Le dernier effort de lâÃternel pour sauver son peuple déjà voué à la destruction.
Les trois premiers versets décrivent dâune manière figurée et dramatique ce qui résultera de lâinsuccès de cette tentative suprême. Ce sera la destruction de tout le pays. On est frappé du contraste complet de ton entre ce préambule et le tableau précédent, qui ne renfermait que victoires et bénédictions. Câest que, dans ce qui précède, le décret divin en faveur de Juda restauré avait été présenté sans faire entrevoir encore la possibilité dâun conflit nouveau entre la conduite du peuple et lâaccomplissement des promesses divinesâ¯; mais Zacharie se serait mis en opposition avec toutes les prophéties antérieures (comparez, par exemple, Ãsaïe 53.1â¯; Ãsaïe 65.1-2) et avec lui-même (comparez chapitre 5, les visions du rouleau volant et de lâépha), sâil nâavait prévu cette dissonance terrible dans la réalisation des destinées de Juda et ne lui avait donné sa place dans ce tableau. Lâentrée en matière a lieu dâune manière brusqueâ¯; câest comme une vue subite qui saisit le prophète, après ces glorieux tableaux de lâavenir.
Le rejet du Messie, cause dâune nouvelle ruine dâIsraël.
Ouvre tes portes, Liban. On croirait au premier coup dâÅil que le Liban est désigné ici comme la porte du pays dâIsraël du côté du nord et que le prophète annonce ainsi une invasion arrivant de ce côté-là et qui doit, avant tout, frapper le pays des dix tribusâ¯; mais la suite prouve que le Liban est nommé ici comme le symbole de tout ce quâil y a de plus élevé dans le peuple entier, en particulier la capitale, Jérusalem et même, comme lâont pensé les anciens interprètes juifs, le temple. Le palais de Salomon sur Sion avait reçu le nom de maison de la forêt du Liban, à cause de lâabondance de bois de cèdre qui y avait été employée (1 Rois 7.2â¯; comparez Jérémie 22.23, où les habitants de Sion sont appelés ceux qui habitent dans le Liban.
Cèdres⦠cyprès. Après les cèdres, qui sont les arbres les plus majestueux du Liban, sont nommés les cyprès, puis les arbres magnifiques, tous les grands arbres en dehors de ceux qui sont nommés ici et les chênes de Basanâ¯: autant de symboles des différentes classes du peuple qui, toutes, doivent subir les effets terribles du châtiment divin.
La forêt impénétrable. Cette image désigne le peuple entier qui était impénétrable à lâennemi tant que Dieu lui servait de rempart.
Le prophète applique la menace de la désolation aux campagnes et aux rives du Jourdain.
Ce qui était la gloire des bergersâ¯: les pâturages abondants où ils conduisaient leurs troupeaux.
Lâorgueil du Jourdain. On traduit aussi la parure du Jourdain. Ce fleuve coule dans un enfoncement qui forme dans toute la grande vallée comme un sillon profond allant du nord au sud, du lac de Génésareth à la mer Morte. Cette espèce de rainure est couverte, sur ses deux pentes, dâune magnifique végétation, de sorte que, depuis les hauteurs qui dominent la plaine, le cours du fleuve produit lâeffet dâune bande verte qui la coupe en deux dans sa longueurâ¯; câest là ce que les prophètes appellent lâorgueil du Jourdain. Ce taillis est habité par les animaux férocesâ¯; il lâétait même autrefois par des lions (Jérémie 12.5â¯; Jérémie 50.44). Il nâest pas impossible que, par les lionceaux, Zacharie veuille désigner ici les princes de la maison royale et les puissants du pays.
Câest le prophète qui parleâ¯: le mot, mon Dieu indique lâintimité de sa relation avec lâÃternel qui lui confie cette mission.
Fais paître les brebis à tuer. Israël ressemble à un troupeau qui court à la mort et le prophète doit chercher, par un dernier effort, à lâarracher au sort qui le menace en le conduisant dans un pâturage abondant et sûr. Les brebis à tuer expriment ici la même chose quâaux versets 1 et 2 les cèdres, cyprès, etc. Comme tous ces arbres étaient destinés à être abattus, ainsi les brebis le sont à périr.
Acheteurs et vendeursâ¯: les conquérants étrangers qui massacrent le peuple et en font trafic sans encourir aucune responsabilité et en se réjouissant de leurs bénéfices. Il est bien évident que, sâil en est ainsi, câest que Dieu sâest déjà retiré de son peuple et lâa livré à leur bon plaisir. Le prophète semble faire allusion à Jérémie 2.3â¯: Israël était un peuple consacré au Seigneur, les prémices de son revenuâ¯; quiconque en mangeait se rendait coupableâ¯; le malheur fondait sur lui, dit lâÃternel.
Câétait là lâétat original et normal, maintenant passé.
Carâ¯: Car, si tu ne réussis pas, il ne me restera plus quâà livrer ce troupeau au sort quâil sâest préparé. Câest donc ici le suprême effort de la grâce divine.
Les habitants du pays. Tout le peuple de Dieu périra par deux causesâ¯:
Ils écraserontâ¯: ce conquérant avec son armée désolera le pays et détruira le peuple.
Et aussi les plus misérables. On envisage souvent ces mots comme désignant tout le troupeau à paître, qui ne comprendrait ainsi que des brebis misérables, cette épithète se rapportant non à leur état actuel, mais au sort qui les menace, verset 4â¯: brebis à tuerâ¯; ce qui fait que lâon traduit aussiâ¯: le plus misérable des troupeaux. Mais le verset 11 montre bien que les brebis misérables ne désignent quâune partie du troupeau, celles qui regardèrent avec foi au berger de lâÃternel, tandis que la grande masse des brebis était dégoûtée de lui et le rejetait. Le mot laken, rendu par aussi, signifie proprement en conséquence. En prenant sous sa garde tout le troupeau, il veillait, en conséquence, aussi sur celles dont on aurait été tenté de ne faire aucun cas, tant elles avaient chétive apparence.
Et je pris deux houlettes. Comme deux dangers menacent le peuple (verset 6), le prophète prend deux houlettes pour les écarter. La première houlette, Faveur, représente la grâce divine protégeant le peuple et tenant encore à distance le conquérant étrangerâ¯; la seconde, Liens, représente lâunion intérieure qui fait la force.
