme nous l’avons fait remarquer dans les notes, l’histoire du déluge paraît être le résultat de la fusion des deux mêmes documents dont nous avons constaté déjà l’existence dans les chapitres précédents. Un grand nombre d’interprètes pensent que les récits des deux auteurs étaient assez différents l’un de l’autre. Voici quelles auraient été leurs conceptions respectives.
Élohiste :
Jéhoviste :
De ce double résumé, il résulterait que les deux récits diffèrent en ce que l’élohiste ne mentionne pas l’ordre d’entrer dans l’arche, l’envoi des oiseaux et le sacrifice final et en ce que le jéhoviste, de son côté, ne mentionne pas l’ordre de construire l’arche, l’ordre de sortir de l’arche, la sortie elle-même et les commandements donnés à Noé. La différence entre les deux récits irait même jusqu’à la contradiction sur les trois points suivants :
Mais, quant aux différences, il n’y a rien d’étonnant à ce que deux récits du même fait fassent ressortir chacun certaines circonstances particulières et comme il est bien évident que l’ordre de bâtir l’arche et l’ordre d’en sortir, ainsi que la sortie même de l’arche, devaient se trouver dans le récit jéhoviste, lors même que ces faits manquent dans la portion qui nous en a été transmise et que d’autre part il est probable que l’ordre d’entrer dans l’arche ne pouvait être complètement passé sous silence chez l’élohiste, nous constatons par là que nous n’avons que des extraits plus ou moins considérables de l’un et de l’autre et que, pour éviter les doubles emplois, le rédacteur de la Genèse a souvent omis de l’une de ses sources ce qu’il racontait d’après l’autre. Il nous paraît que dans cette partie de son récit l’auteur a pris pour base le document élohiste et qu’il l’a complété par les parties du document jéhoviste qui présentaient le plus d’intérêt.
Quant aux contradictions, elles ne ressortent point nécessairement des différences signalées. L’ordre mentionné dans l’élohiste de faire entrer dans l’arche une paire de chaque espèce animale et celui que rapporte le jéhoviste d’y faire entrer sept paires des espèces d’animaux purs, ne se rapportent point au même moment ; l’un, celui de l’élohiste, est donné le jour où Dieu condamne l’humanité à la destruction et ordonne à Noé de bâtir l’arche, ce qui devait prendre un temps très considérable ; l’autre est donné huit jours avant l’entrée dans l’arche et il est aisé de comprendre qu’à ce moment-là Dieu ait pu ajouter un détail nouveau. L’ordre relatif aux animaux dans le récit élohiste avait trait uniquement à la conservation des espèces ; celui qui est donné dans le récit jéhoviste est en relation particulière avec le sacrifice qui, d’après ce document, a été offert après la sortie de l’arche. On comprend ainsi que cet ordre plus spécial n’ait été donné qu’au moment de l’entrée dans l’arche.
Relativement aux deux facteurs du déluge dont l’un est omis par le jéhoviste, il est possible que le rédacteur ne nous ait transmis que les passages de celui-ci où était retracée la première phase du déluge, les quarante jours et les quarante nuits durant lesquels tomba la pluie. Nous ne savons ce que contenait le reste de son récit, puisque le rédacteur a dès lors donné la parole à l’élohiste jusqu’au terme de la catastrophe. Mais il est certain qu’il devait se représenter les montagnes couvertes jusqu’au sommet, puisqu’il raconte la destruction de tous les hommes sans exception et l’on ne comprend pas comment il aurait pu attribuer une pareille inondation à la pluie seule. Telle n’a pas été en tout cas la conception du rédacteur, qui avait en mains les deux documents.
Quant à la durée du déluge, il nous est impossible de supposer que le rédacteur eût inséré dans son récit une série de données empruntées au jéhoviste et qui auraient été manifestement contradictoires à celles que renfermait le document élohiste ; au lieu de chercher à amalgamer, il aurait choisi. Mais il n’avait pas à choisir. Nous avons rencontré dans le document jéhoviste une parole qui prouve que, d’après ce récit aussi, la perturbation causée par le déluge a dû porter sur une année tout entière ; c’est la parole Genèse 8.2 où Dieu promet que désormais l’alternance des étés et des hivers, des semailles et des moissons, des jours et des nuits ne sera plus troublée tant que la terre subsistera. Cette parole n’aurait aucun sens si le déluge n’avait duré d’après le jéhoviste, que les trois mois d’hiver, décembre, janvier et février. Nous avons donc le droit d’affirmer que cette troisième contradiction aussi n’existe pas et qu’elle ne doit son origine qu’à la manière fausse dont un si grand nombre de nos critiques modernes apprécient l’usage que le rédacteur a fait de ses documents.
