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Friday, July 18th, 2025
the Week of Proper 10 / Ordinary 15
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Bible Commentaries
La Bible Annotée de Neuchâtel La Bible Annotée de Neuchâtel
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Ces fichiers sont dans le domaine public.
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Informations bibliographiques
bibliography-text="Commentaire sur Genesis 2". "La Bible Annotée de Neuchâtel". https://studylight.org/commentaries/fre/neu/genesis-2.html.
bibliography-text="Commentaire sur Genesis 2". "La Bible Annotée de Neuchâtel". https://studylight.org/
Whole Bible (6)
versets 1-25
Verset 1
Le septième jour (1-4)
Ce verset est le pendant de Genèse 1.3, où a commencé le travail dâarrangement. Lâexpression leur armée comprend lâarmée des cieux, câest-à -dire les astres et lâarmée de la terre, câest-à -dire la plénitude des êtres qui lâhabitent.
Le terme dâarmée renferme la notion dâune troupe rangée, dâun ordre parfait. Ce mot répond au terme grec kosmos dans les LXX, qui désigne le monde comme réalisation de lâordre universel.
Verset 2
Et Dieu acheva. Au sixième jour, lâÅuvre matérielle était complète (verset 1), mais lâÅuvre de Dieu ne sâachève pourtant quâau septième jourâ¯; câest la bénédiction divine qui clôt la série des actes créateurs, comme lâamen clôt la prière.
Cet achèvement divin consiste en deux actesâ¯: il cesse de travaillerâ¯: le septième jour luit, aucune créature nouvelle ne surgit (verset 2)â¯; puis (verset 3) Dieu met le sceau à son Åuvre en bénissant et sanctifiant le septième jour.
Le mot que nous traduisons par cesser est schabath, dâoù est provenu le mot sabbat. Le sens de ce mot par rapport à Dieu nâest pas lâidée dâun repos à prendre après la fatigue du travail, mais celle de la cessation de lâactivité créatrice qui va faire place à lâactivité simplement conservatrice. Tous les faits constatés prouvent quâaprès lâhomme aucune créature nouvelle nâest apparue.
Plusieurs interprètes ont donné au mot achever du verset 2 le même sens quâà celui du verset 1â¯: achèvement de lâÅuvre matérielleâ¯; et pour éviter la contradiction entre les deux parties du verset, ils ont adopté la leçon des LXX, qui lisent dans le premier membre du versetâ¯: sixième jour, au lieu de septième. Cela parait plus rationnel, mais, par là même, cette leçon est suspecte dâêtre une correction. La vraie suite des idées est celle-ciâ¯: Dieu clôt lâÅuvre en cessant de créer et en bénissant le septième jour et avec lui toute la création.
Verset 3
Et Dieu bénit le septième jour et le sanctifia. Bénir, quand il sâagit de Dieu, nâest pas seulement prononcer des paroles bienveillantesâ¯; câest rendre prospère, fort, heureux. Le septième jour apparaît ainsi comme plus particulièrement rempli de forces et de joies célestes. Par là même, il se trouve sanctifié, câest-à -dire mis à part pour une destination sainte, ce qui naturellement ne sâapplique pas seulement à ce sabbat divin, mais aussi à tous les sabbats humains qui se suivront de semaine en semaineâ¯: ce sont tous les septièmes jours des hommes qui sont bénis et consacrés dans le septième jour de Dieu.
Lâhomme aussi, au jour de son sabbat, contemple lâÅuvre divine et il participe à la joie de Dieu. Heureux, sâil peut se réjouir aussi en contemplant sa propre Åuvre de la semaine, ou si, ne le pouvant, il profite de ce jour pour sâen humilierâ¯! Aussi, dans le quatrième commandement, Moïse rappelle-t-il le devoir fondé sur cette parole de Dieu, de ne pas confondre ce jour avec tous les autresâ¯: Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier.
Ce mot souvenir ne peut sâentendre dans le sens quâon lui donne parfoisâ¯: Nâoublie pas de garder le jour que je consacre aujourdâhui, car le motif indiqué est tiré expressément de notre récit.
La répétition dans ces trois versets des motsâ¯: lâÅuvre quâil avait faite, rappelle à lâhomme que, pour être béni, le sabbat doit être précédé du travail de la semaine. Le travail de la semaine doit être complet, comme celui de Dieu, pour que lâhomme ait le droit de cesser dâagir et de célébrer le sabbat (Exode 20.9).
Ces sabbats périodiques sont autant de jalons destinés à conduire lâhomme au repos parfait et éternel en Dieu, dont ils sont comme une anticipation (Hébreux 4.9).
Dans la nouvelle alliance, le sabbat a été transporté du septième au premier jour de la semaine. Ce changement a pu avoir lieu parce quâune nouvelle création est intervenue en Jésus-Christâ¯; la proportion dâun jour sur sept a cependant été maintenue, parce que lâancienne création subsiste encore et dans la nature et chez le chrétien lui-même à côté de la nouvelle, celle-ci étant restreinte pour le moment à lâordre spirituel.
Lâauteur sâest-il représenté ce septième jour comme se terminant ainsi que les précédentsâ¯? Il ne dit pasâ¯: il y eut un soir, comme pour les autres joursâ¯; il ne parle pas non plus dâun huitième jourâ¯; et comme lâessence de ce jour est que Dieu cesse de créer quelque chose de nouveau et que lâétat des choses fondé alors dure encore, nous sommes amenés à penser quâaux yeux de lâauteur et quant à ce qui concerne lâÅuvre de la nature, le repos du septième jour dure encoreâ¯; il ne cessera que lorsque Dieu fera paraître de nouveaux cieux et une nouvelle terre.
Sâil en est ainsi, il est impossible de ne pas tirer de ce fait une conclusion rétrospective sur le sens quâil attachait aux six premiers jours.
Créée pour la faire. Lâexpression hébraïque que nous traduisons ainsi a causé de grands embarras aux interprètes et aux traducteurs qui lâont rendue chacun à leur manièreâ¯:
Notre traduction, qui était déjà celle de la Vulgate, est littérale et nous semble préférable à toutes celles que nous venons dâindiquer. Lâacte de créer mentionné ici est celui de Genèse 1.1, par lequel Dieu avait posé la matièreâ¯; et celui de faire se rapporte à lâarrangement quâil lui avait donné par le travail des six jours.
En créant la matière, Dieu avait pour but dâen faire un monde. Rien ne montre mieux que cette distinction entre créer et faire, le sens absolu que lâauteur attache au premier de ces termesâ¯: faire sortir la matière du néant.
On a contesté lâinstitution primitive du sabbat par Dieu lui-même, en sâappuyant sur le fait que lâhistoire des patriarches ne présente pas de traces du repos du septième jour. Cette objection nous paraît peu décisiveâ¯; la Genèse, en effet, ne nous renseigne pas sur tous les détails de la vie des patriarches. Du reste, dans cette histoire même, il nous est parlé à deux reprises de la semaineâ¯: à propos de Noé (Genèse 8.10-12) et de Jacob (Genèse 29.27).
Dans lâhistoire même de Moïse, toute lâordonnance relative à la manne, qui repose sur lâinstitution du sabbat précède la promulgation des dix commandements et comme nous lâavons déjà remarqué le commandement du sabbat suppose une institution antérieure. Du reste, lâinstitution de la semaine existait aussi chez dâautres peuples que les Hébreuxâ¯: les Chaldéens, par exemple, dans les inscriptions desquels on a retrouvé le mot Sabattuv. Seulement ce mot ne désigne pas comme en Israël, un jour béni, mais un jour néfaste dans lequel il nâest pas prudent dâaccomplir un travail. Câest ainsi que lâinstitution primitive sâétait travestie sous lâinfluence du paganisme.
Verset 4
Nous croyons devoir rattacher au morceau précédent le verset 4, comme sommaire de tout le récit de la création. Beaucoup dâinterprètes en agissent autrement.
Les uns y voient le titre du morceau suivantâ¯: Voici ce qui arriva des cieux et de la terre une fois quâils eurent été créés, au jour où lâÃternel Dieu eut fait la terre et les cieux.
Cette traduction se heurte dâabord au mot les cieux, car dans ce qui suit, il nâest plus question que de la terreâ¯; il serait bien peu naturel dâexpliquer ce motâ¯: les cieux, par lâintervention de Satan au chapitre 3, ou par celle des fils de Dieu au chapitre 6â¯; de plus, on est obligé de donner aux deux verbes le sens de parfaits antérieursâ¯: eurent été créés, eut fait, ce qui ne peut se justifier grammaticalement.
Une autre construction consiste à séparer les deux phrases de ce verset en ponctuant après quâil les eut créés et en rapportant la seconde proposition à ce qui suitâ¯: Au jour où lâÃternel Dieu fit une terre et des cieux, toutes les plantes des champs nâétaient pas encore, ce qui exprimerait solennellement une chose qui sâentend dâelle-même, à moins que lâon ne suppose, avec quelques anciens interprètes juifs, quâil y avait bien quelques plantes, mais non pas toutes, sens qui renferme une absurdité, puisque évidemment avant que Dieu créât il nâexistait aucune plante.
Ou bien on pourrait dans cette construction faire aller la proposition subordonnée jusquâau verset 7, où se trouverait la principale dans ces motsâ¯: lâÃternel formaâ¯: Au jour où lâÃternel Dieu fit une terre et des cieux et où ⦠car lâÃternel Dieu nâavait pas fait pleuvoirâ¦, toute la face du sol ⦠lâÃternel Dieu forma ⦠Mais il est impossible dâadmettre dans un récit dont le style est constamment clair et simple, une construction aussi compliquée.
Un interprète moderne a supposé que cette première proposition était primitivement en tête du chapitre 1â¯; ce serait le rédacteur définitif du Pentateuque qui aurait transposé cette formule du commencement du récit à la fin. Câest là une hypothèse arbitraire.
Nous pensons plutôt que lâauteur nâa pas voulu ôter à cette entrée sublimeâ¯: Au commencement Dieu créa, son caractère unique en y mettant un titre comme au commencement des autres récits et quâil a préféré le placer comme sommaire à la fin du récit.
Ce qui est procédé, Le mot tholedot littéralementâ¯: ce qui est engendré sâapplique ici a tous les êtres qui furent tirés, par le travail des six jours, de la matière des cieux et de la terre primitivement créée.
Les mots suivantsâ¯: au jour où lâÃternel fit une terre et des cieux, résument tout le tableau de la semaine créatrice on affirmant encore une fois, en opposition à toutes les fictions polythéistes, ce fait capital que rien de ce qui existe nâexiste en dehors de la volonté et de la puissance divines.
LâÃternel Dieu. Sur le mot Dieu (Elohim) voir à Genèse 1.1, note. LâÃternel, en hébreu Jéhova ou plus exactement Jahvé. Ce mot appartient au verbe hava, ancienne forme de haja, êtreâ¯; câest proprement la troisième personne du temps imparfait, qui correspond dâordinaire en hébreu à notre futur.