Et je retranchai les trois bergers en un seul mois. Lâarticle les montre quâil sâagit de trois bergers connus qui sont déjà là , présents par conséquentâ¯; ce sont eux qui paissent le troupeau et le berger de Jéhova vient prendre leur place. Durant un mois, il paît le troupeau, tout en destituant les bergers précédents qui, sans doute, sâopposaient à lâaccomplissement de son office.
Et je perdis patience avec eux et eux aussi sâétaient lassés. Après ce mois dâépreuve, lâexpérience est faiteâ¯: Israël ne se laisse pas rassembler (Ãsaïe 49.5) et le berger se décide à renoncer à son emploi. On pourrait rapporter le mot eux aux trois bergers, en admettant que la suite indique la raison pour laquelle le berger les a retranchésâ¯; mais ce retour en arrière nâest pas naturelâ¯; le eux aussi doit être rapporté au gros du troupeau qui était aussi dégoûté du berger que le berger en était las. Le pluriel masculin eux aussi sâexplique par un passage de lâimage à la réalité. Sans doute Dieu avait déjà livré le peuple aux puissances étrangères (verset 4), mais non pas encore pour le détruire. Câest cette permission quâil donne maintenant.
Et je dis. En renonçant à sa charge, le berger sait quâil livre le troupeau à son sort. La première proposition se rapporte à la portion du troupeau qui périra par lâinvasion ennemieâ¯; la seconde, à celle qui disparaîtra du pays, emmenée en captivité, la troisième, à la portion qui restera pour se détruire elle-même.
Cette sentence de mort est suivie dâun premier acte qui la rend sensible aux yeux du peupleâ¯: le brisement, de la houlette Faveur, représentant la protection divine.
Lâalliance que jâavais faite avec tous les peuples. Le prophète représente comme un contrat que lâÃternel avait conclu avec les nations la défense quâil leur avait faite de toucher à son peuple, aussi longtemps que celui-ci lui resterait, fidèle (Jérémie 2.3).
Elle fut brisée. Le prophète relève ce fait avec solennité, car la barrière est maintenant levée et le torrent des armées ennemies va se précipiter.
Et ainsi les plus misérables. Tandis que tout le reste du troupeau demeure dans lâaveuglement, sans se douter de ce qui se passe, les brebis qui ont le sentiment de leur péché et de celui du peuple, ceux qui, comme le dit Ãzéchiel 9.4, gémissent et soupirent à cause de toutes les abominations qui se commettent, celles-là discernent, dans lâabandon que fait le prophète de son emploi le signal que Dieu donne lui-même de la destruction imminente.
Et je leur dis. Le berger veut encore donner au peuple lâoccasion dâexprimer, par un fait significatif, le cas quâil fait de ce dernier effort tenté par son Dieu pour le sauver. Il faut que le sentiment sâaffirme par un acte pour que la culpabilité du peuple soit pleinement constaté.
Et ils pesèrent. Câest lâacte du troupeau tout entier représenté par ceux qui agissent en son nom. Ils pesèrent, soit parce quâun certain poids de métal précieux devait remplacer lâargent monnayé, soit pour vérifier le poids légal des pièces monnayées.
Trente sicles dâargentâ¯: Câétait le prix dâun esclaveâ¯; car dâaprès Exode 21.32, câétait là le montant de la somme par laquelle on devait dédommager le propriétaire dâun esclave dont on avait causé la mort. Ainsi, le travail de lâÃternel en la personne de son envoyé, apprécié à la valeur du travail dâun esclaveâ¯! On a supposé parfois que ces trente pièces dâargent correspondaient aux trente jours du mois (verset 8)â¯; mais ce dernier passage ne dit pas que le berger nâait fait paître le troupeau que pendant trente jours et dâailleurs, si lâon demeure dans lâimage, le salaire nâaurait pas été si méprisable.
Et je les jetai dans la maison de lâÃternel. Ce nâétait donc pas dans le royaume des dix tribus que se passait cette scène, mais à Jérusalem. La tentative du berger se rapportait au peuple entier, tel quâil existait alors. Le prophète, par cet acte, rend à lâÃternel ce qui lui revient, car il nâavait fait lui-même quâexécuter lâordre de Dieuâ¯; câétait Dieu lui-même qui avait agi par lui. Aussi lâÃternel lui dit-ilâ¯: Le prix auquel jâai été estimé. Le prophète est là comme représentant de lâÃternel et câest comme tel quâil est taxé par le peuple. Ce dernier acte est lâexpression suprême du mépris avec lequel le peuple élu a constamment répondu, dans la majeure partie de ses membres, aux avances miséricordieuses dont il a été lâobjet.
Au potier. Il est évident que ce potier avait son atelier dans lâentourage du temple ou même peut-être dans le parvis. Comme on usait de beaucoup de vases de terre dans les cérémonies du culte, il y avait sans doute un potier établi en permanence en cet endroit. LâÃternel faisait cadeau à cet artisan de la somme à laquelle son travail avait été taxé.
Plusieurs interprètes ont cru ne pas pouvoir obtenir un sens convenable en maintenant le texte transmis et, par le changement dâune voyelle et dâune consonne, ont transformé le mot de potier en celui de trésorâ¯: Je les jetai dans la maison de lâÃternel au trésor. Mais ce changement de lettre est arbitraire, et le sens qui en résulte convient beaucoup moins bienâ¯; car lâÃternel ne voudrait certainement pas faire entrer dans le trésor de sa maison un pareil argent et il est bien plus significatif quâil en fasse cadeau à un pauvre ouvrier. Câest rendre mépris pour mépris.
Le verset 13 est cité Matthieu 27.9 comme se trouvant dans le livre de Jérémie. Tous les essais de résoudre cette différence ayant échoué, il faut admettre quâil y a ici ou une erreur de mémoire de lâévangéliste ou une négligence de lâun des plus anciens copistes de lâévangile. Il nây a pas lieu de sâétonner de la différence entre le mode de lâaccomplissement historique (le salaire de Judas employé à acheter un champ appartenant au potier établi dans la vallée au-dessous du temple) et le trait correspondant de la scène prophétique (lâargent jeté au potier).
