Les événements du livre de Ruth se déroulent au milieu des tristes circonstances qui caractérisaient le gouvernement des Juges, et cependant il nây a rien de commun entre le courant des pensées de ce récit et de celui qui le précède. Le livre des Juges nous décrit la ruine dâIsraël livré à sa responsabilité, ruine irrémédiable, malgré les tendres soins de la miséricorde divine qui cherchait à restaurer le peuple et souvent même le restaura partiellement. En contraste avec la sécheresse et la stérilité des voies de lâhomme infidèle dans le livre des Juges, celui de Ruth est plein de rafraîchissement. On y trouve les «ruisseaux, les sources et les eaux profondes», dont parle Moïse; il est frais comme un lever dâaurore. Tout y respire la grâce, et nulle fausse note nâinterrompt cette délicieuse harmonie. Câest une oasis verdoyante dans le désert, une idylle pure au milieu de la sombre histoire dâIsraël. Quand nous méditons ce petit livre de quatre chapitres, il prend pour nos âmes des proportions infinies. La scène nâa pas changé, et pourtant on dirait que les sentiments et les affections du ciel sont venus élire domicile sur la terre. On a peine à comprendre que ce pays, témoin de tant de guerres, dâinfamies et dâidolâtries abominables, fût à la même époque le théâtre dâévénements dont la simplicité nous reporte aux temps bénis des patriarches.
Cela sâexplique. Depuis la chute, deux histoires se côtoient, celle de la responsabilité de lâhomme avec ses conséquences, et celle des conseils et des promesses de Dieu, avec la manière dont il les accomplira malgré tout. Or câest la grâce. Il ne peut être question que dâelle, quand il sâagit de conseils et de promesses divines, car la responsabilité de lâhomme ne peut les atteindre, sa culpabilité ne saurait les changer, une scène de ruine est incapable de les entraver, et Dieu tance Satan lui-même quand il cherche à sâopposer à leur cours (Zach. 3:12). à mesure que le mal sâétend, lâhistoire de la grâce se développe dâune manière grandissante et marche irrésistible, jusquâà ce quâelle ait atteint le but quâelle sâest proposé. Elle a le cÅur de Dieu pour point de départ, pour centre la personne du Seigneur Jésus. Elle aboutit enfin à la gloire excellente du second homme et aux bénédictions que nous partagerons avec lui. Voilà pourquoi le livre de Ruth se termine par la mention prophétique de Celui qui est la racine et la postérité de David, du Rédempteur glorieux, promis à Israël.
Mais si Ruth est un livre de grâce, il est nécessairement aussi un livre de foi. La grâce ne peut aller sans cette dernière, car câest la foi qui la saisit et se lâapproprie, qui sâattache aux promesses divines et au peuple des promesses, qui trouve enfin ses délices dans Celui qui en est le porteur et lâhéritier. Tel est le caractère merveilleux des pages que nous allons considérer.
«Et il arriva, dans les jours où les juges jugeaient, quâil y eut une famine dans le pays» (v. 1). Ces paroles marquent les circonstances spéciales de la scène. Nous sommes aux jours des juges, dans la terre dâIsraël, mais câest la famine, un temps où les voies providentielles de Dieu sâexercent en jugement contre son peuple. «Et un homme sâen alla de Bethléhem de Juda, pour séjourner aux champs de Moab, lui et sa femme et ses deux fils». Bethléhem, la ville qui sera le lieu dâorigine terrestre du Messie (Michée 5:2) et aura le privilège de voir resplendir, à son lever, lâastre attendu dâIsraël, ne contemple aux jours de Naomi que lâindigence et le dénuement absolu de lâhomme. La main qui avait soutenu le peuple sâétait retirée, et tout lui manquait. Cette vérité, développée dans le livre des Juges, celui de Ruth ne fait que la constater, mais en y ajoutant, aux v. 2 à 5, certains faits importants.
Pendant ces jours de ruine, et sous les voies de Dieu en châtiment, Ãlimélec, nom caractéristique qui signifie «Dieu, le roi», sâexpatrie avec Naomi, «Mes délices», et ses enfants. Sous le gouvernement divin, ils cherchent un refuge parmi les gentils. Au milieu de cette désolation, Naomi est encore, malgré tout, liée à son mari et à ses enfants. Son nom nâa pas changé et elle le porte encore, malgré la ruine. Mais Ãlimélec, Dieu le roi, meurt, et Naomi reste veuve. Par leur alliance avec la nation idolâtre de Moab, ses fils se profanent et meurent. En apparence, la race dâÃlimélec est éteinte sans espoir de postérité, et «Mes délices» en deuil et désormais stérile, est plongée dans lâamertume.