Dieu donne lui-même le sens de ce nom quand il sâappelle (Exode 3.14) Ehejé, Je serai, par où il indique quâil a et aura lâêtre pour essence. Il se désigne ainsi comme le moi identique avec lâêtre, câest-à -dire comme la personnalité absolue.
Câest comme tel quâil est en rapport particulier avec lâhomme, le seul être terrestre qui partage avec lui le caractère de la personnalité, quâil dirige son développement et quâil devient dans lâhistoire le Dieu du peuple qui sera son agent pour la réalisation de son règne.
Le nom composé lâÃternel Dieu ne se retrouve quâune fois dans le Pentateuque (Exode 9.30) en dehors des chapitres 2 et 1 de la Genèse et assez rarement dans les autres livres de lâAncien Testament. Il est destiné à faire ressortir lâidentité personnelle du Dieu de la nature, qui vient dâagir comme créateur du monde et du Dieu qui va se manifester désormais comme dirigeant les destinées de lâhumanité et spécialement celles du peuple dâIsraël.
Il importait à Israël de savoir que Jéhova, son Dieu national, nâétait pas seulement lâune dâentre les divinités adorées sur la terre, mais le Dieu unique, créateur et maître de lâunivers (Elohim).
Ce nâétait quâà cette condition quâil pouvait lui vouer une foi absolue et compter sur lui dans toutes ses luttes avec les hommes et avec les choses. Câest dans le même sens que dans le Nouveau Testament Jésus, le chef de lâÃglise, est présenté en même temps à celle-ci comme le souverain universelâ¯: Chef de lâÃglise qui est son corps, sur toutes choses (Ãphésiens 1.22).
Il est manifeste que, par cette union entre les deux noms de Dieu, Elohim et Jéhova, comme en un seul nom, le rédacteur a voulu faire la transition entre le récit qui précède et celui qui suitâ¯; et si, comme cela nous parait vraisemblable. le récit suivant est tiré dâun nouveau document dans lequel Dieu était habituellement. désigné sous le nom de Jéhova, nous comprenons aisément ce qui a porté le rédacteur à joindre dans ce passage, qui est comme le trait dâunion entre ses deux sources, ces deux noms de Dieu, de manière à faire bien ressortir quâil ne sâagit que dâun seul et même être divin.
Une terre et des cieux. Cette forme sert à fermer le récit ouvert par Genèse 1.1â¯: Au commencement Dieu créa les cieux et la terre.
Conclusion sur le début de Genèse (de 1.1 à 2.4)
Nous commencerons par étudier rapidement les récits des autres peuples anciens qui se rapportent au même sujet que le premier chapitre de la Genèse. Nous rechercherons ensuite quelle a pu être lâorigine de ce dernier récit.
Dâaprès le livre des lois de Manou, lâun des monuments les plus anciens de la littérature hindoue, le point de départ de toutes choses est une obscurité sans commencement. Tout à coup lâesprit infini et éternel sâéveille et pénètre cette nuit de ses rayons. Il produit les eaux, dans lesquelles il dépose un germeâ¯; ce germe devient un Åuf resplendissant dans lequel naît le dieu Brahma, le premier des êtres. Il y demeure enfermé trois trillions dâannées, puis par la puissance de sa pensée, il fend lâÅuf en deux moitiés, le ciel et la terre, entre lesquels apparaissent lâatmosphère, les huit sphères célestes et lâintarissable réservoir des eaux. Dès ce moment, il crée incessamment tous les êtres particuliers, dieux, génies, vertus, vices, pêle-mêle avec tous les êtres et objets terrestres.
Dans cette conception, la matière est éternelle aussi bien que lâesprit et Dieu naît de cette matière avant de tirer de soi tous les êtres.
Les Persans, dâaprès une tradition conservée dans le Bundehesch lâune des parties les plus modernes de leur livre sacré, ne croyaient pas à lâexistence dâun chaos primitif. La terre, créée par le dieu bon, Ahura-Mazda, fait dâabord partie du ciel, puis elle tombe dans lâespace. Le dieu bon crée en six périodes le ciel (terrestre), lâeau, la terre, les arbres, le bétail et les hommes. Ces six époques correspondent non aux jours de la semaine, mais aux six saisons de lâannée persane. Après chacune de ces Åuvres, le dieu bon et ses anges, les Amschaspands, célèbrent un temps de fête et de repos, origine des six fêtes annuelles des Persans. à cette Åuvre du dieu bon est mêlée lâÅuvre du dieu mauvais. Toute la vie de lâunivers doit durer douze mille ans et chacun de ces milliers est sous la domination dâun des douze signes du zodiaque.
On est frappé du rapport entre les six périodes créatrices suivies chacune dâun jour de repos et les six jours de la Genèse aboutissant à un jour de repos final. Mais ce récit diffère de celui de la Bible en ce quâil oppose lâun à lâautre deux dieux dont les Åuvres se contrarient. Cette conception est probablement influencée dâun côté par lâastrologie babylonienne et de lâautre par la tradition sabbatique juive.
La conception grecque nous est présentée sous sa forme la plus ancienne par Hésiode (environ 900 ans avant Jésus-Christ). Le premier des êtres est le Chaos, qui produit la Terre, le Tartare (les profondeurs de la terre) et lâAmour, puis les deux êtres appelés Erèbe et Nuit. Ces deux derniers enfantent à leur tour lâEther et le Jour. La Terre produit dâelle-même Uranus, le ciel étoilé, demeure des dieux, puis les montagnes et la mer. Fécondée par Uranus, elle enfante le fleuve Océan qui entoure la terre et qui est la source de tous les autres fleuves et les Titans, dont sont procédés Jupiter, les dieux de lâOlympe et les hommes.
Ce récit expose lâorigine des dieux en même temps que celle du monde. Nous voyons naître dâabord les forces naturelles divinisées, puis de ces dieux primitifs naissent à leur tour les dieux de lâOlympe adorés par la Grèce. La terre et les hommes ne jouent quâun rôle secondaire.
Chez les Etrusques, dâaprès un rapport de Suidas, on pensait que Dieu avait créé le monde en six périodes de mille ans chacuneâ¯: dans la première, le ciel et la terreâ¯; dans la seconde, le firmamentâ¯; dans la troisième, la mer et toutes les eaux de la terreâ¯; dans la quatrième, le soleil, la lune et les étoilesâ¯; dans la cinquièmeâ¯: les animaux de lâair, de lâeau et de la terreâ¯; dans la sixième, les hommes. Les six mille ans que le monde doit subsister encore sont consacrés au développement de la race humaine.
On remarque ici des analogies frappantes avec le premier chapitre de la Genèseâ¯; mais Suidas, qui vivait au dixième siècle après Jésus-Christ, a pu facilement modifier les anciennes traditions étrusques sous une influence juive ou chrétienne.
Des conceptions des peuples aryens, passons à celles des peuples chamitiques.
Les Ãgyptiens croyaient à lâexistence dâune matière éternelle, les eaux primitives, comme principe universel. Le dieu Atum existait seul à côté de ce principe chaotiqueâ¯; il créa le firmament, réservoir des eaux célestes. Des eaux inférieures sortit un Åuf, dâoù procéda sous la forme dâun petit enfant le dieu Ra (dieu du soleil). Celui-ci amena dans le monde la lumière et la vieâ¯; câest de lui que furent formés tous les autres dieux, puis par sa chaleur il fit naître de la terre les animaux de lâair, de la terre et de lâeau.
Nous retrouvons ici, comme chez les Hindous, lâexistence éternelle de la matière à côté de lâesprit et lâexplication de la naissance des dieux en même temps que de celle du monde. Seulement on est frappé de voir la matière dont ont été formés les astres désignée par le nom dâeaux célestes.
Les traditions des Phéniciens sur le sujet qui nous occupe se sont fixées sous des formes diversesâ¯; lâune des plus anciennes est celle qui nous a été conservée par leur écrivain Sanchoniaton qui, selon toute probabilité, vivait vers le dixième siècle avant Jésus-Christ. Dâaprès cette tradition, les Phéniciens se représentaient deux principes premiers, éternels et illimités, lâesprit ou le souffle et le sombre chaos (Bahou, le Bohou des Hébreux). De leur union naquit la matière animée, une boue renfermant les semences de toutes choses. Celle-ci prit la forme dâun Åuf qui se fendit de manière à former le ciel et la terre. Dans le ciel dâabord, la matière première engendra le soleil, la lune, les étoiles et les constellations, qui devinrent bientôt des êtres conscients et prirent le nom de gardiens du ciel. à la suite lâair mis en mouvement et la terre réchauffée par lâaction du soleil donnèrent naissance aux vents, aux nuages, aux pluies abondantes dâeaux célestes, au tonnerre et aux éclairs. Les éclats du tonnerre réveillèrent les êtres animés mâles et femelles dont les germes se trouvaient dans le sol et dans la mer.
à côté dâune tendance dualiste et émanatiste bien caractérisée, on reconnaît dans cette conception quelques traits qui rappellent le tableau de la Genèse.
Mais de toutes ces conceptions des peuples anciens, câest celle des Chaldéens qui a le plus de titres à notre attentionâ¯; car les Chaldéens, comme les Israélites, appartenaient à la race sémitique et câest même de leur sein quâest sorti le père de la famille élue. Nous en avons une première recension bien imparfaite dans quelques fragments de Bérose, historien chaldéen de la fin du quatrième siècle avant Jésus-Christ. Dâaprès lui, lâunivers était primitivement une masse liquide et ténébreuse, habitée par des êtres monstrueux sur lesquels dominait une femme, Homorka, en chaldéen Thalatt, la Thalassa (mer) des Grecs. à un moment donné, Bel, le dieu suprême, intervint et coupa la femme en deux parties, dont il forma le ciel et la terre, tandis que les monstres primitifs disparaissaient devant la lumière, quâils ne pouvaient supporter. Il fit ensuite le soleil, la lune et les cinq planètes, puis voyant le sol inhabité et cependant fertile, il se fit couper la tète par les dieux inférieurs qui, de son sang mêlé à la terre, formèrent les hommes et les animaux capables de supporter la lumière.
Pendant longtemps on nâa connu la tradition chaldéenne que sous cette forme, mais des découvertes récentes ont jeté un jour tout nouveau sur ce sujet. Il y a quelques années, on a retrouvé dans les ruines de Ninive toute une bibliothèque ayant appartenu au roi Assurbanipal, le Sardanapale des Grecs (670 environ avant Jésus-Christ). Parmi ces dix mille briques couvertes dâinscriptions cunéiformes se trouvaient quelques tablettes racontant la créationâ¯; or ces tablettes ne sont que la copie dâune rédaction plus ancienne faite à Babylone et que les savants croient pouvoir faire remonter à une époque contemporaine dâAbraham. Trois seulement dâentre elles sont assez bien conservées pour quâon puisse en comprendre le sensâ¯: ce sont la première, la cinquième et probablement la septième. Voici les passages essentiels des morceaux qui ont pu être déchiffrés.
