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Bible Commentaries
Matthieu 16

La Bible Annotée de NeuchâtelLa Bible Annotée de Neuchâtel

versets 1-28

Plan du commentaire biblique de Matthieu 16

Le conflit

Jésus, de retour en Galilée, est soumis à une nouvelle épreuve par les pharisiens et les sadducéens. Jésus les qualifie d’hypocrites, eux qui savent bien reconnaître l’aspect du ciel et qui ne discernent pas les signes des temps. Ils n’auront pas d’autre signe que celui de Jonas (1-4).

Départ de Jésus, exhortation au sujet du levain

Jésus, repassant à l’autre rive du lac, met ses disciples en garde contre le levain de ses adversaires. Les disciples, qui ont oublié d’emporter des pains, prennent cette recommandation dans son sens matériel. Jésus dissipe ce malentendu et leur reproche leur incrédulité, en leur rappelant les deux multiplications des pains (8-12).

Verset 1

Retraite à Césarée de Philippe (chapitre 16)

Versets 1 à 12 — Nouvelle attaque des pharisiens unis aux sadducéens, ils demandent un signe du ciel, se garder de leur levain

Voir sur les pharisiens et les sadducéens Matthieu 3.7, note.

On s’est étonné de voir, dans le récit de Matthieu, des délégués de ces deux sectes ennemies s’unir pour tenter Jésus. Mais qu’on se souvienne de Pilate et d’Hérode devenus amis (Luc 23.12).

Ne voit-on pas très souvent les partis les plus opposés se coaliser pour atteindre certains buts ? Cette association des pharisiens et des sadducéens marque un nouveau progrès dans l’opposition contre Jésus.

Quelques interprètes ont voulu identifier cette demande d’un signe avec celle que Matthieu a rapportée à Matthieu 12.38. Mais pourquoi les adversaires n’auraient-ils pas eu recours plus d’une fois à la même ruse ?

Il s’agit d’ailleurs ici d’autre chose, d’un signe venant du ciel et apparaissant à la vue (Matthieu 24.29 et suivants Actes 2.19). Ces hommes savaient que Jésus ne le produirait pas, ils comptaient en profiter pour persuader aux foules qu’il n’était pas le Messie.

Verset 3

Ces paroles des versets 2 et 3, depuis Quand le soir jusqu’à signes des temps, manquent dans Codex Sinaiticus, B et d’autres, dans des versions anciennes et dans quelques Pères.

Un manuscrit les marque d’un signe dubitatif ; enfin Marc ne les a pas dans son récit parallèle (Marc 8.11).

Cela n’en prouve point pourtant l’inauthenticité.

Tischendorf les admet dans son texte, mais entre des crochets.

On trouve dans Luc (Luc 12.54-56) une pensée semblable, exprimée par des images un peu différentes.

Il y a, du reste, dans notre passage, diverses variantes. Ainsi le mot hypocrites du verset 3 est omis par plusieurs critiques.

Les signes des temps que Jésus reproche à ses adversaires de ne pas savoir discerner, aussi bien qu’ils jugeaient de l’apparence du ciel, ce sont tous les phénomènes moraux d’une époque, qui peuvent en indiquer le caractère distinctif. On a pensé ici spécialement aux miracles de Jésus, qui rendaient bien inutile la demande d’un signe du ciel, ou encore à l’accomplissement des prophéties, etc.

Mais la pensée de Jésus est générale comme le montre ce pluriel : signes des temps. Du reste le grand signe du temps, un signe réellement venu du ciel, c’était la présence et la vie du Sauveur lui-même.

Verset 4

Voir Matthieu 12.38-39, note.

Il faut remarquer ce mot signe trois fois répété à dessein.

Le texte reçu porte : Jonas le prophète. Ce dernier mot est inauthentique.

Les trouvant indignes et incapables de recevoir d’autres enseignements (Matthieu 21.17).

Juste sévérité.— Bengel

Verset 5

Jésus lui-même, après avoir quitté les pharisiens, passe, avec ses disciples sur la rive orientale du lac (Marc 8.13), mais les disciples seuls sont nommés ici comme sujet du verbe avaient oublié.

Nous voyons par là qu’à l’ordinaire ils portaient avec eux la provision de pain nécessaire à la journée ou à un petit voyage.

Verset 6

Allusion à l’entretien qui venait d’avoir lieu (versets 1-4).

Le levain, ce ferment caché dans la pâte, interdit aux Juifs dans leurs fêtes solennelles, est l’image des pensées et des sentiments les plus intimes des hommes dont il s’agit ici.

C’est ce que Matthieu explique par la doctrine ou l’enseignement dés pharisiens et des sadducéens (verset 12). Jésus, dans une autre occasion, désigne par cette image leur hypocrisie (Luc 12.1 ; comparez 1 Corinthiens 5.6-8).