«Et Naomi se leva, elle et ses belles-filles, et sâen revint des champs de Moab; car elle avait entendu dire, au pays de Moab, que lâÃternel avait visité son peuple pour leur donner du pain. Et elle partit du lieu où elle était, et ses deux belles-filles avec elle; et elles se mirent en chemin pour retourner dans le pays de Juda» (v. 6, 7). à la nouvelle que lâÃternel usait de grâce envers son peuple, Naomi se lève et se met en route pour rentrer dans son pays. Lâétat dâIsraël nâavait pas changé, mais Dieu lui-même avait mis fin à ces jours de jugement providentiel qui sâétaient abattus sur la nation, et cette pauvre veuve, courbée sous le fardeau de lâaffliction, pouvait espérer des jours meilleurs. La grâce, telle est donc, nous lâavons dit, la note première et dominante du livre de Ruth. Toutes les bénédictions quâil contient dépendent du fait que Dieu «avait visité son peuple pour leur donner du pain». Par cette expression bien connue, lâAncien Testament caractérise les bienfaits apportés à Israël par le Messie. «Je bénirai abondamment ses vivres, je rassasierai de pain ses pauvres» (Ps. 132:15). Ah! si la nation lâeût voulu, ces biens eussent été sa portion permanente, quand le Christ fut venu au milieu dâelle, multipliant les pains aux 5 000 et aux 4 000 hommes!
Les belles-filles de Naomi lâaccompagnent, mues par la pensée dâaller avec elle vers son peuple (v. 10). Mais cette bonne intention ne suffit pas, car pour se trouver en rapport avec la grâce, il ne faut rien moins que la foi. La conduite dâOrpa et de Ruth illustre ce principe. En apparence, elles ne diffèrent en rien lâune de lâautre. Toutes deux partent avec Naomi et marchent avec elle, lui prouvant ainsi leur attachement. Lâaffection dâOrpa ne manque point de réalité: elle pleure, rien quâà la pensée de quitter sa belle-mère; pleine de sympathie, elle verse encore beaucoup de larmes en la quittant. Orpa, la Moabite, aime aussi le peuple de Naomi: «Elles lui dirent: ... nous retournerons avec toi vers ton peuple». Mais on peut avoir un caractère très aimable sans la foi. Câest la foi qui creuse un abîme entre ces deux femmes si semblables sous tant de rapports. Le cÅur naturel, aux prises avec des impossibilités, recule, tandis que la foi sâen nourrit et y accroît ses forces. Orpa renonce à un chemin sans issue. Que pouvait lui offrir Naomi? Ruinée, frappée de Dieu et remplie dâamertume, avait-elle encore des fils dans son sein pour donner des maris à ses belles-filles? Orpa baise sa belle-mère et retourne vers son peuple et vers ses dieux (v. 15). Voilà enfin le secret du cÅur naturel dévoilé. Il peut sâattacher au peuple de Dieu sans lui appartenir. Une femme comme Naomi est bien digne dâéveiller des sympathies, mais ce nâest pas là le signe de la foi. Celle-ci, tout dâabord, nous sépare des idoles, nous fait quitter nos dieux, et nous tourne vers le vrai Dieu. Tel avait été le premier pas des Thessaloniciens dans le chemin de la foi (1 Thess. 1:9). Orpa, au contraire, se détourne de Naomi et du Dieu dâIsraël, pour retourner à son peuple et à ses dieux. Aux prises avec la difficulté, elle se montre incapable dâen soutenir lâépreuve. Elle sâen va pleurant, mais elle sâen va, pareille à ce jeune homme aimable qui partait tout triste, ne pouvant se résoudre à se séparer de ses biens pour suivre un Maître pauvre et méprisé.