Première tabletteâ¯:
Cinquième tablette, correspondant au quatrième jour de la Genèse hébraïqueâ¯:
Septième (?) tabletteâ¯:
Câest évidemment ce dernier récit qui présente les analogies les plus frappantes avec le tableau de la Genèse bibliqueâ¯; chaque lecteur les aura remarquées sans peine. Mais les différences qui les distinguent nâen sont que plus manifestes dans le récit chaldéen, le principe de toutes choses est la matière éternelleâ¯; elle est le principe de lâexistence même des dieux, qui en naissent spontanément par pairesâ¯; après cela il est naturel que le polythéisme le plus complet domine tout le récit.
Après cette revue, la question qui se pose quant au récit de la Genèse biblique est de savoir sâil est simplement le produit de lâobservation et de la réflexion humaines, ou sâil est dû à une révélation divine.
On allègue en faveur de la première explication, dâabord, les erreurs que lâon croit trouver dans ce récit, puis la corrélation réfléchie qui paraît exister entre les deux parties de la semaine créatrice (voir notes sur Genèse 1.14-19). Mais, comme nous lâavons vu, il nây aurait dâerreur formelle que si lâauteur prétendait nous donner un cours scientifique de géologie et de paléontologieâ¯; au lieu de cela, ce ne sont que les phases saillantes qui ont trouvé place dans ce tableau. à ce point de vue, le récit nous paraît inattaquable. La correspondance entre la première et la seconde moitié de la semaine nâest pas un argument valable contre la vérité historique du récit, puisquâelle peut être lâexpression du plan réellement suivi dans lâÅuvre elle-même.
Il nous paraît dâautre part que la grandeur et la fermeté de lâintuition monothéiste qui pénètre tout ce récit lui impriment le caractère dâune révélation divine. Il suffit pour le sentir de le comparer avec les légendes analogues des autres peuples que nous venons dâexposer.
Aucun lecteur moderne ne pourrait prendre au sérieux les fantasmagories mythiques dont elles sont remplies, tandis que le récit de la Genèse laisse chez tout lecteur, laïque ou savant, une impression dâadmiration et de respect. Il repose évidemment sur la même révélation monothéiste qui est à la base de toute lâhistoire israélite. Aux trois traits particuliers que nous avons déjà fait ressortir (Dieu a tout créé, il a tout créé conformément à sa volonté, il a tout créé en vue de lâhomme) nous ajoutons encore lâinstitution divine du sabbat.
Faut-il en rester là et nâappliquer lâaction révélatrice quâaux vérités religieuses, sans lâétendre au cadre extérieur du récitâ¯? Câest là lâopinion qui parait devenir aujourdâhui de plus en plus dominante.
Cependant nous nous demandons si les vérités religieuses contenues dans ce tableau ont pu être révélées dâune manière purement abstraite et si, pour pénétrer dans la conscience de ceux à qui elles étaient communiquées, elles nâont pas dû revêtir une forme plastique et saisissable précisément telle que celle que nous trouvons dans ce récit.
Puis nous doutons quâun auteur animé dâun sentiment dâadoration aussi profond se fût permis dâattribuer à Dieu un rôle de sa propre invention dans une scène de nature historique.
De plus, le ton dâautorité, avec lequel il raconte chaque ordre divin et son résultat, nous parait impliquer une certitude dont nous ne pouvons nous rendre compte si tout ce récit nâest quâune simple supposition de sa part.
Ajoutons que la supériorité de notre récit sur les légendes des peuples anciens ne porte pas seulement sur le côté religieux, mais aussi sur les détails extérieurs de la narration. Le tableau de la Genèse est le seul qui ait été pris en considération par les hommes de science et qui puisse sérieusement affronter lâexamenâ¯; nous rappelons seulement ici lâapparition de la lumière et de la végétation avant celle du soleil, faits auxquels la science rend hommage à cette heure. Ces faits nous paraissent conduire à faire porter la communication divine sur la totalité du tableau.
Si nous nous représentons un père au courant de toutes les découvertes scientifiques actuelles et cherchant à les résumer pour son enfant dans le but de conduire son âme à lâadoration, nous ne nous figurerons pas son récit très différent de celui que nous venons dâétudier.
Quand et comment a pu avoir lieu cette communication dâen-hautâ¯? En cherchant à répondre à cette question, nous déclarons dès lâabord que nous sommes ici en face dâun fait sur lequel nous ne pouvons présenter que des suppositions.
Plusieurs pensent que la révélation contenue dans ce chapitre a été accordée à Adam lorsque Dieu sâapprochait de lui et sâentretenait avec lui dans le paradis comme un père avec son enfant. Cette supposition sâaccorderait bien avec le caractère simple et sobre du récit. On a objecté quâAdam, au premier moment de son existence, était trop peu développé pour se poser des questions de ce genre. Nous ne sommes pas en état dâen juger. Quoi quâil en soit, si lâon nie que Dieu se soit révélé à Adam, il faut nier la réalité du commandement qui a été lâoccasion de la chute, ainsi que celle des sentences prononcées à la suite de la désobéissance.
Du reste, lorsque plus tard Dieu se communique à Noé et à Abraham, câest comme un être déjà connu, ce qui suppose une révélation antérieure et primitive. Si lâon croit quâune telle révélation ne pouvait répondre quâaux besoins dâune humanité déjà plus développée rien nâempêche de penser que lâun des patriarches entre Adam et le déluge aurait été jugé digne dâune pareille communication, celui en particulier qui vécut avec Dieu dans une intime communion et qui fut élevé de cette vie dans celle du ciel sans passer par la mort.
Cette révélation, accordée soit à Adam, soit à lâun des patriarches antérieurs au déluge, aura été transmise par les fils de Noé à tous les peuples, chez qui elle sâest conservée partiellement, mais troublée par lâinfluence du polythéisme.
Telle serait lâorigine des éléments de vérité qui se rencontrent dans les récits que nous avons cités. Cette tradition, conservée oralement dans la famille de Sem et dâAbraham, aura pu se charger, en passant de bouche en bouche, dâéléments humains, quoique dans une moindre mesure que chez les peuples polythéistes et Dieu, au moment où il accordait à Moïse la grande révélation du Sinaï, qui devait servir de base à lâhistoire de son peuple, lui aura rendu la connaissance de lâÅuvre créatrice dans sa pureté. Peut-être aura-t-il employé pour cela le mode de la vision prophétique, qui peut sâappliquer au passé comme à lâavenir.
Une révélation de ce genre se comprend mieux en effet sous la forme de tableaux successifs que sous celle dâune inspiration purement spirituelle. Sâil en est ainsi, ce serait Moïse qui le premier aurait mis ce récit par écrit. Dans tous les cas, ce chapitre a un caractère tout spécial et lâon peut aisément penser quâil existait comme document particulier avant dâêtre placé en tête dâune histoire plus générale.
II) 2.5 à 3.24 â Le séjour dans le paradis et la chute
Le morceau dont nous abordons maintenant lâétude est lâun des plus importants de lâÃcriture sainte. De la manière dont nous le comprenons résulte pour une grande part lâidée que nous nous faisons de plusieurs des points qui sont à la base de la doctrine chrétienne, lâorigine et la nature du péché, le degré de sa culpabilité et la rédemption quâil nécessite.
Bon nombre de philosophes et même de théologiens ont prétendu que le tableau de lâétat primitif de lâhumanité, tel quâil ressort de notre récit, est incompatible avec les faits et les lois de lâhistoireâ¯; ils nây ont vu quâun mythe analogue à ceux des autres peuples anciens, un essai tout humain dâexpliquer lâintroduction dans le monde du mal physique et moral. Selon eux, le développement de lâhumanité suit une marche constamment ascendante de lâétat dâanimalité au degré le plus élevé de la religion et de la civilisation et ce que la Bible présente comme une chute ne peut avoir été quâun progrès. Nous aurons à examiner si les faits confirment cette théorie et si lâétat barbare et fétichiste des peuples sauvages, que lâon identifie avec lâétat primitif de lâhumanité, nâest pas réellement, comme le fait comprendre lâÃcriture, le résultat dâune décadence, de la perte dâun état primitif tel que celui que décrit le récit que nous allons étudier.
Le séjour dans le paradis (2.5-25)
Avec ce morceau nous entrons dans le domaine de la traditionâ¯; car lâhomme est dès ce moment témoin et acteur dâune partie des faits racontés. Lâhistoire commence et se superpose à la nature, maintenant achevéeâ¯; voilà pourquoi le récit de la création de lâhomme est repris à nouveau.
Au chapitre 1, lâhomme avait été considéré comme appartenant à lâensemble de la nature dont il forme le couronnementâ¯; ici il apparaît comme sujet de lâhistoire, dans laquelle sa propre activité se combine incessamment avec lâaction divine. Aussi le fait de sa création nâavait-il été raconté que sommairement au chapitre 1, tandis quâil est maintenant repris en détail, soit quant à la formation de lâhomme lui-même, soit quant à celle de la femmeâ¯; car câest de cette distinction des sexes que dépend le développement de la race et par conséquent celui de lâhistoire.
Tout semble prouver que le récit qui va suivre a été emprunté à une autre source que le précédentâ¯; le terme dâElohim pour désigner Dieu fait place à celui de Jéhova (sur lâexpression Jéhova-Elohim, voir précédemment)â¯; le récit prend un caractère moins solennel et plus simplement narratif et les mêmes idées sont exprimées par dâautres expressions et dâautres tournures de phrase.
On peut donc se demander si son contenu nâest point parallèle à celui du chapitre 1, en dâautres termes si nous nâavons pas ici un second récit du fait de la création. Sâil en était ainsi, il faudrait reconnaître une contradiction flagrante entre les deux narrationsâ¯: là , une création graduée qui va des plantes aux animaux et des animaux à lâhommeâ¯; ici, absence totale de plantes avant lâhomme et la création des végétaux et des animaux succédant à celle de lâhomme. Mais si câest bien là le sens de ces deux récits, comment sâexpliquer le procédé du rédacteur de la Genèse, qui les reproduit successivement tous les deux malgré cette contradiction quâil ne pouvait manquer de discerner aussi bien que nousâ¯?
Si nous ne voulons pas faire une injure gratuite à son intelligence, nous devons supposer quâil entrevoyait une solution de cette contradiction apparente et nous ne serons que justes en la cherchant.