Voici le cours des choses tel que le rédacteur final l’a compris et reproduit :
Voir une représentation d’Ararat
2. Le déluge d’après les traditions des autres peuples
De tous les temps préhistoriques, le déluge est peut-être celui qui a laissé le plus de traces dans la mémoire des peuples ; toutes les races humaines, la noire exceptée, en ont gardé le souvenir. Il semble cependant que la tradition de ce fait manque chez les Égyptiens ; mais en réalité ils en ont l’équivalent dans un récit de leurs livres sacrés.
Irrité de l’impiété et des crimes des hommes qu’il a produits, le dieu Râ tient un conseil secret avec les autres dieux et l’anéantissement de l’humanité est décrété. Une déesse, chargée de l’exécution, massacre, tous les hommes, à l’exception de quelques-uns. Un sacrifice expiatoire achève de calmer le courroux des dieux ; un pacte solennel est conclu entre eux et la race nouvelle et le dieu Râ jure qu’il ne tuera plus les hommes. L’inondation bienfaisante du Nil est le signe que la colère des dieux est apaisée. Cette tradition présente assez de traits communs avec le récit biblique du déluge pour que nous puissions la rapporter au même événement. Seulement le moyen de la destruction diffère parce que pour l’Égypte les inondations sont une condition de prospérité et non un élément destructeur.
Parmi les peuples européens, c’est chez les Grecs qu’on rencontre les souvenirs les plus précis du déluge. Chaque peuplade de la Grèce le racontait à sa manière et il est probable qu’à la légende primitive s’étaient mêlés des souvenirs de grandes inondations partielles. Le plus connu de ces récits est celui du déluge de Deucalion.
Deucalion, fils de Prométhée, construit, à l’instigation de ce dernier, un coffre dans lequel il se réfugie avec sa femme Pyrrha pour échapper à un déluge envoyé par Zeus à cause des crimes des hommes de l’âge de bronze. Après avoir flotté neuf jours au gré des flots, le coffre s’arrête sur le Parnasse ; Deucalion et Pyrrha en sortent, offrent un sacrifice et repeuplent le monde en jetant derrière eux les os de leur mère, la terre, c’est-à-dire des pierres, qui se changent les unes en hommes, les autres en femmes.
On retrouve des souvenirs lointains du déluge jusque chez les Celtes du pays de Galles, chez les Scandinaves et les Lithuaniens.
Ce qui est plus étonnant encore, c’est la présence de cette tradition chez les peuples de l’Amérique. La légende mexicaine en particulier, fixée par l’écriture et par la peinture avant l’arrivée des Européens dans le Nouveau Monde, présente des rapports frappants avec le récit biblique.
D’après l’une des nombreuses formes de cette légende, un homme nommé Coxcox ou Tezpi s’embarque en prévision du déluge dans un navire spacieux avec sa femme, ses enfants, plusieurs animaux et des graines dont la conservation était nécessaire à la subsistance du genre humain. Lorsque le grand dieu Tescatlipoca ordonna que les eaux se retirassent, Tezpi lâcha un vautour qui ne revint pas, parce qu’il trouva à se nourrir de cadavres. Il lâcha d’autres oiseaux, parmi lesquels le colibri seul revint, tenant une feuille dans son bec et donnant ainsi le signal de la sortie.
Des souvenirs analogues, mais moins précis, se retrouvent chez la plupart des tribus du Nouveau Monde, ainsi que dans quelques-unes des îles de la Polynésie.
Les traditions du déluge sont plus répandues encore en Asie. On a cité longtemps les Chinois parmi les peuples qui ont gardé le souvenir de ce cataclysme ; mais de nos jours plusieurs savants pensent que ces prétendus souvenirs du déluge se rapportent tout simplement à une grande inondation du Hoang-Ho inférieur, qui aurait en lieu dans un temps postérieur à la fondation des grands empires d’Égypte et de Babylone. Cependant les traditions concernant les temps qui ont précédé cette inondation présentent tant de traits communs avec l’histoire biblique des temps antérieurs que ces doutes nous semblent peu fondés. Mais il serait fort possible que, comme en Grèce, le souvenir d’une grande inondation locale se fût confondu avec celui du déluge.