Tout autre est le cas de Ruth. Précieuse foi, pleine de certitude, de résolution, de décision! Comme elle voit clairement son but! Aucune objection ne peut lâébranler. Elle écoute Naomi, mais sa conviction est faite, car elle ne connaît quâun chemin qui, pour elle, est le chemin nécessaire. Que deviennent les impossibilités de la nature, devant les nécessités de la foi? Ruth ne se laisse arrêter ni par lâimpossibilité dâun mari, ni même par la main de lâÃternel étendue contre sa belle-mère, et ne voit dans les obstacles qui sâaccumulent que des raisons nouvelles pour ne pas abandonner son objet. Naomi est tout pour Ruth, et Ruth sâattache à Naomi. «Ne me prie pas de te laisser, pour que je mâen retourne dâavec toi; car où tu iras, jâirai, et où tu demeureras, je demeurerai: ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu. Là où tu mourras, je mourrai et jây serai enterrée. Ainsi me fasse lâÃternel, et ainsi il y ajoute, si la mort seule ne me sépare de toi!» (v. 16, 17). Accompagner Naomi, marcher, demeurer, mourir avec celle qui, pour Ruth, est le seul lien possible avec Dieu et son peuple, tel est le désir de cette femme de foi. Mais ses pensées vont plus loin quâune simple association: elle sâidentifie avec le peuple, quel que soit son état, pour appartenir ainsi au Dieu dâIsraël, au vrai Dieu qui ne change pas: «Ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu». Ayant tourné le dos à Moab et à ses idoles, elle appartient désormais à de nouveaux objets. Sans possibilité de séparation, elle sâidentifie avec eux; que la mort survienne, elle est impuissante à briser de tels liens. Voyez ici Dieu et la foi qui se rencontrent, sâentendent et sâassocient. Comme ce récit nous fait bien comprendre que la foi est lâunique moyen de mettre lâhomme pécheur en rapport avec Dieu! Semblable à Ruth sâattachant à Naomi, la foi sâattache au Médiateur, objet des conseils de Dieu, qui seul peut lui donner une relation assurée avec le vrai Dieu, une position inébranlable devant lui.
Précieux, touchant voyage que celui de ces deux femmes affligées remontant à Bethléhem! Naomi sâen était allée riche et comblée, et sâen revenait à vide. Y avait-il une désolation comparable à la sienne? Privée de son mari et de ses deux fils, trop vieille pour être à un mari, sans espoir humain dâhéritier, vraie image dâIsraël, tout était fini pour elle du côté de la nature et de la loi. Bien plus, la main de lâÃternel était étendue contre elle, et le Tout-Puissant lui-même, qui paraissait devoir être le soutien de sa foi, la remplissait dâamertume sous le poids de son châtiment. Elle avait échangé son nom «Mes délices», contre celui de «Mara», parce que le Dieu dâIsraël lâavait abattue et que le Dieu dâAbraham lâavait affligée. Ruth, sa compagne, comme elle veuve et sans enfants, mais qui nâavait jamais enfanté, et de plus une étrangère, fille dâun peuple maudit, nâavait point connu les bénédictions passées dâIsraël et ne possédait aucun droit à ses promesses. Elles vont ensemble, lâune reconnaissant pleinement son état et la main qui sâappesantit sur elle, lâautre nâayant dâautres liens avec Dieu que sa foi et Naomi. Leur chemin est hérissé de difficultés, mais elles voient resplendir une étoile qui les guide. La grâce a lui; Dieu a visité son peuple pour leur donner du pain. Elles rentrent ensemble à Bethléhem au commencement de la moisson des orges, arrivant ainsi sur le lieu de la bénédiction au moment même où elle est dispensée. Câest là quâelles vont trouver Boaz!