Verset 7

En entendant les paroles de Jésus, les disciples s’aperçoivent de leur oubli (verset 5) ; mais les comprenant à la lettre, ils croient que le Maître leur reproche d’avoir négligé de prendre des pains.

En effet, manger avec des païens ou se nourrir de pains préparés par eux, était, aux yeux des Israélites, une souillure.

Les disciples pensent donc qu’il leur interdit aussi le pain des pharisiens et des sadducéens et que, arrivés sur l’autre rive, ils n’auront point de pain qu’ils puissent manger sans scrupule.

Verset 10

Matthieu 16.14.15 et suivants ; Matthieu 16.15.32 et suivants.

Le contraste du petit nombre de pains et des milliers qui furent rassasiés est rehaussé par la mention du grand nombre des paniers qu’ils remplirent des restes.— B. Weiss

Après ces deux exemples que les disciples ne pouvaient pas avoir oubliés, Jésus est bien fondé à leur reprocher le défaut d’intelligence dont ils viennent de faire preuve en interprétant ses paroles comme ils l’ont fait.

Ils manquaient aussi de foi ; avec un tel Maître, pouvaient-ils être privés de pain ?

Nous avons ici le témoignage de Jésus lui-même sur la réalité des deux miracles qu’il rappelle à ses disciples.

Les deux mots grecs différents que nous traduisons par paniers et corbeilles (celles-ci plus grandes que ceux-là) se retrouvent exactement dans les récits des deux miracles.

Verset 11

C’est ainsi qu’il faut rendre ce verset, d’après le vrai texte. Jésus, après avoir exprimé son étonnement de l’interprétation matérielle des disciples, se contente de répéter son exhortation : Gardez-vous.

Verset 12

Voir verset 6, note.

Verset 13

Questions de Jésus et confession de Pierre

Jésus, retiré avec ses disciples dans la contrée de Césarée de Philippe, les interroge sur les opinions qui ont cours à son sujet. Ils lui citent ces opinions diverses. Et vous, leur demande-t-il alors, quelle est votre conviction ? Pierre répond vivement : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (13-16) !

Déclaration de Jésus à Pierre

Heureux es-tu, lui répond Jésus, car cette foi est en toi une révélation de mon Père. Et moi, je te dis : Tu es Pierre et sur ce roc je bâtirai mon Église et le séjour des morts ne pourra l’engloutir. Je te donnerai les clefs de mon royaume : tu auras le pouvoir de lier et de délier (17-20).

Jésus prédit ses souffrances et sa mort

Jésus s’applique aussitôt à faire comprendre à ses disciples qu’il est nécessaire qu’il aille souffrir et mourir à Jérusalem et qu’il ressuscite le troisième jour. Pierre, le prenant à part, proteste contre cette pensée. Jésus le repousse avec sévérité et lui reproche de juger d’une manière tout humaine et non au point de vue de Dieu (21-23).

Comment suivre Jésus

Quiconque veut être son disciple doit se charger de la croix. Vouloir sauver sa vie, c’est la perdre ; et que servirait-il alors de gagner tout le monde ? Car le fils de l’homme viendra rendre à chacun selon sa conduite. L’avènement de son règne est proche (24-28).

À Césarée de Philippe, question sur le fils de l’homme, confession de Pierre, pouvoir des clefs (13-28)

Ville appelée anciennement Paneas, située au pied de l’Hermon, près des sources du Jourdain. Elle avait été agrandie par le tétrarque Philippe et nommée par lui Césarée en l’honneur de l’empereur ; on ajoutait à ce nom celui de Philippe pour la distinguer de l’autre Césarée, située sur les bords de la mer Méditerranée.

Jésus se rendait dans ces contrées montagneuses et à demi païennes du nord, pour y trouver la solitude qu’il avait cherchée déjà sur la rive orientale du lac, ou dans la contrée de Tyr et de Sidon (chapitre Matthieu 14 et Matthieu 15). Il avait d’ailleurs de graves questions à adresser à ses disciples et des révélations importantes à leur faire (comparer sur le site de Césarée de Philippe, Jésus, par Mme de Gasparin, page 127 et suivantes).

Des manuscrits autorisés et des versions anciennes retranchent le pronom moi, que Tischendorf omet aussi. Alors il faudrait traduire : « Qui disent les hommes (les gens, autour de nous, dans le pays) qu’est le fils de l’homme » ?

Le sens reste le même au fond, puisque Jésus se désignait ordinairement par cette expression : le fils de l’homme.

La question signifie donc : À quelle conviction est-on arrivé sur moi qui suis apparu dans l’humble condition d’un enfant des hommes ? S’élève-t-on jusqu’à la conception vraie de ma mission messianique renfermée dans ce nom (comparer Matthieu 8.20 note) ?