Elle ne nous parait pas si difficile à trouverâ¯: le chapitre 1 avait en vue le monde dans son ensembleâ¯; le chapitre 2 sâoccupe spécialement de lâhomme et nous place par conséquent dans la contrée particulière où il habita dès le commencement et où se trouvait le jardin appelé paradis. Il nous fait connaître lâétat des choses tel quâil existait au moment et dans le lieu où lâhomme ouvrit pour la première fois les yeux à la lumièreâ¯: câétait une contrée privée de végétation, avec un ciel sans nuages et sans pluieâ¯; seulement une vapeur répandue sur la terre humectait le sol. Le paradis seul, un jardin rempli dâarbres et arrosé par un fleuve, faisait exception.
Tel fut le milieu dans lequel lâhomme arriva à lâexistence et prit connaissance de lui-même et du monde. Câest le souvenir quâil a transmis à ses descendants par une tradition dont nous avons ici la rédaction.
Sâil en est ainsi, ce récit nous place au sixième jour du chapitre 1, immédiatement avant la création de lâhommeâ¯; et nous devons supposer que le document dâoù il a été tiré possédait aussi un récit de la création parallèle à celui du chapitre 1, mais que le rédacteur de la Genèse aura supprimé pour ne pas faire double emploi, tout en rappelant dans ce qui suit quelques traits.
Il est bien évident, en effet, que la narration ne pouvait commencer dans ce récit par notre verset 5. Pour la création des animaux, voir au verset 19.
Verset 5
La création de lâhomme (5-7)
Il résulte de notre explication du verset 4 que le verset 5 commence une phrase nouvelle.
Aucun arbrisseau des champs. Le mot hébreu siach signifie arbrisseau et non plante, comme on lâa quelquefois traduit. Comparez Genèse 21.15â¯; Job 30.4 et Job 30.7.
Aucune herbe des champsâ¯: légumes, céréalesâ¯; le mot hébreu (ésev) est le même qui est employé au chapitre 1. Le récit nâexclut pas le gazon, la verdure du sol (désché), mais seulement les plantes pour lesquelles la main de lâhomme est nécessaire et les arbres.
Cette stérilité avait deux causesâ¯: le manque de pluie dâune part (lâÃternel Dieu nâavait pas fait pleuvoir) et de lâautre lâabsence du travail humain (il nây avait pas dâhommeâ¦).
On ne comprend bien la liaison de ces deux causes, en apparence complètement hétérogènes, que si lâon rapporte la seconde à lâabsence de canaux dâirrigation que lâhomme seul peut établir et qui sont indispensables pour remplacer la pluie dans un pays très chaud et habituellement privé de lâeau du ciel. Que serait, par exemple, lâÃgypte, le pays le plus fertile du monde, si lâhomme nâétait pas là pour suppléer par la canalisation du Nil à lâabsence complète de pluieâ¯? Son sol deviendrait nu comme celui de la contrée dans laquelle était situé le paradis.
Verset 6
Une vapeur montait. Plusieurs interprètes ont fait dépendre encore cette proposition de la négation renfermée dans la proposition précédente et ont traduitâ¯: Une vapeur ne montait pas, trouvant ainsi dans ces mots une nouvelle cause de stérilité. Mais comme chacune des deux propositions précédentes a sa négation spéciale, il nous paraît quâil devrait en être de même de la troisième, si elle était aussi négative.
Cette vapeur remplaçait jusquâà un certain point la pluie et donnait déjà au sol une certaine fertilité. Nous nâavons pas le droit de conclure de ce passage quâil nâait pas plu jusquâau délugeâ¯; lâarc-en-ciel, donné pour signe après ce cataclysme, a pu exister auparavant sans que Dieu y ait encore attaché le sens quâil donne alors à ce phénomène.
Notre récit lui-même suppose lâexistence de la pluie en parlant dâun fleuve qui arrosait le paradisâ¯; il devait tomber de lâeau dans la région de ses sources.
Verset 7
Dans ce passage, où il est parlé de la création de lâhomme, non dans son rapport avec la nature, mais en vue de lui-même, le récit fait ressortir les traits constitutifs de son être. Il en distingue deuxâ¯: le corps, poussière du sol et lââme, souffle de Dieu.
Lors même que ces deux éléments de la nature humaine sont mentionnés successivement, en raison du caractère figuré de la narration il nâest point impossible dâadmettre que les deux éléments, corporel et spirituel, ont pu être formés simultanément.
Dieu forma. Cette expression semblerait dire que Dieu a de ses mains formé le corps humainâ¯; ce trait a évidemment aussi un caractère figuréâ¯; la réalité cachée sous ces images est pour nous incompréhensible, comme tout ce qui tient aux actes créateurs.
Mais il faut remarquer la différence établie ici entre lâorigine du corps de lâhomme et celle du corps des animauxâ¯; à lâégard de ceux-ci, Dieu disaitâ¯: Que les eaux, lâair, la terre produisentâ¯; ici il agit plus directement, il forme lui-même.
Poussière du sol. Malgré la différence signalée, il y a, au point de vue de la substance, homogénéité entre le corps de lâhomme et celui des animaux.
Et il souffla. Les animaux sont aussi animés dâun souffle de vie, mais celui que possède lâhomme émane de Dieu lui-mêmeâ¯; câest là le caractère distinctif de lââme humaine, qui explique lâexpression du chapitre 1â¯: Il le fit à son image.
Dans ses narines. Image empruntée au fait que la respiration est le signe de la vie.
Un être animé. Ce terme, qui est le même que celui qui a été appliqué aux animaux (Genèse 1.20), est ordinairement traduit par âme vivante. Câest ainsi que lâont rendu les LXX, dâaprès lesquels cite saint Paul 1 Corinthiens 15.45.
Il nous a paru que lâidée était mieux rendue par lâexpression être animé. Câest lâorigine divine de ce souffle de vie dont elle est animée, qui fait que lââme humaine possède en elle un organe pour remonter à Dieu et communiquer avec lui, comme elle communique avec le monde extérieur par le corps. Cet organe supérieur de lââme, en tant que distinct de celle-ci, se nomme lâesprit.
Sur lâorigine, lâétat primitif et lâunité du genre humain, voir lâappendice I, à la fin du chapitre.
Verset 8
Le paradis (8-14)
La position du premier homme, dénué du secours de parents humains, rendait nécessaire lâexistence dâun milieu approprié à sa faiblesse et à son inexpérience. Dieu y pourvoit en plantant un jardin propre à subvenir à ses premiers besoins.
Il en est du terme de planter comme de ceux de former, de souffler, qui expriment sous une forme figurée des actions divines incompréhensibles pour nous.
Un jardin. Le mot hébreu gan désigne un endroit entouré dâune clôtureâ¯; il se retrouve dans toutes les langues sémitiques pour désigner les jardins et le parc environnant un palais.
Les LXX lâont traduit par un mot grec, paradeisos dâoù est venu notre mot paradisâ¯; ce mot est la reproduction du mot persan païri-daéza, qui signifie un lieu protégé par un rempart. Ce mot a passé dans la langue hébraïque postérieure sous la forme de pardés.
En Ãden. La préposition en prouve quâÃden désigne toute la contrée au sein de laquelle se trouvait le jardin. Comme nom commun, ce mot signifie délices. Est-ce ce nom commun qui, en raison de son sens, est devenu le nom propre du pays où était situé le paradis, ou bien est-ce le nom propre de ce pays, emprunté primitivement à une langue autre que lâhébreu, qui a pris dans celle-ci le sens de délicesâ¯?
On peut invoquer en faveur de cette seconde opinion le fait quâil existe dans la langue assyro-babylonienne un mot tout semblable, édin ou édinou qui signifie plaine. Le nom dâÃden se retrouve ailleurs, mais avec dâautres voyelles. Comparez Ãsaïe 37.12â¯; Ãzéchiel 27.23â¯; Amos 1.5, notes.
à lâorient. On pourrait appliquer cette expression au rapport du jardin à la contrée dâÃden, dans la partie orientale de laquelle il aurait été situé mais il est plus naturel de lâexpliquer par le point de vue du rédacteur, pour qui Ãden et le jardin étaient situés bien loin à lâorient.
Remarquons que, tandis que la plupart des autres peuples anciens se prétendent autochtones et placent lâorigine de la race humaine sur leur propre territoire, les Hébreux se représentent le siège primitif de lâhumanité dans une contrée autre que celle quâils habitent. Ce fait nous prouve lâancienneté et la pureté des traditions sur lesquelles repose notre récit.
Il mit là lâhomme. Ces mots nous donnent lâidée de la sollicitude paternelle de Dieu envers lâhomme, sa créature faible et privilégiée.
Verset 9
Dieu pourvoit aux besoins et même aux jouissances de lâhomme encore enfant.
Lâarbre de vie. On voit plus tard que câétait lâarbre dont les fruits devaient préserver lâhomme de la dissolution à laquelle était naturellement exposé son corps formé de la poussière.
Est-ce là un simple symbole, destiné à représenter la puissance vivifiante de Dieu qui devait transformer le corps terrestre de lâhomme en corps spirituel et immortel, ou bien devons-nous supposer que cette action vivifiante était réellement attachée à lâusage du fruit de cet arbreâ¯? Voir à Genèse 3.22.
Au milieu du jardin. Cette position centrale paraît correspondre à lâimportance de cet arbre.
La tradition de lâarbre de vie se retrouve chez tous les peuples de lâOrient. Chez les Hindous, il est situé au sommet dâune montagne et produit le soma, fruit dont se nourrissent les dieux et qui donne la vie aux hommesâ¯; câest comme un intermédiaire entre le ciel et la terre.
Les traditions iraniennes parlent de même dâun arbre dont les rameaux écrasés fournissent le breuvage quâon offrait en libation aux dieux et que lâon identifiait avec le breuvage céleste de vie et dâimmortalité.
Chez les Assyriens et les Babyloniens, lâimage de cet arbre se rencontre très fréquemmentâ¯; il est probable que câétait primitivement un pin ou un cyprèsâ¯; tantôt il est représenté comme gardé par des génies protecteurs (figure 1)â¯; tantôt des prêtres se tiennent de chaque côté dans lâattitude de lâadorationâ¯; quelquefois, comme sur le sceau du roi Sanchérib (figure 2), ce sont (probablement) le roi et la reine qui se tiennent de chaque côté de lâarbre, prêts à cueillir ses fruits.
Ce qui prouve son identité avec lâarbre de vie, câest que ce symbole se trouve souvent représenté sur des tombeaux chaldéens.
Lâarbre de la connaissance. Il ressort de Genèse 3.3 que cet arbre était voisin du précédent.
Il ne faudrait pas croire que son fruit fût un poison qui devait causer la mortâ¯; car la connaissance du bien était attachée à cet arbre aussi bien que celle du mal, et, dans lâintuition du récit, la mort provient bien plutôt de la privation de lâarbre de vie.