Les traditions hindoues existent sous quatre formes différentes. D’après la plus ancienne, Manou, averti par un poisson, qui n’est autre qu’une incarnation de Brahma, construit un vaisseau dans lequel il se réfugie ; au moment où le déluge commence, le poisson conduit le vaisseau sur la montagne du nord, d’où Manou redescend dans la plaine quand les eaux se sont retirées. Comme le poisson est étranger à la mythologie hindoue, plusieurs savants pensent qu’il faut rechercher l’origine de cette tradition en Babylonie, où le dieu Ea, celui qui joue le rôle de sauveur dans le récit du déluge, est souvent représenté sous cette forme.
Les livres sacrés de la religion de Zoroastre présentent aussi une variante de l’histoire du déluge. Ahura-Mazda, le dieu bon, au moment de dévaster la terre par une inondation, ordonne à Yima, le père de l’humanité, de se construire comme refuge un jardin de forme carrée, défendu par une enceinte et d’y faire entrer les germes des hommes, des animaux et des plantes pour les préserver de l’anéantissement. Quand l’inondation arrive, ce jardin est seul épargné. Il semble que dans cette tradition, comme du reste dans la précédente, le patriarche du déluge soit confondu avec le père de l’humanité.
Sans nous arrêter aux nombreuses traditions de l’Asie occidentale, qui sont probablement influencées par le récit biblique, nous passons en Babylonie, le berceau de l’humanité primitive, où nous trouvons le parallèle le plus intéressant de notre récit. Conservées déjà en partie par l’historien Bérose, ces traditions ont été remises en lumière de nos jours par le déchiffrement des inscriptions du palais d’Assurbanipal. Les tablettes qui contiennent ce récit sont, comme celles du récit de la création, la copie d’un original plus ancien, que l’on a des raisons de faire remonter jusqu’au temps d’Abraham. Le héros Izdhubar, atteint de la lèpre, s’en va consulter Hasisatra (Xisuthros, d’après Bérose), le patriarche échappé au déluge, qui lui raconte comment il a été sauvé et mis au nombre des dieux. Voici son récit à peu près complet :
Les nombreux traits de ressemblance entre ces traditions et le récit biblique nous permettent d’affirmer que tous ces souvenirs doivent provenir d’un cataclysme qui a anéanti l’humanité au moment où elle était encore réunie dans les plaines de la Babylonie. Les peuples divers, en se dispersant, ont emporté avec eux la tradition de ce fait, et, oubliant leur patrie primitive, ils l’ont placé dans le pays où ils se sont fixés et ont donné peu à peu au récit primitif une couleur locale (caractère bienfaisant de l’inondation en Égypte, pierres en Thessalie, vautour au Mexique, etc.).
Mais des modifications plus considérables encore proviennent de l’oubli de Dieu et de la loi morale. C’est ce que nous constatons en particulier dans le récit babylonien, le plus rapproché de la narration biblique au point de vue des circonstances extérieures, mais qui en diffère complètement au point de vue religieux et moral. Tandis que le récit biblique est tout imprégné du sentiment de la grandeur et de la justice du Dieu unique, le polythéisme le plus complet domine le récit babylonien et les dieux y sont traités avec fort peu de respect.
Avant d’agir ils doivent commencer par s’entendre ; puis il y a parmi eux un traître qui divulgue leurs desseins et sauve Hasisatra à leur insu. Après avoir déchaîné les éléments, ils sont impuissants à les réprimer et fuient devant eux de ciel en ciel, pour se blottir enfin tremblants de peur et serrés les uns contre les autres comme des chiens dans l’espace le plus élevé.
Quand Hasisatra offre un sacrifice aux dieux, il en exclut Bel. Ce dernier s’irrite quand il voit que tous les hommes ne sont pas morts et c’est à grand peine qu’Ea l’apaise. Trait caractéristique, Bel et Ea se partagent les attributs de la justice et de la bonté qui, dans le récit biblique, appartiennent au Dieu unique.
La supériorité du récit biblique apparaît aussi dans son caractère unique de sainteté et d’objectivité. Tandis que dans la tradition babylonienne tout est raconté au point de vue de l’homme, dans le récit biblique tout est raconté et jugé du point de vue de Dieu. De là, dans cette dernière narration, l’absence d’une quantité de détails extérieurs, tandis que tout ce qui concerne le caractère moral du fait est rapporté avec le plus grand soin.