Les disciples avaient pu recueillir, en parcourant le pays lors de leur première mission, de nombreuses informations à ce sujet. Et cette question générale avait pour but d’introduire une autre question que Jésus se proposait de leur adresser à eux plus directement (verset 15).

Verset 14

Toutes ces opinions revenaient à tenir Jésus pour un précurseur du Messie. Jean-Baptiste étant mort, ceux qui croyaient le voir revivre en Jésus partageaient la superstition d’Hérode (Matthieu 14.2).

Ceux qui le tenaient pour Élie ne pensaient pas que ce prophète eût reparu en Jean-Baptiste (Matthieu 11.14 ; Matthieu 17.10).

Jérémie, le prophète-martyr, qui avait présidé à la ruine de Jérusalem, joua un grand rôle dans la légende postérieure. D’après 2 Maccabées 2.4 et suivants, il aurait caché l’arche et les ustensiles sacrés. L’idée de la réapparition des anciens prophètes était générale dans le judaïsme depuis l’exil (1 Maccabées 9.27 ; 1 Maccabées 4.46, 4 Esdras 2.18).

Bernhard Weiss pense que ceux qui tenaient Jésus pour Jérémie ou l’un des prophètes, ne le regardaient pas comme le précurseur du Messie et se distinguaient par là des premiers. Mais ces réapparitions d’anciens prophètes ne se rattachaient-elles pas toutes, dans la croyance populaire, à l’ère messianique (comparer Jean 1.21 ; Jean 7.40) ?

On voit par cette réponse des disciples que, si plusieurs fois la multitude avait pressenti en Jésus un envoyé de Dieu, très peu cependant osaient le reconnaître comme le Messie et le Sauveur. La foi claire et ferme de Pierre (verset 16) est d’autant plus admirable.

Verset 15

Mais vous ? Question capitale pour les disciples d’alors et pour ceux de tous les temps !

Jésus n’avait jamais déclaré expressément à ses disciples qui il était. Il avait voulu, avec une sagesse profonde, qu’ils arrivassent par degrés à le connaître en écoutant ses paroles, en voyant ses œuvres, en contemplant sa vie sainte, en se formant ainsi une conviction personnelle et vivante. La vraie foi ne naît pas autrement.

Mais maintenant que le temps de ses souffrances et de sa mort approchait (verset 21), temps d’épreuve terrible pour les disciples, le Maître veut qu’ils se rendent compte de leur foi et qu’ils la lui confessent solennellement, afin de s’y affermir. L’heure de la décision pour leur vie entière avait sonné.

Verset 16

Pierre, selon son habitude et son caractère, prend la parole, mais il la prend au nom de tous.

Le Christ en grec, comme le Messie en hébreu, signifie l’Oint, l’Oint de l’Éternel, par la plénitude de l’Esprit de Dieu (Matthieu 1.16, note).

Pierre voyait donc en Jésus-Christ l’accomplissement de toutes les promesses, la réalisation divine de l’ancienne alliance tout entière, le Libérateur promis à Israël et au monde.

Mais il ne s’en tient pas là. Ce Messie est pour lui le Fils de Dieu, dans un sens unique, exclusif (Matthieu 3.17), Celui qui est lui-même la parfaite révélation de Dieu (Matthieu 11.27). Il est probable toutefois que la pleine signification de ce nom n’a été comprise par les apôtres qu’après la résurrection de Christ (Romains 1.4) et sous l’influence de l’Esprit de la Pentecôte.

Pour bien marquer la portée de sa confession, Pierre ajoute au nom de Dieu une épithète au sens profond : Fils du Dieu vivant, l’opposant ainsi aux idoles sans vie qu’adorent les hommes (Actes 14.15 ; Actes 17.29) et le présentant comme la source unique de la vie de l’univers, de la vie divine qui se manifestait en son Fils (Jean 6.68).

Dès l’origine la simplicité tout humaine et la pauvreté de la vie de Jésus, l’apparence faible du fils de l’homme avait contrebalancé l’impression des grands faits dont les apôtres étaient les témoins ; en dernier lieu les misères de leur vie de fugitifs avaient jeté un sombre voile sur les manifestations de la gloire de Jésus. La confession de Simon Pierre, dans ces circonstances, est un grand acte. On ne sait ce qu’on doit admirer le plus, de cet élan des disciples qui brisent le moule de la pensée juive, cassent le jugement des chefs religieux, s’élèvent au-dessus de l’opinion populaire, trouvent élevé et divin ce qui est humble et foulé aux pieds, parce que, aux yeux de l’esprit, cela est élevé et reste divin, ou de la personnalité de Jésus qui, malgré la puissance accablante des circonstances extérieures, obtient de si faibles disciples l’expression franche, pure, sublime de l’effet produit sur eux par l’ensemble de son activité.— Keim

C’est dans notre Évangile que cette confession de Pierre est la plus complète. D’après Marc, il dit : Tu es le Christ ; d’après Luc : Tu es le Christ de Dieu ; d’après Jean : (Jean 6.69) Tu es le Saint de Dieu ; mais ces titres impliquent celui de Fils de Dieu.