Après avoir rompu la relation entre le peuple et son Dieu, le prophète rompt celle qui unissait les deux grandes parties du peuple. Que lâon place le prophète avant ou après la captivité, on a peine à comprendre le sens de ces mots. Dans le premier cas, la fraternité entre les deux royaumes nâétait-elle pas rompue depuis le jour de leur séparation sous Roboam, lorsque les dix tribus du nord avaient abandonné la houlette des rois de Juda pour se placer sous le sceptre dâautres dynastiesâ¯? Dans le second cas, on se demande si une partie assez considérable du peuple des dix tribus était revenue dans la patrie pour quâil pût être question dâune rupture entre elle et ceux qui étaient rentrés de Juda (voir plus bas lâapplication de la scène).
à cette première scène en succède une seconde, en relation étroite avec la précédente. Une place reste vide, après que les trois bergers antérieurs ont été retranchés et que le berger envoyé par lâÃternel a abdiqué. Le prophète nous montre maintenant comment cette place sera remplie.
LâÃternel me ditâ¯: Prends⦠LâÃternel, comme berger, sâest retiré de son peupleâ¯; mais câest encore lui, pourtant, qui dispose du sort des brebis.
Dans lâordre du verset 4â¯: Pais les brebis à tuer, était implicitement contenu pour celui à qui il était adressé, lâordre de se revêtir du costume et de prendre les instruments dont se sert un berger intelligent et fidèle. Câest à cet ordre implicite que se rapporte le mot encore. Le prophète doit, après avoir joué le rôle dâun berger fidèle, jouer celui dâun mauvais berger et, par conséquent, prendre en main des instruments impropres a lâoffice dâun vrai berger, par exemple une houlette incapable de servir.
Un mauvais berger. Le mot hébreu désigne un berger sans conscience, un étourdi. Le terme insensé, par lequel on traduit ordinairement, ne rendrait pas exactement cette nuance.
La description de la conduite de ce nouveau berger est opposée à la conduite du berger de lâÃternel tandis quâil paissait le troupeau. Elle caractérise ici, comme Jérémie 23.1-2â¯; Ãzéchiel 34.1-10, la conduite des chefs égoïstes du peuple qui ne sâoccupent que de leurs propres intérêts et qui exploitent à leur profit le troupeau qui leur est confié.
Et fendra leur sabotâ¯: pour exploiter jusquâà la dernière parcelle de substance nutritive qui peut se trouver dans ses victimes.
Au berger qui abandonne. Ce nâest pas ici une idée toute nouvelle, celle dâun berger qui sâenfuirait loin du troupeau. Abandonner signifie nâavoir pas soin de. Comme il traite le troupeau, il sera traité lui-mêmeâ¯; il le laisse dépérir, il dépérira par la malédiction divine, il traînera une vie malheureuse. Nous avons traduit par le dépérissement le mot chéreb quâon traduit ordinairement par lâépéeâ¯; lâimage de lâépée ne convient point pour expliquer le dessèchement des membres. Ce terme se retrouve Deutéronome 28.22, très probablement dans le sens que nous lui donnons ici et qui est habituellement celui quâexprime le mot très voisin choreb, de charab, être sec, aride.
Observons dâabord que cette scène nâest point donnée expressément, pour une vision. Elle nâest pas présentée non plus comme devant être réalisée extérieurement, ainsi que celle du couronnement de Jéhosua, au chapitre 6. Elle a un caractère intermédiaireâ¯: câest un tableau allégorique dans le genre de ceux dâOsée chapitres 1 et 2, ou de Jean chapitre 10. Le prophète exprime, sous une forme symbolique, la relation entre Dieu et son peuple au moment en vue duquel il parle, afin de rendre la pensée plus saisissante pour le cÅur des auditeurs.
La question est de savoir sâil veut, par ce tableau, décrire des événements déjà accomplis et dont il annoncerait les désastreuses conséquences dans un prochain avenir, ou sâil a en vue, dans le tableau tout entier, un événement futur auquel aboutira lâhistoire dâIsraël rétabli après lâexil.
Voici lâexplication que lâon donne au premier point de vue. Câétaient les derniers temps du royaume des dix tribus, à peu près la même époque que celle où Osée prophétisa. Le royaume du nord était livré aux discordes civiles et à lâanarchie et déjà à demi conquis par lâAssyrie. Un prophète qui nous est inconnu se sent appelé de lâÃternel, avant que le coup fatal frappe le peuple à faire un dernier effort pour le sauver. Pendant un certain temps, il travaille avec zèle dans ce sensâ¯; mais les plus pauvres du peuple seulement se laissent émouvoir, la masse de la nation ne lui témoigne quâindifférence et dégoût. Pendant cette période très courte, trois souverains sont successivement renversés. Ce pourraient être Zacharie, Sallum et Ménahem, qui se succédèrent rapidementâ¯; ou bien, comme lâespace dâun mois est absolument insuffisant pour y faire rentrer ces trois règnes, on pourrait penser à des prétendants inconnus régnant chacun sur une partie du pays, puis renversés dans ce court espace de temps. Le prophète, nâayant point réussi à ramener le peuple des dix tribus sous la domination de lâÃternel, abandonne sa mission et y met fin solennellement, en avertissant le peuple et en lui déclarant que la conséquence de cet abandon sera de le livrer à lâennemi étranger qui le menace. Le trait du salaire payé ne se rapporte à aucun fait extérieur réelâ¯;il exprime dramatiquement un fait dâordre spirituel, lâingratitude dâÃphraïm envers lâÃternel. La rupture de la houlette Liens indique quâÃphraïm va être définitivement retranché et que Juda va exister seul, étranger désormais à Ãphraïm dispersé. Le mauvais berger, auquel est livré Ãphraïm, est lâun des derniers rois dâIsraël, peut-être Pékach.
Cette explication, si répandue quâelle soit aujourdâhui, nous paraît se heurter à tous les traits du tableau, ce qui serait dâautant plus étrange que, dâaprès ses partisans, le tableau ainsi appliqué serait de lâhistoire, non de la prophétie.
Lâautre mode dâinterprétation qui applique ce tableau à lâavenir de Juda restauré, se présente sous deux formes. Voici la première, déjà esquissée par Calvin. Depuis la captivité, le peuple avait été livré aux puissances étrangères qui avaient disposé de lui selon leur caprice. Jéhova veut maintenant reprendre le gouvernement de son peuple. Il commence par destituer les trois monarchies babylonienne, persane et grecque, et cela, en un mois, parce que chacune succède immédiatement à lâautre après les dix jours représentant le temps de suprématie qui lui est accordé. Lâoffice du berger représente toute la conduite de Dieu à lâégard du peuple restauré, durant lâépoque du second temple, y compris le ministère de Jésus-Christ. Le salaire accordé aurait dû être la foi, lâamour et lâobéissance du peuple et a été, en réalité, son ingratitude et sa rébellion constante. Le brisement de la première houlette Faveur représente la permission accordée de nouveau aux puissances étrangères (les Romains) dâenvahir Israël. La rupture de la seconde houlette se rapporte à lâapparition des nombreux partis, qui suivit, en Israël, le rejet de Jésus-Christ et prépara la ruine du peuple. Le mauvais berger du verset 16 désigne la puissance terrestre aux mains de laquelle Israël a été désormais livré pour avoir repoussé son Dieu dans la personne du Messie.