Nous pensons donc que ce nom lui est donné en raison de lâeffet qui devait nécessairement résulter de la défense faite à lâégard de son fruit. Si lâhomme obéissait, il apprenait à connaître le bien par expérience et le mal par la vue du danger auquel il avait échappé, de même que du haut dâune cime on mesure la profondeur de lâabîme où lâon aurait pu tomberâ¯; sâil désobéissait au contraire, il apprenait à connaître le mal par expérience et le bien comme un bonheur perdu, ainsi que du fond de lâabîme on mesure du regard la hauteur de la cime à laquelle on devait parvenir.
Lâarbre de la connaissance ne se retrouve nulle part dans les traditions des peuples anciens, sauf peut-être dans une figure babylonienne qui représente un homme et une femme assis de chaque côté dâun arbre. Ils tendent la main vers ses fruits et un serpent se tient debout sur sa queue derrière la femme. Cependant ce peut nâêtre là que lâune des nombreuses représentations de lâarbre de vieâ¯; et le serpent pourrait être lâemblème dâune divinité, comme le capricorne qui, sur le sceau de Sanchérib, se tient derrière la reine (figure 3).
Verset 10
Un fleuve sortait dâÃden. Comme il ne pleuvait pas sur la terre où était situé le jardin, une irrigation était nécessaire elle était due à un fleuve qui sortait dâÃden et entrait dans le jardin, pour lequel il était ce que le Nil est pour lâÃgypte.
De là il se partageait et devenait⦠Le sens naturel de ces mots est que le fleuve, après avoir traversé le jardin, se divisait en quatre branches qui allaient arroser les contrées désignées ensuite.
Quatre fleuves, littéralement quatre têtes. Nous croyons que cette expression ne peut désigner que quatre branches dans lesquelles se partageait le fleuve principal. Câest dans ce sens quâest appliqué le mot tête dans les inscriptions assyriennes, où le mot resch-nari (en hébreu, rosch-nahar, tête du fleuve) désigne le point où un canal se sépare du fleuve qui lâalimente.
On a essayé dâappliquer ce nom à quatre rivières ou affluents qui auraient formé le fleuve avant son entrée dans le paradis et dâentendre lâexpressionâ¯: sortait dâÃden, dans ce sensâ¯: sortait de la partie dâÃden située au-dessous du paradis pour entrer dans la mer. Câest faire violence aux termes du texte.
Verset 11
Pischon. Ce nom de fleuve, quâon ne retrouve nulle part ailleurs, ni dans la Bible, ni chez les peuples anciens, est un mot hébreu signifiantâ¯: celui qui coule largement. Lâexpressionâ¯: qui entoure le pays, peut signifier simplementâ¯: qui embrasse lâun de ses côtés. Comparez Deutéronome 11.4.
Havila. Ce nom, dont la signification étymologique est pays des sables ou des dunes, désigne proprement dans la Bible lâun des fils de Joktan, descendant de Sem (Genèse 10.29). Or, on sait que les Joktanides étaient lâune des trois grandes souches de la race arabe (Kéturiens, Ismaélites et Joktanides). Câest donc en Arabie quâil faut chercher le pays habité par cette tribu.
Ce résultat est confirmé par Genèse 25.18 et 1 Samuel 15.17, textes dâaprès lesquels Havila ne peut guère être que la contrée de lâArabie voisine du golfe Persique et de la Mésopotamie et à laquelle convient le sens étymologique de ce nom.
Il est aussi parlé Genèse 10.7 dâun Havila habité par des Cuschites, descendants de Cham. Comme les tribus cuschites mentionnées dans ce passage se trouvent presque toutes sur la côte arabique du golfe Persique, il est probable que les deux Havila ne sont quâun seul et même pays où sâétaient mélangées les deux races.
Lâor. Lâarticle signifie que câétait de ce pays que les Israélites tiraient ordinairement leur or et cette circonstance confirme lâapplication du nom de Havila à la contrée dâArabie voisine du golfe Persique et par conséquent du pays dâOphir, dâoù Salomon tirait ce métal.
Pour le rapprochement de Havila et dâOphir, voir Genèse 10.29 et pour lâor dâOphir, 1 Rois 9.28â¯; 1 Rois 10.11â¯; 1 Rois 22.49, etc.
Verset 12
Lâor de cette terre-là est bon. On sait par plusieurs passages que lâor dâOphir était préféré à tout autreâ¯: Job 28.16â¯; Psaumes 45.10â¯; Ãsaïe 13.12.
Le bdellium. Lâhistorien Josèphe entend par là une gomme résineuse, odoriférante et très précieuse, qui est appelée en grec bdolkos et qui se trouvait, dâaprès Pline, en Arabie, en Inde, en Médie et en Babylonie. Câest le sens aujourdâhui généralement admis.
Cependant comme, dâaprès Exode 16.14, la manne était de couleur blanche et que, Nombres 11.7 elle est comparée au bdellium qui, dâaprès Pline, doit avoir été de couleur brune, plusieurs savants ont pensé quâil sâagissait plutôt des perles, quâon pêche dans le golfe Persique.
Pierre de schoham. Pierre précieuseâ¯; selon les uns le béryl, de couleur verteâ¯; selon les autres, la pierre dâonyx, espèce dâagate présentant des couches de diverses couleurs. On a retrouvé dans les inscriptions assyriennes un mot analogue, samou ou samtou, qui désigne une pierre précieuse probablement dâun brun clair portée comme ornement par les rois.
Câétait sur deux pierres de schoham posées sur les épaules du grand sacrificateur quâétaient écrits les noms des douze tribus dâIsraël.
Verset 13
Guihon. Ce nom, qui vient dâun mot hébreu signifiant jaillir, répond au nom arabe Dschaihoun, que les Arabes et les Persans appliquent à plusieurs fleuves, par exemple au Gange (Inde), à lâOxus (Turkestan), au Pirame (Cilicie)â¯; les LXX lâappliquent au Nil dans la traduction de Jérémie 2.18. Une source près de Jérusalem portait aussi ce nom (1 Rois 1.33â¯; 2 Chroniques 32.30).
La terre de Cusch. Ce nom sâapplique le plus ordinairement dans lâAncien Testament à lâAbyssinie et à la Nubie, que traverse le Nil avant de descendre en Ãgypte. Mais il parait quâoriginairement le peuple des Cuschites habitait les contrées au nord du golfe Persique.
Nous avons déjà rappelé le fait que les noms de la plupart des fils de Cusch mentionnés Genèse 10.7 se retrouvent sur la côte arabique de ce golfe. Nous savons également que Nemrod, le fondateur de lâempire babylonien, était fils de Cusch (Genèse 10.8).
Ces données scripturaires sont confirmées par les inscriptions babyloniennes, qui donnent le nom de Caschou à lâune des tribus primitives de la Babylonie et finissent par lâétendre à toute la population. Câest bien probablement de ce nom quâest venu le mot hébreu Casdim (Chaldéens) qui désigne les habitants de la Mésopotamie méridionale.
Verset 14
Hiddékel. Ce nom est le même que le nom assyrien Diglat ou Hidiglat (flèche), qui dans cette langue désigne le Tigre. Il est ainsi nommé à cause de la rapidité de son cours. Ce fleuve est encore mentionné Daniel 10.4. Il prend sa source dans les montagnes dâArménie, traverse du nord au sud la Mésopotamie septentrionale, se rapproche beaucoup de lâEuphrate au-dessus de Babylone et enfin se confond avec lui peu avant son embouchure dans le golfe Persiqueâ¯; leur cours commun jusquâà la mer se nomme Schat-el-Arab.
à lâorient dâAssur. Il semble au premier abord que cette détermination nâest pas exacte, puisque lâAssyrie sâétendait sur les deux rives du Tigre. Mais il est probable que primitivement le pays qui portait ce nom ne sâétendait pas au-delà du Tigre, car la ville dâAssur, lâancienne capitale, était située sur la rive occidentale du fleuve.
LâEuphrate le plus grand fleuve de lâAsie occidentale, venant, comme le Tigre, de lâArménieâ¯; il arrose toute la Mésopotamie et se jette, réuni au Tigre, dans le golfe Persique. Son nom est en hébreu Phrathâ¯; en assyrien-babylonien Purat, câest-à -dire le fleuveâ¯; en persan Ufratuâ¯; de là est venu notre mot Euphrate. Aucun détail nâest donné sur ce dernier fleuve, parce quâil était suffisamment connu des Hébreux.
Sur la situation du paradis, voir lâappendice II, Ã la fin du chapitre.
Verset 15
Lâhomme dans le paradis (15-17)
Verset 15
Ce verset se rattache directement au verset 8, dont il développe les derniers mots
LâÃternel Dieu prit lâhomme. Câest ici à proprement parler le commencement de lâhistoire de lâhumanité.
Pour le cultiver. Dès lâabord lâhomme est appelé au travail, car le travail est la condition de tout développement et Dieu veut pour lâhomme le progrès. Mais ce travail ne devait rien avoir de servileâ¯; câétait celui du jardinier au milieu de ses plantations.
Pour le garder. On a pensé que cela signifiaitâ¯: pour le préserver des bêtes férocesâ¯; mais quelle arme Adam aurait-il eue contre elles et comment aurait-il gardé le jardin de tous les côtés à la foisâ¯? Il sâagit donc de le garder contre un ennemi dâune toute autre nature, qui aspire à sâen rendre maître et qui ne tardera pas à paraître.
Cette première tâche dâAdam, qui ne se rapportait quâau jardin, laisse entrevoir celle de lâhumanité à lâégard de la terre entièreâ¯; faire du monde un Ãden et de cet Ãden le théâtre du règne de Dieu, voilà la tâche quâAdam était appelé à inaugurer.
Verset 16
Cet ordre. Ce terme est en relation intime avec la tâche de garder le jardin que Dieu vient de donner à lâhommeâ¯: à la séduction dont il sera bientôt lâobjet, il devra opposer, comme un bouclier, lâordre divin.
Tu mangeras librement. Nous traduisons ainsi la forme hébraïque qui consiste dans le redoublement de la notion verbale.
Dans le premier récit (Genèse 1.29), Dieu avait déjà assigné à lâhomme comme nourriture les légumes, les céréales et les fruits de tous les arbres. Sâil répète ici lâautorisation de manger les fruits des arbres, câest pour préparer la restriction renfermée dans les mots suivants.
Le but de cette parole nâest donc pas dâindiquer à lâhomme tout ce qui pourra servir a sa nourriture et câest à tort quâon y a vu une contradiction avec Genèse 1.29.
Verset 17
Tu nâen mangeras pas. Cette défense est le premier acte de lâéducation morale de lâhumanité. Si lâhomme eût été laissé à son instinct comme les animaux, il fût devenu comme eux lâesclave du penchant. Sa volonté ne pouvait être affranchie de la domination des appétits sensuels que par un ordre qui le forçât à se replier sur lui-même et à dominer lâinclination naturelle. Câétait donc à la domination de lui-même, câest-à -dire à la véritable liberté, que Dieu voulait commencer à lâélever en lui intimant cette défense.