Matthieu seul rapporte les paroles de Jésus à Pierre qui suivent.

Verset 17

Oui heureux, car une telle foi ouvrait à Pierre la source du bonheur présent et éternel !

Jésus donne à son disciple son ancien nom complet, par opposition au nouveau qu’il va lui confirmer (verset 18 ; comparez Jean 1.43).

Quelques interprètes ne veulent voir dans ces noms de Simon, fils de Jona, que la solennité du discours (l’original conserve le mot hébreu : Barjona, fils de Jona).

D’autres pensent que Jésus les donne à Pierre à cause de leur signification : Simon, celui qui écoute, qui sait écouter et entendre ; Jona, la colombe, l’emblème de l’Esprit (Matthieu 3.16). Mais telle n’est point l’intention du Sauveur. En donnant à son disciple son ancien nom, en ramenant ainsi sa pensée sur son état naturel, dans lequel il n’aurait jamais pu faire une telle confession, Jésus le prépare à la solennelle déclaration qui suit sur l’origine de sa connaissance et de sa foi.

La chair et le sang, c’est l’homme mais l’homme naturel tel qu’il naît et vit sans la régénération par l’Esprit (Jean 3.6 ; 1 Corinthiens 15.50 ; Galates 1.16).

Or, ce n’est pas là ce qui révèle à une âme la divinité de son Sauveur. Le Père seul le fait par son Esprit. Sans cette action divine, la présence même et la parole de Jésus n’auraient pas suffi pour amener Pierre a la foi, comme le prouve l’exemple de tant de ses auditeurs qui n’y parvinrent point (Jean 6.60-66).

L’objet du verbe t’ont révélé n’est pas exprimé en grec ; il ressort de la confession de Pierre : (verset 16) c’est le fait que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu.

Verset 18

Grec : « tu es Petros (masculin), un roc : et sur cette petra (féminin), sur ce roc, je bâtirai… » On voit que l’évangéliste a employé en grec ces deux synonymes de manière à ce que l’un soit un nom propre, l’autre un nom commun.

Le français comme le grec rend ce jeu de mots : « Tu es Pierre et sur cette pierre… » Mais Jésus parlait araméen et répéta identiquement le même terme : « Tu es Kèphas (roc) et sur ce Kèphas… » (Jean 1.43).

On a trouvé une contradiction entre ce dernier passage et notre récit : d’après Jean, Pierre aurait reçu ce nom dès le commencement. Mais ici Jésus ne lui donne pas ce nom, il le lui confirme : tu es Pierre.

Quel est le sens des paroles si longuement controversées : sur ce roc je bâtirai mon Église ? Et d’abord, qu’est-ce ici que l’Église, mot qui ne se trouve nulle part dans nos évangiles, sauf dans notre passage et dans Matthieu 18.17 ?

Le terme français Église est grec par son étymologie (ecclèsia) et dans la langue originale, il signifie toute assemblée ou plutôt convocation même en dehors d’un but religieux (Actes 19.39-40). Jésus se servit sûrement du mot hébreu kahal, qui désignait les convocations solennelles du Peuple israélite. Par ce terme, il n’entendait pas désigner une Église particulière, mais l’ensemble de ceux qui croiraient en lui (il en est autrement au Matthieu 18.17).

Enfin, il considère l’Église, suivant une figure de langage qu’emploiera fréquemment l’apôtre Paul, comme un édifice qu’il s’agit de bâtir.

La critique négative, n’admettant pas que Jésus pût ainsi parler de son Église avant qu’elle existât, révoque en doute l’authenticité de ces paroles, qui, selon elle, appartiennent à un ordre de faits postérieurs.

Comment alors Jésus pourrait-il parler si souvent de son royaume (verset 19), en décrire tous les caractères et tous les développements, jusqu’à la perfection ? La notion d’une telle société spirituelle était d’ailleurs donnée par la communion des âmes pieuses du milieu du peuple d’Israël, qui formaient déjà une Église. Et même le petit nombre de croyants réunis autour du Sauveur n’étaient-ils pas déjà son Église ? Et Jésus n’aurait pu en prévoir tous les développements futurs ! Il faut s’y résigner : retrancher du Nouveau Testament la prescience et la divinité de Jésus-Christ, c’est se condamner à n’y plus trouver qu’une longue suite d’énigmes.