Il y a là , on ne saurait le nier, une intuition grandiose qui contraste avec le caractère mesquin de lâexplication précédente et qui convient à la grandeur imposante du tableau prophétique. Cependant, cette explication ne nous paraît pas non plus admissible.
Nous pensons quâil faut rattacher le tableau qui termine ce cycle à celui par lequel il a été ouvertâ¯: lâannonce du Roi juste, monté sur lâânon, qui fait son entrée à Jérusalem pour sauver Juda. Voilà le personnage que contemple Zacharie, non plus au moment de sa venue, mais dans lâexercice de son office. Juda restauré est semblable à un troupeau qui court à la ruine et que lâÃternel cherche à sauver par un suprême effort. Il a passé successivement des mains des Babyloniens à celles des Persesâ¯; des mains des Perses à celles des Grecs (Javan, chapitre 10)â¯; de celles-ci à celles dâautres peuples orientaux. Il est maintenant soumis à un conquérant et divisé dans son propre sein (11.6). Le Christ commence son Åuvreâ¯; il cherche à ramener sur lui la faveur divine et dans son sein lâamour mutuel. Mais il rencontre des adversaires (les autorités existantes) quâil est obligé de mettre de côté pour se substituer à eux et sâapproprier lui-même leurs charges dont ils ne sont pas dignesâ¯: ce sont ceux que Jérémie (chapitre 23) avait appelés les bergers dâIsraël, avant tout ses autorités politiques, puis les sacrificateurs et les faux prophètes, en observant seulement quâà lâépoque de Jésus, ces derniers ne se présentaient plus sous la même forme quâau temps de Jérémieâ¯; câétaient les docteurs de la loi. Le Messie devient lui-même le prophète, le sacrificateur et le roi de la partie du troupeau qui sâattache à lui et qui doit continuer le développement du règne de Dieu et il rejette ces anciens bergers avec la masse du troupeau qui continue à les suivre. Lâexpression durant un mois doit sâexpliquer non dâaprès lâaccomplissement historique, mais dâaprès lâimage totale du tableau symboliqueâ¯; dans ce tableau, la tentative du berger pour sauver le troupeau dure environ un mois, ce qui est suffisant pour un essai pareil. Ce mois représente, dans lâaccomplissement, tout le temps quâa duré la dernière tentative faite par lâÃternel pour sauver son peuple par le moyen du Messie. Dans la scène du salaire payé, il ne faut pas chercher une concordance exacte entre le tableau prophétique et lâhistoireâ¯; dans la prophétie, ce nâest point un traître qui vend à vil prix le berger à ses ennemisâ¯; câest le troupeau et ses bergers qui taxent indignement le travail du serviteur de lâÃternel. Mais entre le tableau prophétique et la scène réelle, il y a cette relationâ¯: que, dans les deux cas, la somme dâargent représente la valeur à laquelle sont taxées la personne et lâÅuvre du berger. Le fait que Juda jette cet argent dans le temple correspond littéralement au don que fait le berger au potier. Mais il faut observer ici, comme nous lâavons fait à lâoccasion de lâentrée du Messie sur lâânon, au chapitre 9, que ce nâest pas dans cette coïncidence matérielle que consiste lâaccomplissement de la prophétieâ¯; câest dans le sentiment de dégoût que fait naître, dans les deux cas, là dans le cÅur de lâÃternel, ici chez les membres du Sanhédrin eux-mêmes, cette somme dâargent. Le brisement de la houlette Liens ne peut désigner proprement une rupture entre Juda et Israël, car les membres du royaume des dix tribus nâétaient revenus de lâexil quâen petite partie et sâétaient fondus avec ceux de la tribu de Juda. Câest une nouvelle séparation au sein même du peuple restauré que contemple le prophète, séparation analogue à celle qui se forma autrefois entre Juda et Israël, lorsque celui-là resta fidèle à la famille de David et que celui-ci rejeta cette souveraineté légitime. à lâoccasion de la venue du Messie et de son rejet par lâensemble de la nation, Zacharie voit se former dans le sein du peuple une rupture entre la portion qui sâattache au nouveau David et lui reste fidèle (les humbles du troupeau) et la masse qui rompt avec lui et suit désormais ses propres voiesâ¯; cette dernière est livrée à un mauvais berger. Ce berger, ce ne sont pas les Romains, puisque les bergers figurent plutôt les autorités indigènes, mais ce sont de nouveaux pasteurs sous la conduite desquels Israël va vivre désormais, après avoir repoussé celui que Dieu lui avait donné. En se représentant le ministère légal sous lequel a vécu et vit encore Israël, on comprend les images de dépérissement et de dessèchement et lâopposition totale établie dans le verset 16 entre lâoffice de ces bergers-là et le tendre et miséricordieux office du Christ au sein de son Ãglise.
Nous comprendrions que lâon trouvât cette vue, si distincte et si complète, trop surnaturelle, si un tel tableau était isolé dans lâensemble des révélations prophétiquesâ¯; mais quand on se rappelle, dans notre prophète même, le tableau de lâentrée du Messie, chapitre 9, celui du couronnement royal du souverain sacrificateur, chapitre 6, celui du Messie accomplissant en un seul jour le grand sacrifice dâexpiation, chapitre 3â¯; quand on pense aux chapitres 49 et 53 dâÃsaïe, aux Psaumes 22 et 110 et à tant dâautres tableaux messianiques, cette objection ne saurait en être une, à moins quâon ne soit résolu à dire, par un raisonnement plus dogmatique quâexégétiqueâ¯: Cela ne peut pas être, donc cela nâest pas.
versets 1-17
Plan du commentaire biblique de Zacharie 11
Le dernier effort de lâÃternel pour sauver son peuple déjà voué à la destruction.