Remarquons la nature élémentaire et en quelque sorte enfantine de ce premier commandementâ¯; il était parfaitement approprié à lâétat de lâhomme en ce moment de son existence. Chacun ne se souvient-il pas que sa première tentation et peut-être son premier péché comme enfant, se sont produits a lâoccasion dâune jouissance de cette natureâ¯?
Tu mourras certainement. Sur ce mot certainement, même observation que sur le librement du verset 16â¯: il y a simplement en hébreu le redoublement de la forme verbale.
Lâhomme nâavait pas été créé immortel (Genèse 3.19), mais il aurait dû être préservé de la mort par la jouissance des fruits de lâarbre de vieâ¯; il eût par là obtenu la transmutation de son corps terrestre en corps glorifié.
Au lieu de cela, le péché le séparera de Dieu et de ses moyens de grâce et il tombera sous la puissance de dissolution inhérente à sa nature terrienne.
Au jour où. Ce procédé de dissolution commencera au jour même où le péché aura séparé lâhomme de son Dieu. Sa vie ne sera plus que celle dâun mourant.
Verset 18
La création de la femme (18-25)
La création de la femme avait été indiquée en Genèse 1.7 par une expression sommaire. Elle est racontée maintenant dans tous ses détails et placée au moment précis où elle a eu lieu.
LâÃternel Dieu dit. Comme la création de la femme est lâachèvement de celle de lâhomme, elle est précédée, de même que celle-ci, dâune délibération en Dieu. Câest ici le seul Et Dieu dit, de ce chapitreâ¯; il rappelle lesâ¯: Et Dieu dit, du chapitre 1.
Il nâest pas bon. Dieu attend, pour donner à lâhomme sa compagne, quâil ait vécu seul un certain temps, sans doute parce que ce don doit répondre à un besoin que le sentiment de la solitude aura fait naître chez lui.
Ainsi lâon peut sâexpliquer quâil arrive un moment où lâétat primitif de lâhomme, qui avait été déclaré très bon (Genèse 1.31), ne lâest plus absolument. Ce qui était bon pour lâenfant peut ne lâêtre plus pour le jeune homme.
Plus tard, lorsque le don de Christ aura répondu plus complètement encore aux besoins du cÅur de lâhomme, saint Paul pourra direâ¯: Il est bon à lâhomme dâêtre seul (1 Corinthiens 7.26).
Je lui ferai une aide. Dieu ne corrige pas son Åuvre il la complète au moment où le réclame la loi du progrès qui la domine dès le commencement. Adam a maintenant besoin dâune aide pour sa tâcheâ¯; elle lui est donnée.
Câest de ce mot que Paul a tiré cette expressionâ¯: La femme est la gloire de lâhomme. La gloire dâun être est dâêtre aiméâ¯; il nây a pas pour lâhomme de gloire comparable à celle dâavoir reçu pour compagne et aide dévouée un être aussi parfait que la femme.
Qui soit sa pareille. Littéralement son vis-à -vis, son pendant, un second lui-même.
Verset 19
La mention de la création des animaux est en relation évidente avec le récit de la création de la femme, quâelle prépare. Le rédacteur ne peut avoir voulu dire que Dieu a créé les animaux après lâhomme, car il se mettrait en contradiction flagrante avec le chapitre 1, quâil a posé à la base de tout son récit.
Comme nous constatons par ce qui précède et par tout ce qui suit que, pour éviter les répétitions, il supprime fréquemment certaines parties de ses documents, nous pouvons admettre quâil ne relève la création des animaux quâen vue du récit qui va suivre et que par conséquent elle nâest pas nécessairement ici à sa place chronologique.
Ce qui confirme cette idée, câest quâil ne parle pas de tous les animaux, mais seulement de ceux qui joueront un rôle dans le fait suivant, à savoir ceux des champs et des airs.
Nous devons donc admettre que dans sa pensée et rien nâest plus conforme au mode de narration sémitique, le sens du verset 19 est celui-ciâ¯: Et tous les animaux des champs⦠que lâÃternel Dieu avait formés, il les fit venir vers lâhomme.
Les fit venir vers lâhomme. Il ne ressort pas de ces mots quâils habitassent dans le paradis et leur nom dâanimaux des champs ne permet même pas de le supposer. Dieu pouvait les faire venir de la contrée environnante.
Pour voir comment il les appellerait. Le but de Dieu en faisant passer devant Adam les animaux était dâéveiller en lui le sentiment de son isolement, afin que lâaide qui allait lui être accordée, commençât par être lâobjet de son désir.
En voyant passer devant lui tous ces êtres aux formes diverses, aux allures variées, il devait exprimer par un nom la nature de chacun dâeux et par là les caractériser comme étrangers à sa propre natureâ¯; le résultat de cet examen devait donc être la conscience de son isolement complet au milieu du monde animal.
On a cru souvent, que ce moment était celui de lâorigine du langage. Mais ce ne peut être là le sens de ce récit, intercalé, comme il lâest, dans celui de la création de la femmeâ¯; puis il semble bien que lâauteur se représente lâhomme comme initié au langage des les premiers moments de son apparition sur la terreâ¯; comparez versets 16 et 17.
Ce fût son nom. Câest ici comme un acte de souveraineté quâexerce Adamâ¯: le nom donné demeurera et chaque animal sera dâune manière permanente pour lâhomme ce quâexprime son nom, tout comme le jour et la nuit, les cieux, la terre et la mer devaient demeurer tels que Dieu les avait établis en leur donnant un nom.
Verset 20
Les bestiaux. Il est singulier que le bétail les animaux domestiques, omis au verset 19, soit nommé ici et en première ligne. Cela se comprend si lâon admet que ces animaux étaient déjà les plus rapprochés de lâhomme et habitaient avec lui dans le paradis câest pourquoi ils ne peuvent être rangés parmi les animaux des champs.
Les oiseaux, qui partagent jusquâà un certain point ce privilège, sont nommés immédiatement aprèsâ¯; enfin viennent en troisième ligne les bêtes sauvages que Dieu fait venir du dehors.
Il ne trouva pour lâhommeâ¯; littéralement pour un homme, câest-à -dire pour un être tel que lâhommeâ¯; Adam ne trouva aucun être propre à former le complément de son existence. Dans sa simplicité cette parole est une expression sublime de la supériorité et de la grandeur de lâhomme.
Cette lacune une fois constatée, Dieu la comble.
Verset 21
Un profond assoupissement. Cet état nâétait pas naturel le mot thardéma, proprement torpeur, nâest appliqué quâà un assoupissement très profond et qui a quelque chose dâexceptionnel.
Il prit une de ses côtes, littéralement un de ses côtés, un germe de vie renfermé dans lâhomme lui-même. Ainsi que lâhomme, la femme est le produit dâun acte spécial de Dieu mais comme ce nâest pas une nouvelle catégorie dâêtres qui apparaît, elle est tirée non du sol, comme lâhomme et les animaux, mais de lâorganisme humain déjà constitué.
Un naturaliste éminent a rapproché ce fait du phénomène de force évolutive que lâon observe dans certains organismes, tels que les méduses, qui, après une phase dâinconscience et dâimmobilité, se métamorphosent et arrivent à la différenciation des sexes. Mais ne vaut-il pas mieux avouer franchement notre ignorance sur un fait qui participe au mystère de la création elle-mêmeâ¯?
Nous nous bornerons à reconnaître la divine pensée renfermée dans ce récit, celle de lâintime connexion morale créée entre lâhomme et la femme par ce mode dâorigine de la seconde. Rappelons ici que lâArabe appelle son intime ami, son côté.
Mais en même temps que la communauté de vie entre lâhomme et la femme est ainsi fondée, ce mode dâorigine établit aussi la dépendance de la femme à lâégard de lâhomme, comme saint Paul le fait ressortir 1 Corinthiens 11.8 et 1 Timothée 2.13.
Verset 22
Forma une femme, littéralement bâtit en femme la côte quâil avait prise.
Lâamena vers lâhomme. Il ne laisse pas à lâhomme le soin de la chercher et de la trouverâ¯; il la lui présente et la lui donne lui-même. Câest par cet acte divin que le mariage a été institué.
Verset 23
Adam reconnaît à lâinstant lâêtre qui doit combler le vide que lui a fait sentir la vue des animaux passant devant lui par paires.
Celle-ci, en opposition à tous ces êtres inférieurs.
Cette fois. Ce mot exprime avec vivacité le contraste avec lâexpérience quâil vient de faire.
Os de mes os et chair de ma chairâ¯; comme sâil voulait direâ¯: Cette fois, un autre moi-mêmeâ¯! Il y a là un élan de surprise et de joie qui donne aussitôt naissance au parallélisme rythmique, caractère de la plus antique poésie.
Lâémotion se trahit aussi par la triple répétition du mot celle-ciâ¯; car la traduction littérale de la troisième proposition estâ¯: Elle a été prise de lâhomme, celle-ci.
Celle-ci sera appelée femmeâ¯: le mot hébreu est ischa, féminin de isch, lâhomme. Pour rendre lâassonance de lâhébreu, il nous faudrait le mot hommesse.
Adam fait à lâégard de la femme ce que Dieu lui avait appris à faire à lâégard des animaux. Ce nom exprime lâimpression quâelle produit sur lui, celle dâun être à la fois un avec lui et dépendant de lui.
On ne peut conclure de ce fait que lâhébreu soit la langue primitive de lâhomme car cette assonance peut être la reproduction dâune assonance semblable dans la langue primitive.
Verset 24
Il est difficile de croire que cette parole doive être attribuée à Adam, puisque les expressions de père et de mère supposent une expérience quâil nâavait pas.
Matthieu 19.5 (dâaprès la traduction exacte), Jésus la met dans la bouche de Dieu même, sans doute en ce sens quâil lâattribue à lâauteur inspiré du récit. Ce serait donc une réflexion ajoutée par ce dernier, comme il sâen trouve plusieurs dans le cours de là Genèse, adjonctions qui commencent ordinairement, comme celle-ci, par al-ken, câest pour cela (Genèse 26.33â¯; Genèse 32.32).
Lâhomme laissera⦠Lâexpérience a prouvé la sagesse de cette direction divineâ¯; une nouvelle famille doit dès lâabord se détacher du tronc qui lâa portée pour devenir tronc à son tour.
Il sâattachera à sa femme. Le principe de la monogamie est implicitement renfermé dans cette parole. Comparez Matthieu 19.6. Câest ici la fondation de la famille sous sa forme normale.
Une seule chair. Comparez 1 Corinthiens 6.16 les conséquences que saint Paul tire de cette parole contre le crime de lâimpureté.
Verset 25
Le sentiment de la pudeur nâest venu que plus tard comme effet du péché. Adam et Ãve étaient encore comme des enfants.