Maintenant, quelle prérogative le Seigneur confère-t-il à Pierre par ces paroles ? Il faut d’abord en écarter toutes les interprétations contraires à une saine exégèse. Ainsi l’idée d’Augustin que Jésus, en disant : sur ce roc, se désignait lui-même du geste. Ainsi encore celle de plusieurs Pères et de la plupart des interprètes protestants que ce roc, c’est la confession de Pierre, ou sa foi considérée dans un sens abstrait. Sans doute, c’est à cause de cette foi que le Seigneur le proclame le roc sur lequel il fondera son Église et l’instant d’après quand Pierre ne comprendra point les choses divines, il l’appellera Satan (verset 23).

Mais il faut bien reconnaître que Jésus en lui disant : Tu es Pierre,…sur cette pierre, je bâtirai,…désigne bien la personne de l’apôtre. C’est sur sa personne, pour autant du moins qu’il se montrera, par l’obéissance et la foi, un rocher, c’est sur son action personnelle, que reposera l’édifice de l’Église.

L’événement a confirmé la prophétie. Les premiers chapitres du livre des Actes nous présentent Pierre comme le fondateur de l’Église, parmi les Juifs, Actes 2.1ss parmi les Samaritains (Actes 8.14 et suivants) et parmi les païens (Actes 10). Dans tous les catalogues des apôtres, Pierre est nommé le premier (Matthieu 10.2 ; Marc 3.16 ; Luc 6.14 ; Actes 1.13). Il a donc bien occupé aux yeux de l’Église primitive le rang que le Maître lui avait assigné.

Qu’y a-t-il dans ce fait qui puisse donner le moindre prétexte aux inventions absurdes et impies de l’Église de Rome ? Un apôtre n’a point de successeurs, Pierre n’a point fondé l’Église de Rome et n’en fut jamais l’évêque (voir l’introduction à l’épître aux Romains) ; mais l’eut-il été, la prétention des papes à hériter de son rang et de beaucoup plus encore, constitue une impiété. Paul sans doute ne craint pas de montrer l’Église bâtie « sur le fondement des apôtres », mais il a soin d’ajouter que Jésus-Christ en reste « la pierre angulaire » (Éphésiens 2.20 ; comparez Matthieu 21.42), le seul fondement divin qu’on puisse poser (1 Corinthiens 3.11 ; 1 Pierre 2.6).

Quant à Pierre s’il joua un rôle prépondérant tant qu’il s’agit de jeter les premiers fondements de l’Église, d’autres apôtres, Paul par son action, Jean par ses écrits, y sont, dans la suite, devenus plus grands que lui. Et lui-même n’eut jamais d’autre sentiment (1 Pierre 5.1 ; comparez Matthieu 19.28 ; Apocalypse 21.14). En outre, dans tout le Nouveau Testament, on ne trouve pas trace d’une suprématie exercée par Pierre dans le gouvernement de l’Église. C’est l’Église qui élit les diacres (Actes 6). Quand il s’agit de baptiser les premiers païens, Pierre consulte les disciples (Actes 10.47), puis il se justifie humblement devant l’Église (Actes 11.2 et suivants) ; dans le concile de Jérusalem, il prend une part décisive à la discussion mais c’est Jacques qui propose et fait adopter la résolution (Actes 15) ; enfin cet apôtre accepte la répréhension de Paul (Galates 2).

Ajoutons que tout ce discours de Jésus a Pierre est omis dans le récit de Marc, son « interprète » et dans celui de Luc, preuve que ces prérogatives temporaires avaient peu d’importance dans la tradition apostolique (voir sur ce passage R. Stier, Discours du Seigneur, tome II, p. 204 et suivants).

Le séjour des morts (grec hadès, le lieu invisible, comparez Matthieu 11.23, note) est considéré comme une forteresse ayant des portes si fermes, que nul n’en peut ressortir (comparer Job 38.17 ; Ésaïe 38.10 ; Psaumes 9.14). Or, Jésus affirme que l’édifice de son Église sera plus ferme encore et qu’elle ne périra jamais. Toutes les interprétations qui supposent ici un combat de la puissance des ténèbres contre l’Église faussent l’image ; des portes n’attaquent pas, mais ces portes de la mort s’ouvrent pour engloutir des victimes et elles n’engloutiront jamais l’Église : celle-ci ne mourra point.

De plus, il ne faut pas, comme nos versions ordinaires, confondre le hadès, séjours des morts, avec l’enfer.