Dans ces circonstances, le rapport entre les deux récits n’est pas douteux. Si, comme nous croyons l’avoir démontré plus haut, le monothéisme est antérieur au polythéisme et si la loi morale fait partie de la dotation primitive de l’humanité, la tradition qui est à la base du récit biblique est la tradition authentique et primitive du fait.
Emportée de Chaldée par Abraham avant d’avoir subi des déformations y elle s’est conservée intacte dans le milieu où Dieu a continué à se révéler, tandis que partout ailleurs elle s’est défigurée sous l’influence du polythéisme et de la dégradation morale.
3. La réalité du déluge
Les souvenirs des peuples païens que nous venons de retracer sommairement doivent remonter à une source commune ; cette source ne peut être que le grand fait que l’Écriture vient de nous retracer d’après la tradition israélite avec une supériorité incontestable. Cette narration scripturaire porte d’ailleurs en elle une empreinte de grandeur et de sainteté qui ne permet pas de n’y voir qu’une fiction ou une légende due à l’imagination humaine.
Si l’on examine les chiffres mentionnés dans ce récit, on n’y trouve pas la moindre trace d’une intention systématique. Le seul trait qui pourrait faire exception est la durée à peu près exacte d’une année attribuée au déluge. Or cette durée est peut-être en relation avec le bouleversement qui a produit ce cataclysme et qui a pu être de nature cosmique. Il est évident que des deux causes auxquelles il est attribué, la plus puissante a dû être le soulèvement des eaux de la mer.
Or ne peut-on pas envisager comme probable que ce soulèvement extraordinaire a été dû à une cause infiniment plus considérable, mais pourtant analogue à celle qui, toutes les vingt-quatre heures, déplace une si grande partie des eaux de l’Océan ? Tous les géologues admettent aujourd’hui que la terre a été, une fois, peut-être plusieurs, recouverte en partie d’un linceul de glace. Comment expliquer ce phénomène ? C’est encore une énigme pour les savants et cependant ils n’hésitent pas à admettre le fait. Pourquoi ne pas en agir de même à l’égard de celui du déluge, qu’attestent un si grand nombre de traditions chez les peuples les plus divers ?
4. Extension du déluge
La pensée du rédacteur de notre récit ne paraît pas douteuse ; il se représente la terre entière couverte d’eau, à une hauteur qui dépasse celle des plus hautes montagnes du globe et la totalité des êtres vivants, hommes et animaux, exterminés.
Il était difficile que la tradition qui lui était parvenue et qui datait de Noé et de ses fils pût avoir un autre sens ; car que savaient-ils du déluge ? Ce qu’ils avaient vu de leurs yeux : le pays tout entier, avec ses montagnes les plus élevées couvert d’eau ; puis ce qu’ils avaient entendu de la bouche de Dieu : que l’humanité tout entière devait périr avec l’animalité qui l’entourait. Noé et ses fils devaient naturellement conclure de deux faits réunis à l’universalité du déluge. Mais il nous est impossible de ne pas nous demander si les animaux qui vivent aux extrémités d’autres continents et dont on trouve des restes fossiles antérieurs à l’homme lui-même, sont venus de si loin : les ours blancs des contrées du pôle, les kangourous de l’Australie, les zèbres du midi de l’Afrique, une paire de chaque espèce, pour entrer dans l’arche au jour marqué. Nous serions donc disposés à admettre que le déluge n’a envahi que la portion de la terre déjà occupée par l’humanité. Cela suffisait pleinement au but que Dieu se proposait dans ce châtiment. On peut donc supposer que le théâtre de la catastrophe a été la Mésopotamie avec les pays environnants et l’on comprend ainsi que le soulèvement des eaux de l’océan Indien ait poussé l’arche vers le nord jusque sur les plateaux de l’Arménie.
On pourrait dire sans doute que la cause cosmique que nous réclamons pour ce cataclysme implique un effet plus général, mais nous ne croyons pas pouvoir raisonner sur des quantités totalement inconnues et nous rappelons seulement que l’époque glaciaire, qui doit avoir eu une cause générale non moins considérable, ne s’est étendue qu’à certaines parties de notre globe.