Les trois premiers versets décrivent dâune manière figurée et dramatique ce qui résultera de lâinsuccès de cette tentative suprême. Ce sera la destruction de tout le pays. On est frappé du contraste complet de ton entre ce préambule et le tableau précédent, qui ne renfermait que victoires et bénédictions. Câest que, dans ce qui précède, le décret divin en faveur de Juda restauré avait été présenté sans faire entrevoir encore la possibilité dâun conflit nouveau entre la conduite du peuple et lâaccomplissement des promesses divinesâ¯; mais Zacharie se serait mis en opposition avec toutes les prophéties antérieures (comparez, par exemple, Ãsaïe 53.1â¯; Ãsaïe 65.1-2) et avec lui-même (comparez chapitre 5, les visions du rouleau volant et de lâépha), sâil nâavait prévu cette dissonance terrible dans la réalisation des destinées de Juda et ne lui avait donné sa place dans ce tableau. Lâentrée en matière a lieu dâune manière brusqueâ¯; câest comme une vue subite qui saisit le prophète, après ces glorieux tableaux de lâavenir.
Verset 1
Le rejet du Messie, cause dâune nouvelle ruine dâIsraël.
Ouvre tes portes, Liban. On croirait au premier coup dâÅil que le Liban est désigné ici comme la porte du pays dâIsraël du côté du nord et que le prophète annonce ainsi une invasion arrivant de ce côté-là et qui doit, avant tout, frapper le pays des dix tribusâ¯; mais la suite prouve que le Liban est nommé ici comme le symbole de tout ce quâil y a de plus élevé dans le peuple entier, en particulier la capitale, Jérusalem et même, comme lâont pensé les anciens interprètes juifs, le temple. Le palais de Salomon sur Sion avait reçu le nom de maison de la forêt du Liban, à cause de lâabondance de bois de cèdre qui y avait été employée (1 Rois 7.2â¯; comparez Jérémie 22.23, où les habitants de Sion sont appelés ceux qui habitent dans le Liban.
Verset 2
Cèdres⦠cyprès. Après les cèdres, qui sont les arbres les plus majestueux du Liban, sont nommés les cyprès, puis les arbres magnifiques, tous les grands arbres en dehors de ceux qui sont nommés ici et les chênes de Basanâ¯: autant de symboles des différentes classes du peuple qui, toutes, doivent subir les effets terribles du châtiment divin.
La forêt impénétrable. Cette image désigne le peuple entier qui était impénétrable à lâennemi tant que Dieu lui servait de rempart.
Verset 3
Le prophète applique la menace de la désolation aux campagnes et aux rives du Jourdain.
Ce qui était la gloire des bergersâ¯: les pâturages abondants où ils conduisaient leurs troupeaux.
Lâorgueil du Jourdain. On traduit aussi la parure du Jourdain. Ce fleuve coule dans un enfoncement qui forme dans toute la grande vallée comme un sillon profond allant du nord au sud, du lac de Génésareth à la mer Morte. Cette espèce de rainure est couverte, sur ses deux pentes, dâune magnifique végétation, de sorte que, depuis les hauteurs qui dominent la plaine, le cours du fleuve produit lâeffet dâune bande verte qui la coupe en deux dans sa longueurâ¯; câest là ce que les prophètes appellent lâorgueil du Jourdain. Ce taillis est habité par les animaux férocesâ¯; il lâétait même autrefois par des lions (Jérémie 12.5â¯; Jérémie 50.44). Il nâest pas impossible que, par les lionceaux, Zacharie veuille désigner ici les princes de la maison royale et les puissants du pays.
Verset 4
Le forfait suprême du peuple qui amènera la destruction ainsi annoncée (4-14)
Câest le prophète qui parleâ¯: le mot, mon Dieu indique lâintimité de sa relation avec lâÃternel qui lui confie cette mission.
Fais paître les brebis à tuer. Israël ressemble à un troupeau qui court à la mort et le prophète doit chercher, par un dernier effort, à lâarracher au sort qui le menace en le conduisant dans un pâturage abondant et sûr. Les brebis à tuer expriment ici la même chose quâaux versets 1 et 2 les cèdres, cyprès, etc. Comme tous ces arbres étaient destinés à être abattus, ainsi les brebis le sont à périr.
Acheteurs et vendeursâ¯: les conquérants étrangers qui massacrent le peuple et en font trafic sans encourir aucune responsabilité et en se réjouissant de leurs bénéfices. Il est bien évident que, sâil en est ainsi, câest que Dieu sâest déjà retiré de son peuple et lâa livré à leur bon plaisir. Le prophète semble faire allusion à Jérémie 2.3â¯: Israël était un peuple consacré au Seigneur, les prémices de son revenuâ¯; quiconque en mangeait se rendait coupableâ¯; le malheur fondait sur lui, dit lâÃternel.
Câétait là lâétat original et normal, maintenant passé.
Verset 6
Carâ¯: Car, si tu ne réussis pas, il ne me restera plus quâà livrer ce troupeau au sort quâil sâest préparé. Câest donc ici le suprême effort de la grâce divine.
Les habitants du pays. Tout le peuple de Dieu périra par deux causesâ¯:
Ils écraserontâ¯: ce conquérant avec son armée désolera le pays et détruira le peuple.
Verset 7
Et aussi les plus misérables. On envisage souvent ces mots comme désignant tout le troupeau à paître, qui ne comprendrait ainsi que des brebis misérables, cette épithète se rapportant non à leur état actuel, mais au sort qui les menace, verset 4â¯: brebis à tuerâ¯; ce qui fait que lâon traduit aussiâ¯: le plus misérable des troupeaux. Mais le verset 11 montre bien que les brebis misérables ne désignent quâune partie du troupeau, celles qui regardèrent avec foi au berger de lâÃternel, tandis que la grande masse des brebis était dégoûtée de lui et le rejetait. Le mot laken, rendu par aussi, signifie proprement en conséquence. En prenant sous sa garde tout le troupeau, il veillait, en conséquence, aussi sur celles dont on aurait été tenté de ne faire aucun cas, tant elles avaient chétive apparence.
Et je pris deux houlettes. Comme deux dangers menacent le peuple (verset 6), le prophète prend deux houlettes pour les écarter. La première houlette, Faveur, représente la grâce divine protégeant le peuple et tenant encore à distance le conquérant étrangerâ¯; la seconde, Liens, représente lâunion intérieure qui fait la force.