Verset 19

Le royaume des cieux (comparez Matthieu 3.2, note) a ici à peu près le même sens que le mot Église (verset 18), avec cette nuance que l’expression est plus générale. Le royaume de Dieu, en effet, est plus étendu que l’Église, il embrasse des sphères de la vie humaine qui n’appartiennent pas nécessairement à l’Église, comme l’État, la famille, Ia culture de l’esprit humain par la civilisation, les sciences, les arts. Mais en dernier résultat, lorsque ce royaume sera parvenu à la perfection par le retour de Christ, il sera identifié avec l’Église.

Ce royaume, ainsi que l’Église qu’il s’agit de bâtir (verset 18), est envisagé figurément comme un édifice qu’on ouvre ou ferme au moyen de clefs. Posséder ces clefs, c’est avoir l’autorité d’ouvrir ou de fermer, d’admettre ou d’exclure (voir sur cette image Ésaïe 22.22, Luc 11.52 ; Apocalypse 1.18 ; Apocalypse 3.7 ; Apocalypse 9.1).

Après avoir comparé Pierre au rocher sur lequel l’édifice de l’Église sera bâti, Jésus l’assimile à un intendant qui administre la maison de son Maître. C’est par la prédication de l’Évangile qui produit la foi, qui est « odeur de vie ou odeur de mort » qui ouvre ou ferme par conséquent le royaume, que l’apôtre remplit son office. Ce pouvoir ne fut point donné à Pierre seul (voir la note suivante) et ne lui fut point conféré au moment où il entendit ces paroles, mais après qu’il eut reçu l’Esprit de Dieu. De là le futur : Je te donnerai.

Ces paroles, également figurées, complètent celles qui précèdent. Elles ont été très diversement interprétées, selon ce qu’on entend par les mots lier et délier. Les uns, pour mettre ces termes en harmonie avec l’image des clefs, leur font signifier fermer et ouvrir, c’est-à-dire exclure ou admettre.

Mais ce sens ne se justifie par aucun exemple dans la langue grecque ; et d’ailleurs l’objet de ces verbes, ce pronom neutre : ce que tu auras lié ou délié ne peut s’appliquer à une porte et moins encore à des personnes exclues ou admises.

D’autres, trouvant dans l’hébreu rabbinique l’usage des mots lier et délier pour défendre ou permettre, adoptent ce sens et y voient l’autorité conférée à Pierre (et aux autres apôtres) pour le gouvernement de l’Église.

D’autres enfin, rapprochant les paroles de Jésus de celles qu’il adresse à ses disciples dans Jean 20.23 et rappelant que les péchés qu’il les autorise à remettre sont une dette, une obligation dont le pardon délie les âmes, entendent notre passage dans ce sens de remettre ou retenir les péchés.

Cette interprétation ne peut guère être contestée, puisqu’elle s’appuie sur une parole si claire de Jésus. Les deux derniers sens indiqués, loin de s’exclure, s’appellent l’un l’autre.

L’autorité des apôtres pour administrer l’Église suppose leur autorité pour exercer la discipline et cette double autorité est inséparable du rôle qu’ils sont appelés à jouer dans l’établissement et le développement du royaume des cieux.

Mais il faut se hâter d’ajouter que ce pouvoir redoutable, ici conféré à Pierre, l’est également à tous les apôtres et même à toute l’Église (Matthieu 18.18 ; Jean 20.23), dans laquelle réside, pour tous les temps, l’autorité d’exercer sur ses membres une discipline chrétienne. Et encore faut-il, pour éviter les abus dont ces paroles sont devenues le prétexte, que l’Église elle-même n’agisse en ceci qu’en pleine conformité avec la Parole de Dieu et sous l’influence de son Esprit. Hors de là, toutes ses décisions sur la terre, bien loin d’être ratifiées dans le ciel (par Dieu lui-même), se trouveraient n’être que des usurpations sacrilèges.

Verset 20

Comparer Matthieu 8.4, note.

Jésus ne veut ni exciter de fausses espérances messianiques parmi le peuple, ni provoquer avant le temps la haine de ses adversaires. À l’heure du martyre, il déclarera lui-même solennellement qui il est (Matthieu 26.63-64).

Ce mot très accentué : « Qu’il est lui le Christ », que nos versions affaiblissent, reporte la pensée sur le dialogue qui précède, versets 13-16.

Le texte reçu porte : « que lui Jésus est le Christ ». Mot ajouté, non authentique.

Verset 21

Ces mots dès lors Jésus commença (Codex Sinaiticus et B ont : Jésus-Christ) marquent une époque importante dans les révélations que Jésus fait à ses disciples sur la nature de son œuvre.