Quoi qu’il en soit, nous rappelons encore que le fait essentiel n’est pas l’universalité de l’inondation, mais la destruction totale du genre humain. C’est ce second fait que Dieu avait annoncé à Noé et qui est par conséquent l’objet de la révélation. L’idée d’une inondation universelle, qui a passé dans la tradition des descendants de Noé, est un corollaire que ce dernier, ignorant comme il l’était de l’étendue du globe, a pu tirer tout naturellement de la communication divine d’une part et de l’autre du spectacle qui s’est présenté à ses regards lorsque l’arche s’est arrêtée.
Verset 18
Cette partie comprend quatre morceaux :
Prophétie de Noé sur ses descendants (18-29)
Ce trait, le seul qui soit rapporté des trois siècles et demi durant lesquels Noé a survécu au déluge, fait la transition entre l’histoire de ce cataclysme et celle de l’extension de l’humanité.
La prophétie est motivée par une scène de famille qui donne à chacun des trois frères l’occasion de manifester son caractère.
Versets 18 à 24 — Occasion de la prophétie
Verset 18
Ce verset introduit les personnages qui joueront un rôle dans cette scène. Si Canaan est expressément mentionné comme fils de Cham, c’est parce que, dans la malédiction qui suivra, il sera nommé à la place de son père.
Verset 19
Les habitants de toute la terre. L’auteur entend donc bien que toute l’ancienne humanité, à l’exception de Noé et de ses fils, avait péri. Ces deux versets sont à la fois la clôture de l’histoire du déluge et l’introduction du morceau suivant.
Verset 20
D’autres ont traduit : Noé commença à cultiver la terre et planta de la vigne. Notre traduction nous paraît rendre mieux le texte original. Commença à planter de la vigne. La géographie botanique constate que l’Arménie a été la patrie primitive de la vigne. Chez les païens, cette invention, comme toutes les autres, est attribuée à un dieu : Bacchus chez les Grecs, Osiris chez les Égyptiens.
Verset 21
Fut ivre. Noé est sans doute excusable, puisqu’il ne connaissait pas encore l’effet du vin ; il n’en reste pas moins vrai qu’il y a là une chute que l’Écriture ne cache pas plus qu’elle ne déguise celles des autres hommes de Dieu. On est frappé du contraste entre cet esprit de vérité et l’apothéose de Hasisatra, le héros du déluge dans les récits chaldéens.
Verset 22
Père de Canaan. Pourquoi cette insistance à répéter que Cham était le père de Canaan ? Plusieurs commentateurs, se conformant à une ancienne tradition juive, ont supposé que c’était Canaan qui avait vu le premier la nudité de Noé ; il l’aurait rapporté à Cham, qui, à son tour, serait allé le dire à ses frères. Voir sur cette question au verset 25.
Le rapporta. Dans un sentiment de mépris et de moquerie.
Verset 23
Sem avec Japheth. D’après cette forme, c’est Sem qui a pris l’initiative.
Le manteau : vêtement de dessus servant de couverture pour la nuit (Exode 22.6 ; Deutéronome 24.13). Le… : celui dont leur père se couvrait ordinairement.
Verset 24
Son plus jeune fils. L’ordre dans lequel les fils de Noé sont ordinairement indiqués est : Sem, Cham et Japheth (Genèse 5.32 ; Genèse 6.10 ; Genèse 9.18 ; Genèse 10.1). Il semble donc d’après ces passages que Japheth et non Cham, soit le cadet. Quelques interprètes qui comprennent la chose ainsi ont essayé de prendre le mot katon, petit, dans le sens de petit-fils et l’ont appliqué à Canaan. Mais katon n’a jamais ce sens.
D’autres, maintenant le sens de cadet, y voient l’idée de cadet par rapport seulement à Sem, qui joue le rôle principal dans le verset 23. Mais il est plus naturel d’admettre que la série Sem, Cham et Japheth n’est pas chronologique et que, si Cham a été placé entre Sem et Japheth, c’est parce que, dès les temps les plus anciens, les Israélites ont eu comme voisins les plus rapprochés des Chamites.
Reste la question de savoir lequel était l’aîné, de Sem ou de Japheth. Cela dépend de l’interprétation de Genèse 10.21. Ce passage peut être traduit : Sem, frère de Japheth l’aîné, ou : Sem, frère allié de Japheth. En faveur de la première interprétation, on cite l’ordre des trois généalogies du chapitre 10 : Japheth, Cham et Sem. Mais, comme nous avons fait remarquer déjà, la généalogie de la race élue se trouve toujours la dernière dans la Genèse, de sorte qu’on ne peut pas regarder cet ordre comme chronologique.