Verset 8
Et je retranchai les trois bergers en un seul mois. Lâarticle les montre quâil sâagit de trois bergers connus qui sont déjà là , présents par conséquentâ¯; ce sont eux qui paissent le troupeau et le berger de Jéhova vient prendre leur place. Durant un mois, il paît le troupeau, tout en destituant les bergers précédents qui, sans doute, sâopposaient à lâaccomplissement de son office.
Et je perdis patience avec eux et eux aussi sâétaient lassés. Après ce mois dâépreuve, lâexpérience est faiteâ¯: Israël ne se laisse pas rassembler (Ãsaïe 49.5) et le berger se décide à renoncer à son emploi. On pourrait rapporter le mot eux aux trois bergers, en admettant que la suite indique la raison pour laquelle le berger les a retranchésâ¯; mais ce retour en arrière nâest pas naturelâ¯; le eux aussi doit être rapporté au gros du troupeau qui était aussi dégoûté du berger que le berger en était las. Le pluriel masculin eux aussi sâexplique par un passage de lâimage à la réalité. Sans doute Dieu avait déjà livré le peuple aux puissances étrangères (verset 4), mais non pas encore pour le détruire. Câest cette permission quâil donne maintenant.
Verset 9
Et je dis. En renonçant à sa charge, le berger sait quâil livre le troupeau à son sort. La première proposition se rapporte à la portion du troupeau qui périra par lâinvasion ennemieâ¯; la seconde, à celle qui disparaîtra du pays, emmenée en captivité, la troisième, à la portion qui restera pour se détruire elle-même.
Verset 10
Cette sentence de mort est suivie dâun premier acte qui la rend sensible aux yeux du peupleâ¯: le brisement, de la houlette Faveur, représentant la protection divine.
Lâalliance que jâavais faite avec tous les peuples. Le prophète représente comme un contrat que lâÃternel avait conclu avec les nations la défense quâil leur avait faite de toucher à son peuple, aussi longtemps que celui-ci lui resterait, fidèle (Jérémie 2.3).
Verset 11
Elle fut brisée. Le prophète relève ce fait avec solennité, car la barrière est maintenant levée et le torrent des armées ennemies va se précipiter.
Et ainsi les plus misérables. Tandis que tout le reste du troupeau demeure dans lâaveuglement, sans se douter de ce qui se passe, les brebis qui ont le sentiment de leur péché et de celui du peuple, ceux qui, comme le dit Ãzéchiel 9.4, gémissent et soupirent à cause de toutes les abominations qui se commettent, celles-là discernent, dans lâabandon que fait le prophète de son emploi le signal que Dieu donne lui-même de la destruction imminente.
Verset 12
Et je leur dis. Le berger veut encore donner au peuple lâoccasion dâexprimer, par un fait significatif, le cas quâil fait de ce dernier effort tenté par son Dieu pour le sauver. Il faut que le sentiment sâaffirme par un acte pour que la culpabilité du peuple soit pleinement constaté.
Et ils pesèrent. Câest lâacte du troupeau tout entier représenté par ceux qui agissent en son nom. Ils pesèrent, soit parce quâun certain poids de métal précieux devait remplacer lâargent monnayé, soit pour vérifier le poids légal des pièces monnayées.
Trente sicles dâargentâ¯: Câétait le prix dâun esclaveâ¯; car dâaprès Exode 21.32, câétait là le montant de la somme par laquelle on devait dédommager le propriétaire dâun esclave dont on avait causé la mort. Ainsi, le travail de lâÃternel en la personne de son envoyé, apprécié à la valeur du travail dâun esclaveâ¯! On a supposé parfois que ces trente pièces dâargent correspondaient aux trente jours du mois (verset 8)â¯; mais ce dernier passage ne dit pas que le berger nâait fait paître le troupeau que pendant trente jours et dâailleurs, si lâon demeure dans lâimage, le salaire nâaurait pas été si méprisable.
Verset 13
Et je les jetai dans la maison de lâÃternel. Ce nâétait donc pas dans le royaume des dix tribus que se passait cette scène, mais à Jérusalem. La tentative du berger se rapportait au peuple entier, tel quâil existait alors. Le prophète, par cet acte, rend à lâÃternel ce qui lui revient, car il nâavait fait lui-même quâexécuter lâordre de Dieuâ¯; câétait Dieu lui-même qui avait agi par lui. Aussi lâÃternel lui dit-ilâ¯: Le prix auquel jâai été estimé. Le prophète est là comme représentant de lâÃternel et câest comme tel quâil est taxé par le peuple. Ce dernier acte est lâexpression suprême du mépris avec lequel le peuple élu a constamment répondu, dans la majeure partie de ses membres, aux avances miséricordieuses dont il a été lâobjet.
Au potier. Il est évident que ce potier avait son atelier dans lâentourage du temple ou même peut-être dans le parvis. Comme on usait de beaucoup de vases de terre dans les cérémonies du culte, il y avait sans doute un potier établi en permanence en cet endroit. LâÃternel faisait cadeau à cet artisan de la somme à laquelle son travail avait été taxé.
Plusieurs interprètes ont cru ne pas pouvoir obtenir un sens convenable en maintenant le texte transmis et, par le changement dâune voyelle et dâune consonne, ont transformé le mot de potier en celui de trésorâ¯: Je les jetai dans la maison de lâÃternel au trésor. Mais ce changement de lettre est arbitraire, et le sens qui en résulte convient beaucoup moins bienâ¯; car lâÃternel ne voudrait certainement pas faire entrer dans le trésor de sa maison un pareil argent et il est bien plus significatif quâil en fasse cadeau à un pauvre ouvrier. Câest rendre mépris pour mépris.
Le verset 13 est cité Matthieu 27.9 comme se trouvant dans le livre de Jérémie. Tous les essais de résoudre cette différence ayant échoué, il faut admettre quâil y a ici ou une erreur de mémoire de lâévangéliste ou une négligence de lâun des plus anciens copistes de lâévangile. Il nây a pas lieu de sâétonner de la différence entre le mode de lâaccomplissement historique (le salaire de Judas employé à acheter un champ appartenant au potier établi dans la vallée au-dessous du temple) et le trait correspondant de la scène prophétique (lâargent jeté au potier).