Jusqu’alors il n’y avait eu dans ses discours que des allusions vagues et obscures à ses souffrances et à sa mort (Matthieu 10.38, note ; Jean 2.19 ; Jean 3.14 ; comparez Jean 1.29-36). Maintenant que ses disciples ont cru en lui et l’ont confessé comme le Christ, le Fils de Dieu, il peut leur en parler ouvertement et même il le doit, afin de dissiper si possible dans leur esprit les fausses idées messianiques qu’ils entretenaient encore et de les préparer à partager ses humiliations et ses douleurs.

Marc (Marc 8.31) et Luc (Luc 9.20-22) mettent aussi cette prédiction dans un rapport direct avec la confession de Pierre. Marc ajoute (Marc 8.32) qu’il leur dit ouvertement (grec librement, hardiment) cette parole. C’est quand la vraie foi est née que le chrétien doit s’attendre à la contradiction et à la souffrance.

Quant à Jésus, il le fallait, dit-il. Mystérieuse nécessité, fondée sur le décret de la justice et de la miséricorde de Dieu, annoncé dans les Écritures. Il le fallait, à moins que le monde ne dût périr dans son péché. C’est ce que Dieu ne voulait pas et Jésus accepte par amour la volonté de son Père (Matthieu 26.39 comparez Matthieu 26.54 ; Luc 24.26, Jean 3.14).

Le sanhédrin était composé de ces trois classes d’hommes : les anciens, les grands sacrificateurs et les scribes, ou docteurs de la loi. Il y a quelque chose de solennel dans la manière dont Jésus les nomme en détail et les voit conjurés contre lui pour le mettre à mort (grec le tuer). Ce sera là la rupture tragique de la théocratie avec le Messie et son règne !

Après la défaite, le triomphe, après la mort, la vie ! Si l’une de ces prédictions devait accabler les disciples, l’autre était destinée à les relever. Mais ici la critique trouve une pierre d’achoppement et l’on ne peut nier qu’il n’y ait une difficulté. Comment se fait-il, demande-t-on, si Jésus a prédit si clairement sa résurrection à ses disciples, que ceux-ci n’en aient plus eu aucune idée après sa mort et mêmes soient refusés à y croire, jusqu’à ce qu’ils l’eussent vu, vivant, de leurs yeux ?

Ne pouvant résoudre la question, les uns ont révoqué en doute la prédiction, d’autres (Meyer par exemple) ont supposé que cette prédiction avait été vague et obscure (comme dans les passages cités à la note précédente) ou formulée dans le langage poétique de l’Ancien Testament (Psaumes 118.17 ; comparez Osée 6.2) et qu’elle avait revêtu, après l’événement, dans la tradition apostolique, le caractère positif et clair qu’elle porte ici.

Mais les évangélistes eux-mêmes ne nous donnent-ils pas le mot de l’énigme ? Ils nous apprennent que, tout remplis encore de leur préjugé juif concernant un Messie glorieux, ils ne comprirent absolument rien à cette prédiction de ses souffrances et de sa résurrection (Marc 9.32 ; Luc 18.34). Or, ce qu’on ne comprend pas ne se grave pas dans le souvenir.

L’exemple de Pierre (verset 22) prouve qu’il entend mieux les paroles de Jésus, mais qu’il refuse avec décision d’entrer dans sa pensée. Comment donc un événement aussi extraordinaire que la résurrection ne leur aurait-il pas paru incroyable ? Et alors même qu’ils n’auraient pas manqué à ce point de l’intelligence de ce mystère, n’y a-t-il pas une immense distance entre comprendre et croire ?

Verset 22

Cette répréhension que Pierre se permet avait sans doute pour but de convaincre Jésus qu’il était destiné à tout autre chose qu’à une telle fin. Il y avait de l’amour pour son Maître dans cette émotion du disciple, mais plus encore d’ignorance, même quand il invoque sur lui la miséricorde.

Il y a littéralement : Propice te soit (sous-entendu Dieu).

L’assurance avec laquelle le disciple affirme que cela n’arrivera pas, lui attire la sévère parole de Jésus (verset 23).

Verset 23

S’étant tourné signifie que Jésus se détourne avec indignation. Sur ce mot sévère : Va, arrière de moi, comparez Matthieu 4.10.

Satan signifie l’adversaire, celui qui résiste (Nombres 22.22 ; 2 Samuel 19.22) ; mais ce nom était donné couramment au diable (1 Chroniques 21.1 ; Job 1.6 ; Zacharie 3.1, suivants) et Jésus, en appelant ainsi son disciple, veut réellement lui faire comprendre qu’il faisait dans ce moment l’œuvre du tentateur.

Ce qui le prouve, c’est ce scandale (occasion de chute) que Jésus trouve dans les paroles du disciple. Le Sauveur avait besoin de toute sa sainte résolution et de toute sa force pour aller au-devant de ses souffrances ; et Pierre lui présentait la même tentation que Satan au désert, en lui offrant les royaumes du monde et leur gloire (Matthieu 4.8-9).