Les lecteurs, quelque peu familiers avec la prophétie, ne peuvent manquer de voir dans toute cette scène un tableau de lâhistoire passée dâIsraël et des voies futures de lâÃternel envers lui. Bien quâil eût été chassé parmi les gentils pour son infidélité, certains liens pouvaient subsister encore entre le peuple et Dieu. LâÃternel nâavait-il pas dit par leur prophète: «Bien que je les aie éloignés parmi les nations, et bien que je les aie dispersés par les pays, toutefois je leur serai comme un petit sanctuaire dans les pays où ils sont venus» (Ãzéch. 11:16). Mais leur Ãlimélec est mort; le seul chef de la famille dâIsraël, Christ, le Messie, a été retranché; alors la nation est devenue comme une veuve privée dâenfants et stérile au milieu des gentils. Mais quand il reconnaît et accepte le jugement de Dieu sur lui et boit dans lâhumiliation cette coupe dâamertume, voici que lâaube dâun jour nouveau se lève pour ce pauvre peuple. Lâancien Israël de Dieu, objet, dans sa «vieillesse toute blanche», des voies de lâÃternel à lâétranger, se met en route dans lâamertume de son âme pour retrouver les bénédictions de la grâce. Avec lui se lève un Israël nouveau, un Lo-Ammi qui nâétait «pas son peuple», mais qui, trouvant son germe en Ruth, revient, pauvre résidu, des champs de Moab pour redevenir le «peuple de Dieu». Il nous est montré sous la figure dâune étrangère, parce que, sur le pied de la loi, il nâa aucun droit aux promesses, et que de nouveaux principes, la grâce et la foi, le mettent en rapport avec lâÃternel. Sur ce pied-là , Dieu le reconnaît comme son peuple et lui donne une place dâhonneur suprême en lâassociant à la gloire de David et du Messie. Du terrain stérile est sortie une source rafraîchissante qui nâattendait, pour se montrer, que le moment où tout espoir humain était perdu. Cette fontaine devient une eau courante, un fleuve large et profond, le fleuve de la grâce divine, qui porte Israël jusquâà lâOcéan des bénédictions messianiques et millénaires!
versets 1-22
Chapitre 1er
Les événements du livre de Ruth se déroulent au milieu des tristes circonstances qui caractérisaient le gouvernement des Juges, et cependant il nây a rien de commun entre le courant des pensées de ce récit et de celui qui le précède. Le livre des Juges nous décrit la ruine dâIsraël livré à sa responsabilité, ruine irrémédiable, malgré les tendres soins de la miséricorde divine qui cherchait à restaurer le peuple et souvent même le restaura partiellement. En contraste avec la sécheresse et la stérilité des voies de lâhomme infidèle dans le livre des Juges, celui de Ruth est plein de rafraîchissement. On y trouve les «ruisseaux, les sources et les eaux profondes», dont parle Moïse; il est frais comme un lever dâaurore. Tout y respire la grâce, et nulle fausse note nâinterrompt cette délicieuse harmonie. Câest une oasis verdoyante dans le désert, une idylle pure au milieu de la sombre histoire dâIsraël. Quand nous méditons ce petit livre de quatre chapitres, il prend pour nos âmes des proportions infinies. La scène nâa pas changé, et pourtant on dirait que les sentiments et les affections du ciel sont venus élire domicile sur la terre. On a peine à comprendre que ce pays, témoin de tant de guerres, dâinfamies et dâidolâtries abominables, fût à la même époque le théâtre dâévénements dont la simplicité nous reporte aux temps bénis des patriarches.
Cela sâexplique. Depuis la chute, deux histoires se côtoient, celle de la responsabilité de lâhomme avec ses conséquences, et celle des conseils et des promesses de Dieu, avec la manière dont il les accomplira malgré tout. Or câest la grâce. Il ne peut être question que dâelle, quand il sâagit de conseils et de promesses divines, car la responsabilité de lâhomme ne peut les atteindre, sa culpabilité ne saurait les changer, une scène de ruine est incapable de les entraver, et Dieu tance Satan lui-même quand il cherche à sâopposer à leur cours (Zach. 3:12). à mesure que le mal sâétend, lâhistoire de la grâce se développe dâune manière grandissante et marche irrésistible, jusquâà ce quâelle ait atteint le but quâelle sâest proposé. Elle a le cÅur de Dieu pour point de départ, pour centre la personne du Seigneur Jésus. Elle aboutit enfin à la gloire excellente du second homme et aux bénédictions que nous partagerons avec lui. Voilà pourquoi le livre de Ruth se termine par la mention prophétique de Celui qui est la racine et la postérité de David, du Rédempteur glorieux, promis à Israël.
Mais si Ruth est un livre de grâce, il est nécessairement aussi un livre de foi. La grâce ne peut aller sans cette dernière, car câest la foi qui la saisit et se lâapproprie, qui sâattache aux promesses divines et au peuple des promesses, qui trouve enfin ses délices dans Celui qui en est le porteur et lâhéritier. Tel est le caractère merveilleux des pages que nous allons considérer.