Verset 14
Après avoir rompu la relation entre le peuple et son Dieu, le prophète rompt celle qui unissait les deux grandes parties du peuple. Que lâon place le prophète avant ou après la captivité, on a peine à comprendre le sens de ces mots. Dans le premier cas, la fraternité entre les deux royaumes nâétait-elle pas rompue depuis le jour de leur séparation sous Roboam, lorsque les dix tribus du nord avaient abandonné la houlette des rois de Juda pour se placer sous le sceptre dâautres dynastiesâ¯? Dans le second cas, on se demande si une partie assez considérable du peuple des dix tribus était revenue dans la patrie pour quâil pût être question dâune rupture entre elle et ceux qui étaient rentrés de Juda (voir plus bas lâapplication de la scène).
Verset 15
à cette première scène en succède une seconde, en relation étroite avec la précédente. Une place reste vide, après que les trois bergers antérieurs ont été retranchés et que le berger envoyé par lâÃternel a abdiqué. Le prophète nous montre maintenant comment cette place sera remplie.
LâÃternel me ditâ¯: Prends⦠LâÃternel, comme berger, sâest retiré de son peupleâ¯; mais câest encore lui, pourtant, qui dispose du sort des brebis.
Dans lâordre du verset 4â¯: Pais les brebis à tuer, était implicitement contenu pour celui à qui il était adressé, lâordre de se revêtir du costume et de prendre les instruments dont se sert un berger intelligent et fidèle. Câest à cet ordre implicite que se rapporte le mot encore. Le prophète doit, après avoir joué le rôle dâun berger fidèle, jouer celui dâun mauvais berger et, par conséquent, prendre en main des instruments impropres a lâoffice dâun vrai berger, par exemple une houlette incapable de servir.
Un mauvais berger. Le mot hébreu désigne un berger sans conscience, un étourdi. Le terme insensé, par lequel on traduit ordinairement, ne rendrait pas exactement cette nuance.
Verset 16
La description de la conduite de ce nouveau berger est opposée à la conduite du berger de lâÃternel tandis quâil paissait le troupeau. Elle caractérise ici, comme Jérémie 23.1-2â¯; Ãzéchiel 34.1-10, la conduite des chefs égoïstes du peuple qui ne sâoccupent que de leurs propres intérêts et qui exploitent à leur profit le troupeau qui leur est confié.
Et fendra leur sabotâ¯: pour exploiter jusquâà la dernière parcelle de substance nutritive qui peut se trouver dans ses victimes.
Verset 17
Au berger qui abandonne. Ce nâest pas ici une idée toute nouvelle, celle dâun berger qui sâenfuirait loin du troupeau. Abandonner signifie nâavoir pas soin de. Comme il traite le troupeau, il sera traité lui-mêmeâ¯; il le laisse dépérir, il dépérira par la malédiction divine, il traînera une vie malheureuse. Nous avons traduit par le dépérissement le mot chéreb quâon traduit ordinairement par lâépéeâ¯; lâimage de lâépée ne convient point pour expliquer le dessèchement des membres. Ce terme se retrouve Deutéronome 28.22, très probablement dans le sens que nous lui donnons ici et qui est habituellement celui quâexprime le mot très voisin choreb, de charab, être sec, aride.
Remarques sur le sens de la scène symbolique du chapitre 11
Observons dâabord que cette scène nâest point donnée expressément, pour une vision. Elle nâest pas présentée non plus comme devant être réalisée extérieurement, ainsi que celle du couronnement de Jéhosua, au chapitre 6. Elle a un caractère intermédiaireâ¯: câest un tableau allégorique dans le genre de ceux dâOsée chapitres 1 et 2, ou de Jean chapitre 10. Le prophète exprime, sous une forme symbolique, la relation entre Dieu et son peuple au moment en vue duquel il parle, afin de rendre la pensée plus saisissante pour le cÅur des auditeurs.
La question est de savoir sâil veut, par ce tableau, décrire des événements déjà accomplis et dont il annoncerait les désastreuses conséquences dans un prochain avenir, ou sâil a en vue, dans le tableau tout entier, un événement futur auquel aboutira lâhistoire dâIsraël rétabli après lâexil.
Voici lâexplication que lâon donne au premier point de vue. Câétaient les derniers temps du royaume des dix tribus, à peu près la même époque que celle où Osée prophétisa. Le royaume du nord était livré aux discordes civiles et à lâanarchie et déjà à demi conquis par lâAssyrie. Un prophète qui nous est inconnu se sent appelé de lâÃternel, avant que le coup fatal frappe le peuple à faire un dernier effort pour le sauver. Pendant un certain temps, il travaille avec zèle dans ce sensâ¯; mais les plus pauvres du peuple seulement se laissent émouvoir, la masse de la nation ne lui témoigne quâindifférence et dégoût. Pendant cette période très courte, trois souverains sont successivement renversés. Ce pourraient être Zacharie, Sallum et Ménahem, qui se succédèrent rapidementâ¯; ou bien, comme lâespace dâun mois est absolument insuffisant pour y faire rentrer ces trois règnes, on pourrait penser à des prétendants inconnus régnant chacun sur une partie du pays, puis renversés dans ce court espace de temps. Le prophète, nâayant point réussi à ramener le peuple des dix tribus sous la domination de lâÃternel, abandonne sa mission et y met fin solennellement, en avertissant le peuple et en lui déclarant que la conséquence de cet abandon sera de le livrer à lâennemi étranger qui le menace. Le trait du salaire payé ne se rapporte à aucun fait extérieur réelâ¯;il exprime dramatiquement un fait dâordre spirituel, lâingratitude dâÃphraïm envers lâÃternel. La rupture de la houlette Liens indique quâÃphraïm va être définitivement retranché et que Juda va exister seul, étranger désormais à Ãphraïm dispersé. Le mauvais berger, auquel est livré Ãphraïm, est lâun des derniers rois dâIsraël, peut-être Pékach.
Cette explication, si répandue quâelle soit aujourdâhui, nous paraît se heurter à tous les traits du tableau, ce qui serait dâautant plus étrange que, dâaprès ses partisans, le tableau ainsi appliqué serait de lâhistoire, non de la prophétie.