Appendice 1 â Origine, unité, état primitif du genre humain
1. Dans le passage que nous venons dâétudier est renfermée la conception biblique de lâorigine de lâhomme. Cette conception, nous lâavons vu, tient compte à la fois des traits par lesquels lâhomme appartient au monde animal et de ceux qui lâen distinguent et font de lâhumanité, comme on lâa dit, un règne à part.
Mais, dâaprès une opinion récemment enseignée et à laquelle adhèrent un grand nombre de savants, lâhumanité procéderait sans intervention divine particulière de lâanimalité qui lâa précédée, et cela, aussi bien quant à ses facultés intellectuelles et morales que quant à son corps. Nous ne pensons pas que cette manière de voir, opposée à la conception biblique réponde à lâensemble des faits qui peuvent nous éclairer sur la question.
Il y a entre lâhomme et lâanimal toute une série de différences caractéristiques qui ne permettent pas dâenvisager lâapparition de lâhomme autrement que comme un commencement nouveau, le produit dâun acte créateur immédiat. Voici quelques-uns de ces traits.
Lâhomme est une personnalité consciente et disposant dâelle-même, tandis que lâanimal nâagit que comme représentant de lâespèce a laquelle il appartient.
Lâhomme a lâintuition du bien et du mal et par cette conscience il devient responsable de ses actesâ¯; lâanimal ne connaît que la sensation agréable ou pénible et ne peut être envisagé comme moralement responsable.
Lâhomme parleâ¯; lâanimal nâa pas le langage, non que les organes lui manquent pour cela, mais parce quâil nâa que des représentations individuelles et quâil est incapable dâidées générales comme celles quâexprime le langage.
Lâhomme progresse incessammentâ¯; lâanimal demeure stationnaire, enfermé quâil est dans le cercle que lui trace lâinstinct.
à ces différences intellectuelles et morales correspondent celles que lâon constate au point de vue physiqueâ¯; la constitution du cerveau en particulier établit une distance incomparablement plus grande entre lâhomme le plus inférieur et lâanimal le plus élevé que celle qui sépare lâanimal le plus élevé de ceux qui le suivent de plus près.
Les partisans de lâorigine animale de lâhomme pensent quâil doit y avoir eu un être intermédiaire, dont lâexistence aurait comblé cet intervalle immense. Câest là une pure hypothèse, qui nâest appuyée jusquâici par aucun fait.
Ou bien ils pensent quâà lâorigine lâhomme était beaucoup plus rapproché de lâanimalité quâil ne lâest actuellement. Mais tous les faits constatés jusquâici réfutent cette manière de voirâ¯; les crânes humains les plus anciens quâon ait retrouvés dans les couches terrestres sont, de lâaveu même des partisans de la théorie que nous combattons, exactement semblables à ceux des hommes de nos jours.
Mais, dût même lâidée que lâhomme descend de lâanimalité être un jour démontrée par les faits, il nâen resterait pas moins vrai que câest Dieu qui a, par tout le développement du règne animal, formé son corps et que, quant à son âme, terme de cette longue élaboration, elle se distingue dâune manière si profonde de celle des animaux même les plus rapprochés de lui que lâimage biblique dâun esprit soufflé par Dieu dans ses narines doit en tout cas être lâexpression symbolique dâun fait divin accompli à lâorigine de la race humaine.
De même quâil a fallu un acte créateur pour poser le commencement de la vie au sein de la matière, il en a fallu un nouveau pour poser lâesprit au sein de la matière animée.
2. LâÃcriture pose comme un fait indubitable lâunité dâorigine du genre humain. Dans notre chapitre, Dieu ne crée quâun seul couple dâoù la famille humaine tout entière doit procéder. Jésus ditâ¯: Ne savez-vous pas que Dieu fit au commencement un homme et une femmeâ¯? (Matthieu 19.4). Saint Paul déclare aux Athéniens que Dieu a fait naître dâun seul sang tout le genre humain (Actes 17.26).
Aujourdâhui, les savants sont disposés à reconnaître lâunité attestée par lâÃcriture. Elle est confirmée en effet par des faits nombreux qui prouvent que les différences existant entre les hommes ne sont pas celles dâespèces diverses, mais celles de simples variétés. Tandis que les espèces animales différentes en sâunissant ne donnent naissance quâà des produits stériles ou dont la fécondité ne dépasse pas deux ou trois générations, les races humaines, en se croisant, donnent naissance à des rejetons dâune fécondité permanente. Tous les hommes ont la même conformation du squeletteâ¯; la température moyenne du corps et la rapidité des battements du pouls est la même chez tousâ¯; tous sont sujets aux mêmes accidents physiologiques et aux mêmes maladiesâ¯; le temps de la grossesse est le même chez toutes les races.
Lâunité morale est plus évidente encore si possibleâ¯; les lois de la logique et celles de la conscience, ainsi que tout un ensemble de sentiments naturels, étendent leur pouvoir aussi loin que sâétend lâhommeâ¯; le travail intellectuel dâune partie de lâhumanité réagit tôt ou tard sur la totalité de la raceâ¯; enfin lâinfluence du christianisme sâexerce également chez tous les peuples de la terre.
Ce nâest quâà la condition de cette unité morale du genre humain que peut être proclamée la grande loi qui domine son existenceâ¯: aimer son prochain comme soi-même.
3. Relativement à lâétat primitif de lâhomme, on a souvent exposé une théorie dâaprès laquelle lâhomme aurait passé graduellement dâun état sauvage encore à demi brutal au degré le plus inférieur de la civilisation et se serait élevé progressivement de là à la hauteur à laquelle nous sommes aujourdâhui parvenus. Primitivement dénué de toute pensée religieuse et ne pratiquant aucun culte, il aurait à un degré plus avancé divinisé certains objets qui avaient pour lui une importance particulièreâ¯: un arbre, une pierre, un fleuve, puis, à un degré supérieur encore, le feu, les astres, en particulier le soleilâ¯; il en serait venu à se représenter les astres comme habités par des puissances divines en grand nombreâ¯; enfin, par la contemplation de lâunité du ciel, il se serait élevé à la pensée dâun Dieu unique. Ainsi serait né graduellement, à travers les phases de lâathéisme, du fétichisme et du polythéisme, notre monothéisme actuel.
Si lâhomme veut se mettre à créer lâhistoire par un procédé dâimagination, il arrive assez naturellement à la conception que nous venons dâexposerâ¯; mais sâil veut étudier les faits, ce qui est la seule méthode sûre pour arriver à la vérité, il sera conduit à un résultat tout opposé et reconnaîtra que le monothéisme doit avoir été le point de départ de lâhumanité, que le polythéisme a été une première dégénérescence et que le fétichisme est une dégradation plus profonde encore et nâa plus au-dessous de lui que lâathéisme matérialiste qui sâempare de nos jours dâun très grand nombre dâindividus.
On a étudié les religions de tous les peuples du monde et cette étude a conduit à constater le fait que toutes ont à leur origine une notion monothéiste qui sans doute se confond chez plusieurs dâentre elles avec la notion de lâunité du ciel visible. Le polythéisme qui a suivi nâa été que comme un fractionnement de cette unité primitive et le fétichisme que nous trouvons aujourdâhui aux plus bas degrés de la race humaine, nâest, dâaprès le témoignage des peuples eux-mêmes qui sont arrivés à ce point, que le reste de notions religieuses plus élevées que possédaient leurs ancêtres. Aussi nâa-t-on jamais vu un peuple fétichiste se relever par lui-même de cet état pour parvenir à une religion plus pure sans le secours des races plus avancées.
Mais, dâautre part, si lâhistoire nous conduit à admettre que la connaissance religieuse primitive de lâhumanité a surpassé, au point de vue de la pureté, celle des états subséquents, cela ne doit pas nous empêcher dâenvisager cet état primitif comme un simple point de départ, dâoù lâhumanité devait sans tarder commencer à sâélever vers un terme beaucoup plus glorieux.
Câest précisément ce que nous fait comprendre le récit scripturaire en nous montrant le couple primitif dans un état dâenfance, dâinnocente ignorance, mais aussi de communication directe avec lâÃternel qui était pour eux ce quâun père et une mère sont pour leurs enfants et qui veillait à leur progrès intellectuel et moral, non moins quâà la satisfaction de leurs besoins physiques.
Appendice II Sur la situation du paradis
Beaucoup dâinterprètes nâattribuent à la notion du paradis quâune valeur purement idéale. Ce jardin de Dieu, fertilisé par des eaux abondantes et produisant des fruits de toute espèce pour lâentretien de la vie humaine, serait lâemblème de la vie et des biens excellents que Dieu accordait à lâhomme dans son état dâinnocence primitive.
Mais lâauteur ne lâa certainement pas entendu ainsiâ¯; autrement, à côté des deux noms de Pischon et de Guihon, qui pourraient à la rigueur passer pour symboliques, il nâaurait pas placé ceux de deux fleuves bien connus de ses lecteurs, le Tigre et lâEuphrate.
Et si nous admettons lâunité de la race humaine comme un fait constaté, il faut bien que le premier couple, dâoù est provenue toute lâhumanité, ait eu quelque part une habitation réelle, où il ait joui de la protection divine et trouvé facilement les moyens de satisfaire à ses besoins.
Où chercher ce berceau primitif de lâhumanitéâ¯? On a répondu à cette question de bien des manières différentes. Nous nous bornerons à indiquer les principales solutions, celles qui prennent au sérieux les données géographiques du texte et sâattachent à en rendre compte.
Plusieurs interprètes modernes, suivant une opinion émise déjà par lâhistorien juif Josèphe, à la fin du premier siècle après Jésus-Christ, pensent que lâauteur du récit a voulu faire du paradis le lieu central du monde, dâoù sortaient tous les grands fleuves qui arrosent la terre, telle quâelle était connue de son temps.
Ainsi dans le Pischon ils voient lâun des deux grands fleuves de lâInde, le Gange ou lâIndusâ¯: le pays de Havila désignerait dans ce cas non seulement le désert dâArabie, mais encore toutes les contrées situées du côté de lâest, jusquâà lâInde elle-même. Cette supposition est, prétend-on, confirmée par le fait que câétait probablement de lâInde que provenaient lâor et les pierres précieuses que les israélites tiraient dâOphir par leur commerce.
Le Guihon serait le grand fleuve qui arrose lâAfrique, comme le Pischon lâAsie orientale, câest-à -dire le Nil, que lâon se serait représenté provenant du centre de lâAsie, traversant lâArabie, puis arrivant en Abyssinie (la terre de Cusch) pour se diriger de là vers le nord et descendre à travers lâÃgypte dans la Méditerranée. Lâidée que les sources du Nil pourraient se trouver en Asie parait avoir traversé lâesprit dâAlexandre quand, arrivant à lâun des affluents de lâIndus, il vit dans ses eaux des crocodiles et sur ses bords une plante égyptienneâ¯; mais il se convainquit immédiatement de lâimpossibilité de ce rapprochement.