Du reste la construction que nous combattons ici n’est pas conforme à l’usage de la langue hébraïque. La seconde interprétation nous parait préférable. En effet, le but de cette remarque nous semble être d’éviter qu’on ne s’imagine en lisant ce chapitre 10 que Sem, étant le dernier en liste, était le cadet. La série réelle des fils de Noé est donc selon nous : Sem, Japheth et Cham.
Verset 25
La prophétie de Noé (25-27)
Noé, animé de l’esprit prophétique, voit dans les dispositions actuelles de chacun de ses trois fils les traits caractéristiques des trois races qui sortiront d’eux. C’est pourquoi il peut prononcer ces trois sentences d’une portée générale. L’Écriture est d’accord avec la science pour reconnaître en plein la loi de l’hérédité, mais sans porter atteinte au fait de la liberté, car les descendants ne sont responsables de la disposition transmise que dans la mesure où ils la sanctionnent en y acquiesçant volontairement.
C’est évidemment le sentiment d’indignation contre Cham et Canaan qui domine dans le cœur de Noé ; il y donne cours dans les premiers mots et il y revient après chacune des deux promesses suivantes adressées à ses fils aînés.
Maudit soit Canaan. Cette malédiction de Canaan au lieu de Cham a fait supposer à plusieurs interprètes que ce récit n’était qu’un mythe destiné à justifier après coup la destruction du peuple cananéen par les Israélites. Mais dans ce cas-là, on ne comprendrait pas qu’aucune part ne soit attribuée à Canaan dans la faute commise et qu’elle soit mise tout entière à la charge de Cham. Et comment Japheth serait-il désigné avec Sem comme l’instrument du jugement divin sur Canaan ? Aucun peuple japhéthique n’a coopéré à la destruction des Cananéens par Israël. La malédiction de Canaan n’a donc pas l’intention qu’on lui attribue en y voyant un mythe fait après coup.
D’autres ont supposé que si c’était sur Canaan que portait la malédiction c’était parce qu’il était le fils cadet de Cham et que celui-ci, fils cadet de Noé, devait être puni dans la personne du cadet de ses fils. Nous constaterons sans doute souvent l’exactitude avec laquelle la punition divine est appropriée à la faute (voir l’histoire de Jacob), mais cette rétribution ne s’attache pourtant qu’aux coupables.
Nous sommes ainsi amenés à une ou l’autre de ces suppositions : ou bien Canaan avait pris à la faute de son père une part qui n’est pas indiquée dans le récit, ou bien Noé savait que les défauts inhérents au caractère de Cham et de ses fils atteignaient leur point culminant chez le plus jeune de ceux-ci.
Le serviteur des serviteurs : le dernier des serviteurs.
Verset 26
Au lieu de bénir Sem directement, Noé bénit l’Éternel qui le bénira.
Dieu de Sem. Noé a le sentiment que, dans ce moment déjà, Sem est vis-à-vis de l’Éternel dans une relation particulière. C’est à la famille de ce patriarche que Dieu continuera à se révéler et c’est en elle que son culte se perpétuera, même quand l’idolâtrie aura envahi le monde ; c’est d’elle que sortira le peuple dont il sera le Dieu. Les mots suivants : et que Canaan soit son serviteur, sont comme une espèce de refrain qui revient encore une fois tel quel après la bénédiction de Japheth. On pourrait traduire aussi leur serviteur, ce qui signifierait serviteur de Cham et de Japhet ; mais non de Sem pris au sens collectif, c’est-à-dire des Sémites, comme on l’a entendu souvent.
Verset 27
Que Dieu donne de l’espace. Ces mots ne sont autre chose que la paraphrase du nom de Japheth, dont le sens est : qu’il étende. Le chapitre 10 nous montrera comment cette bénédiction s’est réalisée par l’immense extension qu’a prise sur le globe la postérité de Japheth.
Remarquons le mot Dieu (Elohim) employé ici, tandis que pour Sem l’auteur employait le mot Jéhova. Ce changement sous la plume du même auteur, probablement le jéhoviste, doit être intentionnel. Elohim est le Dieu de la nature, celui par conséquent qui bénit dans le domaine temporel. Mais cette bénédiction ne sera pas la seule, comme le montrent les mots suivants.