«Et il arriva, dans les jours où les juges jugeaient, quâil y eut une famine dans le pays» (v. 1). Ces paroles marquent les circonstances spéciales de la scène. Nous sommes aux jours des juges, dans la terre dâIsraël, mais câest la famine, un temps où les voies providentielles de Dieu sâexercent en jugement contre son peuple. «Et un homme sâen alla de Bethléhem de Juda, pour séjourner aux champs de Moab, lui et sa femme et ses deux fils». Bethléhem, la ville qui sera le lieu dâorigine terrestre du Messie (Michée 5:2) et aura le privilège de voir resplendir, à son lever, lâastre attendu dâIsraël, ne contemple aux jours de Naomi que lâindigence et le dénuement absolu de lâhomme. La main qui avait soutenu le peuple sâétait retirée, et tout lui manquait. Cette vérité, développée dans le livre des Juges, celui de Ruth ne fait que la constater, mais en y ajoutant, aux v. 2 à 5, certains faits importants.
Pendant ces jours de ruine, et sous les voies de Dieu en châtiment, Ãlimélec, nom caractéristique qui signifie «Dieu, le roi», sâexpatrie avec Naomi, «Mes délices», et ses enfants. Sous le gouvernement divin, ils cherchent un refuge parmi les gentils. Au milieu de cette désolation, Naomi est encore, malgré tout, liée à son mari et à ses enfants. Son nom nâa pas changé et elle le porte encore, malgré la ruine. Mais Ãlimélec, Dieu le roi, meurt, et Naomi reste veuve. Par leur alliance avec la nation idolâtre de Moab, ses fils se profanent et meurent. En apparence, la race dâÃlimélec est éteinte sans espoir de postérité, et «Mes délices» en deuil et désormais stérile, est plongée dans lâamertume.
«Et Naomi se leva, elle et ses belles-filles, et sâen revint des champs de Moab; car elle avait entendu dire, au pays de Moab, que lâÃternel avait visité son peuple pour leur donner du pain. Et elle partit du lieu où elle était, et ses deux belles-filles avec elle; et elles se mirent en chemin pour retourner dans le pays de Juda» (v. 6, 7). à la nouvelle que lâÃternel usait de grâce envers son peuple, Naomi se lève et se met en route pour rentrer dans son pays. Lâétat dâIsraël nâavait pas changé, mais Dieu lui-même avait mis fin à ces jours de jugement providentiel qui sâétaient abattus sur la nation, et cette pauvre veuve, courbée sous le fardeau de lâaffliction, pouvait espérer des jours meilleurs. La grâce, telle est donc, nous lâavons dit, la note première et dominante du livre de Ruth. Toutes les bénédictions quâil contient dépendent du fait que Dieu «avait visité son peuple pour leur donner du pain». Par cette expression bien connue, lâAncien Testament caractérise les bienfaits apportés à Israël par le Messie. «Je bénirai abondamment ses vivres, je rassasierai de pain ses pauvres» (Ps. 132:15). Ah! si la nation lâeût voulu, ces biens eussent été sa portion permanente, quand le Christ fut venu au milieu dâelle, multipliant les pains aux 5 000 et aux 4 000 hommes!
Les belles-filles de Naomi lâaccompagnent, mues par la pensée dâaller avec elle vers son peuple (v. 10). Mais cette bonne intention ne suffit pas, car pour se trouver en rapport avec la grâce, il ne faut rien moins que la foi. La conduite dâOrpa et de Ruth illustre ce principe. En apparence, elles ne diffèrent en rien lâune de lâautre. Toutes deux partent avec Naomi et marchent avec elle, lui prouvant ainsi leur attachement. Lâaffection dâOrpa ne manque point de réalité: elle pleure, rien quâà la pensée de quitter sa belle-mère; pleine de sympathie, elle verse encore beaucoup de larmes en la quittant. Orpa, la Moabite, aime aussi le peuple de Naomi: «Elles lui dirent: ... nous retournerons avec toi vers ton peuple». Mais on peut avoir un caractère très aimable sans la foi. Câest la foi qui creuse un abîme entre ces deux femmes si semblables sous tant de rapports. Le cÅur naturel, aux prises avec des impossibilités, recule, tandis que la foi sâen nourrit et y accroît ses forces. Orpa renonce à un chemin sans issue. Que pouvait lui offrir Naomi? Ruinée, frappée de Dieu et remplie dâamertume, avait-elle encore des fils dans son sein pour donner des maris à ses belles-filles? Orpa baise sa belle-mère et retourne vers son peuple et vers ses dieux (v. 15). Voilà enfin le secret du cÅur naturel dévoilé. Il peut sâattacher au peuple de Dieu sans lui appartenir. Une femme comme Naomi est bien digne dâéveiller des sympathies, mais ce nâest pas là le signe de la foi. Celle-ci, tout dâabord, nous sépare des idoles, nous fait quitter nos dieux, et nous tourne vers le vrai Dieu. Tel avait été le premier pas des Thessaloniciens dans le chemin de la foi (1 Thess. 1:9). Orpa, au contraire, se détourne de Naomi et du Dieu dâIsraël, pour retourner à son peuple et à ses dieux. Aux prises avec la difficulté, elle se montre incapable dâen soutenir lâépreuve. Elle sâen va pleurant, mais elle sâen va, pareille à ce jeune homme aimable qui partait tout triste, ne pouvant se résoudre à se séparer de ses biens pour suivre un Maître pauvre et méprisé.