Lâautre mode dâinterprétation qui applique ce tableau à lâavenir de Juda restauré, se présente sous deux formes. Voici la première, déjà esquissée par Calvin. Depuis la captivité, le peuple avait été livré aux puissances étrangères qui avaient disposé de lui selon leur caprice. Jéhova veut maintenant reprendre le gouvernement de son peuple. Il commence par destituer les trois monarchies babylonienne, persane et grecque, et cela, en un mois, parce que chacune succède immédiatement à lâautre après les dix jours représentant le temps de suprématie qui lui est accordé. Lâoffice du berger représente toute la conduite de Dieu à lâégard du peuple restauré, durant lâépoque du second temple, y compris le ministère de Jésus-Christ. Le salaire accordé aurait dû être la foi, lâamour et lâobéissance du peuple et a été, en réalité, son ingratitude et sa rébellion constante. Le brisement de la première houlette Faveur représente la permission accordée de nouveau aux puissances étrangères (les Romains) dâenvahir Israël. La rupture de la seconde houlette se rapporte à lâapparition des nombreux partis, qui suivit, en Israël, le rejet de Jésus-Christ et prépara la ruine du peuple. Le mauvais berger du verset 16 désigne la puissance terrestre aux mains de laquelle Israël a été désormais livré pour avoir repoussé son Dieu dans la personne du Messie.
Il y a là , on ne saurait le nier, une intuition grandiose qui contraste avec le caractère mesquin de lâexplication précédente et qui convient à la grandeur imposante du tableau prophétique. Cependant, cette explication ne nous paraît pas non plus admissible.
Nous pensons quâil faut rattacher le tableau qui termine ce cycle à celui par lequel il a été ouvertâ¯: lâannonce du Roi juste, monté sur lâânon, qui fait son entrée à Jérusalem pour sauver Juda. Voilà le personnage que contemple Zacharie, non plus au moment de sa venue, mais dans lâexercice de son office. Juda restauré est semblable à un troupeau qui court à la ruine et que lâÃternel cherche à sauver par un suprême effort. Il a passé successivement des mains des Babyloniens à celles des Persesâ¯; des mains des Perses à celles des Grecs (Javan, chapitre 10)â¯; de celles-ci à celles dâautres peuples orientaux. Il est maintenant soumis à un conquérant et divisé dans son propre sein (11.6). Le Christ commence son Åuvreâ¯; il cherche à ramener sur lui la faveur divine et dans son sein lâamour mutuel. Mais il rencontre des adversaires (les autorités existantes) quâil est obligé de mettre de côté pour se substituer à eux et sâapproprier lui-même leurs charges dont ils ne sont pas dignesâ¯: ce sont ceux que Jérémie (chapitre 23) avait appelés les bergers dâIsraël, avant tout ses autorités politiques, puis les sacrificateurs et les faux prophètes, en observant seulement quâà lâépoque de Jésus, ces derniers ne se présentaient plus sous la même forme quâau temps de Jérémieâ¯; câétaient les docteurs de la loi. Le Messie devient lui-même le prophète, le sacrificateur et le roi de la partie du troupeau qui sâattache à lui et qui doit continuer le développement du règne de Dieu et il rejette ces anciens bergers avec la masse du troupeau qui continue à les suivre. Lâexpression durant un mois doit sâexpliquer non dâaprès lâaccomplissement historique, mais dâaprès lâimage totale du tableau symboliqueâ¯; dans ce tableau, la tentative du berger pour sauver le troupeau dure environ un mois, ce qui est suffisant pour un essai pareil. Ce mois représente, dans lâaccomplissement, tout le temps quâa duré la dernière tentative faite par lâÃternel pour sauver son peuple par le moyen du Messie. Dans la scène du salaire payé, il ne faut pas chercher une concordance exacte entre le tableau prophétique et lâhistoireâ¯; dans la prophétie, ce nâest point un traître qui vend à vil prix le berger à ses ennemisâ¯; câest le troupeau et ses bergers qui taxent indignement le travail du serviteur de lâÃternel. Mais entre le tableau prophétique et la scène réelle, il y a cette relationâ¯: que, dans les deux cas, la somme dâargent représente la valeur à laquelle sont taxées la personne et lâÅuvre du berger. Le fait que Juda jette cet argent dans le temple correspond littéralement au don que fait le berger au potier. Mais il faut observer ici, comme nous lâavons fait à lâoccasion de lâentrée du Messie sur lâânon, au chapitre 9, que ce nâest pas dans cette coïncidence matérielle que consiste lâaccomplissement de la prophétieâ¯; câest dans le sentiment de dégoût que fait naître, dans les deux cas, là dans le cÅur de lâÃternel, ici chez les membres du Sanhédrin eux-mêmes, cette somme dâargent. Le brisement de la houlette Liens ne peut désigner proprement une rupture entre Juda et Israël, car les membres du royaume des dix tribus nâétaient revenus de lâexil quâen petite partie et sâétaient fondus avec ceux de la tribu de Juda. Câest une nouvelle séparation au sein même du peuple restauré que contemple le prophète, séparation analogue à celle qui se forma autrefois entre Juda et Israël, lorsque celui-là resta fidèle à la famille de David et que celui-ci rejeta cette souveraineté légitime. à lâoccasion de la venue du Messie et de son rejet par lâensemble de la nation, Zacharie voit se former dans le sein du peuple une rupture entre la portion qui sâattache au nouveau David et lui reste fidèle (les humbles du troupeau) et la masse qui rompt avec lui et suit désormais ses propres voiesâ¯; cette dernière est livrée à un mauvais berger. Ce berger, ce ne sont pas les Romains, puisque les bergers figurent plutôt les autorités indigènes, mais ce sont de nouveaux pasteurs sous la conduite desquels Israël va vivre désormais, après avoir repoussé celui que Dieu lui avait donné. En se représentant le ministère légal sous lequel a vécu et vit encore Israël, on comprend les images de dépérissement et de dessèchement et lâopposition totale établie dans le verset 16 entre lâoffice de ces bergers-là et le tendre et miséricordieux office du Christ au sein de son Ãglise.
Nous comprendrions que lâon trouvât cette vue, si distincte et si complète, trop surnaturelle, si un tel tableau était isolé dans lâensemble des révélations prophétiquesâ¯; mais quand on se rappelle, dans notre prophète même, le tableau de lâentrée du Messie, chapitre 9, celui du couronnement royal du souverain sacrificateur, chapitre 6, celui du Messie accomplissant en un seul jour le grand sacrifice dâexpiation, chapitre 3â¯; quand on pense aux chapitres 49 et 53 dâÃsaïe, aux Psaumes 22 et 110 et à tant dâautres tableaux messianiques, cette objection ne saurait en être une, à moins quâon ne soit résolu à dire, par un raisonnement plus dogmatique quâexégétiqueâ¯: Cela ne peut pas être, donc cela nâest pas.