Les deux derniers fleuves ne peuvent être, comme nous lâavons vu, que le Tigre et lâEuphrate. Dâaprès cela, le paradis aurait été situé sur un plateau quelconque de lâAsie centrale où se serait trouvée, dans lâimagination des peuples antiques, la source commune des quatre fleuves indiqués.
Mais lâidée dâun jardin qui aurait été arrosé simultanément par les grands fleuves de lâAsie et de lâAfrique est tellement fantastique quâil est impossible de lâattribuer à lâauteur de la Genèse, dont les connaissances en ethnographie et en géographie sont constatées, comme nous le verrons, par le chapitre 10.
Puis il est impossible dâadmettre que lâauteur de notre récit ait étendu le nom de Havila aux contrées de lâInde, car sâil avait connaissance de ce pays et des fleuves qui lâarrosent, il devait savoir aussi que toute une mer le séparait de la côte orientale de lâArabie.
Enfin, pour ce qui concerne le Nil, on ne peut attribuer une pareille ignorance à notre auteur, qui écrivait sans doute après le séjour du peuple dâIsraël en Ãgypte. Comment donc supposer quâil nâait pas connu la mer Rouge et le détroit qui sépare lâAfrique de lâArabie et quâil se soit imaginé que le Nil, quâil savait couler du sud au nord, avait ses sources dans la même région que lâEuphrate, qui venait du nordâ¯?
Du reste les cours du Tigre et de lâEuphrate sont beaucoup trop rapprochés lâun de lâautre en proportion de lâéloignement immense qui séparerait les deux autres fleuves.
Pour peu quâon admette la réalité historique du récit, on est obligé de chercher lâemplacement du paradis dans la région des deux fleuves connus, le Tigre et lâEuphrate. Plusieurs croient le trouver dans la contrée où ils prennent leurs sources, sur le plateau arménien, non loin de la ville actuelle dâErzeroum.
La source orientale de lâEuphrate et la source occidentale du Tigre sont très rapprochées (environ deux mille pas) et dans la même contrée naissent deux autres fleuves, le Kour et lâAraxe, qui coulent vers le nord, puis à lâest et qui se réunissent avant de se jeter dans la mer Caspienneâ¯; ce sont ces derniers fleuves qui dans notre récit porteraient les noms de Pischon et de Guihon.
Le pays de Havila, arrosé par le Pischon (Kour), serait la Colchide des Grecs, dont la frontière orientale était voisine de ce fleuveâ¯; lâon sait que cette contrée était célèbre par lâor quâon venait y chercher de loin.
Quant au pays de Cusch, ce serait la contrée nommée par les Grecs Cossaia, sur le versant nord du plateau dâArménie.
Dâautres partisans de cette explication voient dans le Pischon le Phasis des anciens, qui, après avoir arrosé la Colchide se jette dans la mer Noire.
Mais plusieurs objections décisives sâélèvent contre cette hypothèse. Malgré leur proximité, les sources de ces fleuves sont distinctes et séparées par des montagnes assez élevées. tandis que, dâaprès le récit biblique, ils devraient provenir dâun seul fleuve divisé en quatre bras.
On répond et câétait déjà la pensée de Luther, que le déluge a pu changer la configuration de cette contrée. Mais lâauteur ne parle pas dâun passé qui nâexiste plusâ¯; il a évidemment la prétention de décrire en ce point ce qui existe encore. Il sâexprime de manière à faire comprendre que dans le temps même où il écrit on va chercher à Havila lâor, le bdellium et la pierre de schoham.
Puis, si la contrée du paradis était privée de pluie, comme le dit le récit, elle ne saurait être lâArménie dâoù sortaient ces immenses cours dâeau.
En troisième lieu, lâidentification du Pischon et du Guihon avec le Kour et lâAraxe, puis des pays de Havila et de Cusch avec la Colchide et le pays des Cosséens, est très arbitraire. Havila et Cusch en particulier sont des noms trop usités dans lâAncien Testament pour quâil soit possible de les appliquer à des contrées aussi éloignées et aussi peu connues des Hébreux.
Quant au Phasis, il nâest pas possible dây penser, puisquâil prend sa source dans le Caucase. Enfin pour les Hébreux lâArménie était au septentrion et non pas à lâorient.
Une autre opinion essaie de placer le paradis près de lâembouchure des deux fleuves mésopotamiens dans le golfe Persique. Calvin et plusieurs savants après lui ont vu dans le fleuve unique le Schat-el-Arab et dans les quatre bras (têtes) lâEuphrate et le Tigre, qui se réunissent pour le former et deux embouchures par lesquelles il se déverse dans le golfe Persique.
Cette manière de voir a été modifiée par un savant moderne (Histoire et géographie des temps primitifs, par Pressel), qui a supposé que lâexpression raschim désignait les quatre affluents du Schat-el-Arah. Lâauteur, dans sa description, remonterait le cours du fleuve, au lieu de le descendre. En montant le Schat-el-Arab, après avoir traversé lâendroit où était le paradis, on arriverait successivement aux quatre fleuves qui contribuent à le formerâ¯: lâEuphrate, le Tigre et deux affluents venant des montagnes dâElam, à lâest, le Kerkha (Ulaï des anciens) et le Kuran. Peut-être vaudrait-il mieux supposer, dans cette hypothèse, que les deux derniers étaient lâUlaï venant de lâest et un affluent de lâEuphrate venant de lâArabie centrale dont le lit desséché a été retrouvé depuis peu.
Mais les terrains dâalluvions que traverse le Schat-el-Arab sont de formation assez récente et jusquâau temps dâAlexandre le Grand les quatre fleuves avaient encore des embouchures distinctes. Puis le caractère marécageux de ces plaines ne convient guère à lâidée que nous nous faisons du paradis. Enfin il est bien difficile de concilier cette opinion avec le texte biblique, qui suit évidemment le cours du fleuve en le descendant, non en le remontant.
Une autre hypothèse beaucoup plus probable a été récemment présentée et développée par M. Friedrich Delitzsch, dans son ouvrageâ¯: Wo lag das Paradies (Où était situé le paradisâ¯?) Ce ne serait pas à la source des deux fleuves, ni à leur embouchure, mais dans leur cours moyen quâil faudrait placer le paradis. Vers le milieu de la grande plaine quâils arrosent du nord-ouest au sud-est, ils se rapprochent à tel point quâil ne reste plus entre eux quâun espace de sept à huit lieues.
Câest là quâest aujourdâhui la ville de Bagdad. Un peu au-dessous se trouvait Babylone. Le pays qui sâétend depuis cette espèce dâisthme jusquâau sud de Babylone, porte dans les inscriptions assyriennes le nom de Kardounias, jardin du dieu des pays. Les anciens nous en ont laissé des descriptions ravissantes. Des forêts de palmiers bordaient le cours des deux fleuves et les accompagnaient jusquâà la merâ¯; le blé y rapportait trois cents pour unâ¯; la vigne et les arbres à fruits de toute nature y foisonnaient.
Un fait digne de remarque, câest que le nom le plus ancien de Babylone, Tintira, signifie bosquet de la vie. Cette fertilité exceptionnelle était due à tout un système dâirrigation provenant de lâEuphrate, car en cet endroit le lit de ce fleuve est plus élevé que celui du Tigre. Ce serait là quâaurait été situé le jardinâ¯; et la contrée tout entière (haute et basse Mésopotamie) aurait porté le nom dâEdin, qui en assyrien signifie plaine. Les Hébreux lâauraient changé en Ãden, mot qui dans leur langue signifiait délices.
LâEuphrate serait donc le fleuve sortant dâÃden pour arroser le jardin. Quant aux quatre bras, il faudrait les envisager comme étant quatre branches de lâEuphrate lui-même qui se serait divisé en ce point-là , de même que le Nil au commencement du Delta. Le bras le plus considérable est la continuation naturelle du fleuve principal et garde le nom dâEuphrate. Dâentre les trois autres deux seraient les principaux dâentre les nombreux canaux provenant de lâEuphrate dont on trouve des traces dans toute la contrée.
Lâun était appelé par les anciens Pallakopasâ¯; il se détachait de lâEuphrate sur sa rive droite (occidentale), un peu au-dessus de Babyloneâ¯; il longeait le désert dâArabie, lâancienne Havila et allait se jeter dans le golfe Persique à lâouest de lâembouchure du Schat-el-Arab. Il est très vraisemblable que ce canal, qui avait les dimensions dâun fleuve navigable, nâa pas été creusé de main dâhomme, mais que câest un bras naturel de lâEuphrate, qui servait à régler lâélévation des eaux de ce fleuve et à mettre ce pays de plaine à lâabri des inondations.
Par sa position, ce cours dâeau répond donc de tous points au Pischon du texte biblique. Il est à remarquer que le nom hébreu Pischon a une grande analogie avec le mot babylonien pisanou, qui désigne dans les inscriptions un réservoir dâeau et de là un canal. Il serait possible que, de même que le fleuve principal de la Babylonie sâappelait le fleuve (Purat), le canal principal fût nommé tout court le canal (Pisanou).
Lâautre canal, qui se détachait de lâEuphrate sur la rive gauche (orientale) et qui devait aussi être un bras naturel de ce fleuve, a reçu des Arabes le nom de Schat-en-Nil. Il arrosait toute la Mésopotamie inférieure (lâancien Cusch asiatique) et rejoignait lâEuphrate un peu au-dessus des son embouchure. Ce canal aujourdâhui comblé ne peut être que celui quâon trouve plusieurs fois mentionné dans les inscriptions à côté de lâEuphrate et du Tigre sous le nom de Gouhandi ou Gouhâna, le même mot que lâhébreu Guihon. En effet, la contrée désignée dans les inscriptions comme bassin de ce bras de lâEuphrate est la même que celle que traverse le Schat-en-Nil.
Quant au Tigre, il peut paraître étonnant quâil soit indiqué comme un bras de lâEuphrate. Mais à un certain point de vue il lâest bien réellement, car il reçoit par des canaux une partie des eaux de lâEuphrate dont le lit, comme nous lâavons vu, est plus élevé que celui du Tigre dans cette région. Depuis ce point le Tigre peut donc être envisagé comme un cours dâeau provenant de lâEuphrate et le Tigre supérieur comme un affluent de ce Tigre inférieur.
Ajoutons que, il y quelques années, un savant de Prague a cru pouvoir affirmer, en se basant sur des mesures trigonométriques faites sur les lieux, que, dans les temps préhistoriques, lâEuphrate et le Tigre devaient se réunir et former un seul fleuve au-dessus de Bagdad, pour se séparer de nouveau plus bas. Si cette supposition est un jour prouvée, elle rendra plus simple encore la solution du problème.