Le mot grec rendu par penser exprime moins un acte intellectuel de l’esprit qu’une disposition morale du cœur. Il signifie, à l’égard des choses religieuses, s’attacher, s’affectionner (Romains 8.5).

Pierre n’attache point sa pensée aux choses de Dieu, c’est-à-dire à ses grands desseins concernant la rédemption du monde par les souffrances du Médiateur, mais aux choses des hommes, c’est-à-dire aux idées charnelles d’un Messie glorieux. Mais ces paroles, applicables en tout temps à l’homme naturel, ont une portée beaucoup plus générale, ainsi que le prouvent les versets suivants qui en sont le commentaire profond.

Verset 24

Comparer Matthieu 10.38, note. Trois conditions absolues :

  1. renoncer, non seulement à telles ou telles choses extérieures, mais au moi, à tout ce qui le compose ;
  2. se charger de sa croix, instrument de souffrances, d’opprobre et de mort, comme devait le faire chaque condamné à mort (Jean 19.17) ;
  3. suivre Jésus dans sa voie d’obéissance et d’abaissement jusqu’à la mort. Il faut remarquer le rapport direct et profond de ces paroles avec celles de Pierre (verset 22).

Verset 25

Qui est-il celui qui se présente aux hommes comme l’objet suprême de leur amour, auquel ils doivent tout sacrifier, jusqu’à leur vie même ?

Celui qui parle ainsi est Dieu où bien il blasphème, en se mettant à la place de Dieu.

Verset 26

Comparer Matthieu 10.39, note.

Si nous traduisons (verset 25) par vie et (Matthieu 16.26.26) par âme, c’est pour éviter tout malentendu, car le mot grec est le même et il a les deux significations, ou plutôt il désigne la vie de l’homme dans le sens absolu, le siège de la vie physique comme de la vie spirituelle.

Le contraste que Jésus établit est entre la vie naturelle, terrestre, égoïste et la vie divine créée par l’Esprit de Dieu. Vouloir sauver l’une, c’est perdre l’autre ; et le monde entier ne saurait compenser cette perte.

Verset 27

Grec : sa pratique, sa conduite, comme manifestation de ce qui était dans son cœur.

Ce verset, en portant la pensée sur le jugement éternel, est une solennelle sanction de la sentence absolue qui précède et qui deviendra manifeste lors de l’apparition de Jésus-Christ.

Il viendra dans la gloire de son Père, revêtu, lui, l’homme-Dieu, de la splendeur des perfections divines, qui sont la gloire de Dieu !

Les anges sont les exécuteurs de la volonté divine (Matthieu 13.41-49 ; Matthieu 25.31).

Verset 28

Goûter la mort, en savourer les souffrances, les amertumes, c’est mourir !

Mais que signifie la déclaration renfermée dans ce verset ?

Au premier abord, il parait naturel d’expliquer cette expression venir dans son règne, à la lumière du verset 27 et d’entendre par là le retour final de Christ pour le jugement.

Mais alors il y aurait dans cette promesse une grave erreur de fait qu’on ne saurait attribuer au Sauveur, qui connaissait si bien l’avenir le plus lointain de son règne. De là vient que quelques interprètes ont vu l’accomplissement de cette parole dans la ruine de Jérusalem (d’après le verset 24, comparez Matthieu 10.23), d’autres dans la résurrection de Jésus-Christ, d’autres même dans l’histoire de la transfiguration qui suit (Chrysostome).

Le plus grand nombre enfin en ont trouvé l’accomplissement dans l’effusion du Saint-Esprit et l’établissement du règne de Christ sur la terre. Et en effet cette vue s’accorde avec les termes dont se servent Marc (Marc 9.1) et Luc (Luc 9.27) pour rendre la même pensée ; l’un dit : « jusqu’à ce qu’ils voient le règne de Dieu venant avec puissance », l’autre, plus simplement encore : « jusqu’à ce qu’ils voient le règne de Dieu ».

Or ce règne est venu avec puissance dès la Pentecôte ; il vient sans cesse progressivement et le retour de Christ n’en sera plus que le couronnement.

Si l’on objecte le mot quelques-uns, attendu que tous les auditeurs de Jésus devaient voir l’accomplissement de cette promesse, c’est là une erreur.

Le règne de Dieu qui s’établit dans les âmes n’est vu que par la foi qui nous y introduit (Jean 3.3 ; comparez Ie Commentaire de M. Godet sur Luc 9.27).

Informations bibliographiques
bibliography-text="Commentaire sur Matthew 16". "La Bible Annot�e de Neuch�tel". https://www.studylight.org/commentaries/fre/neu/matthew-16.html.
 
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