Qu’il habite dans les tentes de Sem. Le sujet de cette phrase est Japheth et non pas Dieu. En effet le verset 27 renferme la bénédiction de Japheth, comme le verset 26 celle de Sem. Puis si c’était Dieu qui habitait dans les tentes de Sem, l’auteur aurait employé comme au verset 26 le nom de Jéhova au lieu de celui d’Elohim ; du reste l’Éternel n’est jamais désigné comme habitant les tentes du peuple ; son habitation au milieu d’Israël est la tente du témoignage.
Sem et Japheth s’étaient unis dans un même sentiment de respect filial ; aussi sont-ils réunis sous une bénédiction commune ; mais comme c’est de Sem qu’était partie l’initiative dans leur conduite filiale, c’est aussi lui qui communiquera à Japheth la bénédiction dont il aura été le premier l’objet.
Il est impossible d’entendre l’expression habiter dans les tentes de Sem au sens littéral ; ainsi comprise, cette promesse serait matériellement incompatible avec la précédente. On a voulu y voir l’annonce d’une conquête des territoires sémitiques par les Japhéthites. Mais cette idée est contraire au texte lui-même, qui parle d’une cohabitation paisible, d’une hospitalité exercée par Sem. Il n’y a donc qu’un sens possible : Sem ayant été désigné comme celui des fils de Noé avec lequel Dieu continuera à communiquer, habiter dans ses tentes sera participer à cette communication divine accordée à Sem.
On a tenté d’échapper à cette interprétation toute spirituelle en donnant ici au mot Schem le sens de nom, qu’il a habituellement comme nom commun. On arrive ainsi à traduire : Que Japheth habite dans des tentes de nom, c’est-à-dire des tentes illustres. Mais l’auteur avait pour désigner la gloire d’autres mots que ce nom de Schem qui, dans ce contexte, prêtait nécessairement à l’équivoque. Il est impossible d’ailleurs de trouver dans toute l’Écriture une locution pareille.
Que Canaan soit son serviteur. Nous avons observé déjà que ces mots empêchent d’appliquer la menace faite à Canaan aux peuples cananéens spécialement, car ils n’ont jamais eu à faire avec les Japhéthites avant la prise de Tyr par Alexandre et les guerres des Romains contre les Carthaginois. Il faut donc rapporter cette menace à l’absence de développement des races chamitiques par rapport aux races sémitiques et japhéthiques et à la suprématie de ces dernières. On pourrait nous objecter sans doute la grandeur de l’Égypte et de la Phénicie. Mais ces peuples eux-mêmes ont fini par céder à la puissance des deux autres races et l’état actuel des tribus chamitiques qui, comme nous le verrons au chapitre 10, se sont surtout étendues en Afrique, ne justifie que trop clairement la parole prophétique de Noé.
Si l’on cherche dans l’histoire la réalisation de ces vastes intuitions prophétiques, on la trouvera donc :
Il suffit de cet exposé pour prouver que ce n’est point ici une parole soi-disant prophétique composée après les événements auxquels elle se rapporte, mais une véritable et grandiose prophétie embrassant la totalité de l’histoire de l’humanité. Il serait d’ailleurs impossible de trouver dans l’histoire israélite un moment où un auteur quelconque aurait pu mettre ces mots dans la bouche de Noé : après la conquête de Canaan, personne n’aurait associé à cet exploit les Japhéthites ; et au temps de la grandeur des Phéniciens, descendants de Canaan, personne à la vue de ce peuple riche et puissant n’aurait parlé des Cananéens comme Noé en parle ici. Enfin quel Israélite aurait jamais inventé le fait honteux qui est l’occasion de toute cette scène ? Nous concluons donc à la pleine réalité de la prophétie mise dans la bouche de Noé et à la vue vraiment surnaturelle dont elle est l’expression.
Nous devons remarquer enfin que la malédiction prononcée contre la race de Cham a un caractère purement temporel et que rien n’empêche d’admettre que cette malédiction une fois enlevée par la rédemption, les Chamites ne puissent avoir part au salut accordé à leurs frères. Alors se réalisera pleinement cette parole : Dieu bénit Noé et ses fils en disant : … J’établis mon alliance avec vous et avec votre postérité après vous (Genèse 9.1 et Genèse 9.9).
Verset 28
Avec ces versets, l’auteur revient au document élohiste. Ils complètent le chapitre 5 en donnant les dernières indications sur l’âge de Noé.