Tout autre est le cas de Ruth. Précieuse foi, pleine de certitude, de résolution, de décision! Comme elle voit clairement son but! Aucune objection ne peut lâébranler. Elle écoute Naomi, mais sa conviction est faite, car elle ne connaît quâun chemin qui, pour elle, est le chemin nécessaire. Que deviennent les impossibilités de la nature, devant les nécessités de la foi? Ruth ne se laisse arrêter ni par lâimpossibilité dâun mari, ni même par la main de lâÃternel étendue contre sa belle-mère, et ne voit dans les obstacles qui sâaccumulent que des raisons nouvelles pour ne pas abandonner son objet. Naomi est tout pour Ruth, et Ruth sâattache à Naomi. «Ne me prie pas de te laisser, pour que je mâen retourne dâavec toi; car où tu iras, jâirai, et où tu demeureras, je demeurerai: ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu. Là où tu mourras, je mourrai et jây serai enterrée. Ainsi me fasse lâÃternel, et ainsi il y ajoute, si la mort seule ne me sépare de toi!» (v. 16, 17). Accompagner Naomi, marcher, demeurer, mourir avec celle qui, pour Ruth, est le seul lien possible avec Dieu et son peuple, tel est le désir de cette femme de foi. Mais ses pensées vont plus loin quâune simple association: elle sâidentifie avec le peuple, quel que soit son état, pour appartenir ainsi au Dieu dâIsraël, au vrai Dieu qui ne change pas: «Ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu». Ayant tourné le dos à Moab et à ses idoles, elle appartient désormais à de nouveaux objets. Sans possibilité de séparation, elle sâidentifie avec eux; que la mort survienne, elle est impuissante à briser de tels liens. Voyez ici Dieu et la foi qui se rencontrent, sâentendent et sâassocient. Comme ce récit nous fait bien comprendre que la foi est lâunique moyen de mettre lâhomme pécheur en rapport avec Dieu! Semblable à Ruth sâattachant à Naomi, la foi sâattache au Médiateur, objet des conseils de Dieu, qui seul peut lui donner une relation assurée avec le vrai Dieu, une position inébranlable devant lui.
Précieux, touchant voyage que celui de ces deux femmes affligées remontant à Bethléhem! Naomi sâen était allée riche et comblée, et sâen revenait à vide. Y avait-il une désolation comparable à la sienne? Privée de son mari et de ses deux fils, trop vieille pour être à un mari, sans espoir humain dâhéritier, vraie image dâIsraël, tout était fini pour elle du côté de la nature et de la loi. Bien plus, la main de lâÃternel était étendue contre elle, et le Tout-Puissant lui-même, qui paraissait devoir être le soutien de sa foi, la remplissait dâamertume sous le poids de son châtiment. Elle avait échangé son nom «Mes délices», contre celui de «Mara», parce que le Dieu dâIsraël lâavait abattue et que le Dieu dâAbraham lâavait affligée. Ruth, sa compagne, comme elle veuve et sans enfants, mais qui nâavait jamais enfanté, et de plus une étrangère, fille dâun peuple maudit, nâavait point connu les bénédictions passées dâIsraël et ne possédait aucun droit à ses promesses. Elles vont ensemble, lâune reconnaissant pleinement son état et la main qui sâappesantit sur elle, lâautre nâayant dâautres liens avec Dieu que sa foi et Naomi. Leur chemin est hérissé de difficultés, mais elles voient resplendir une étoile qui les guide. La grâce a lui; Dieu a visité son peuple pour leur donner du pain. Elles rentrent ensemble à Bethléhem au commencement de la moisson des orges, arrivant ainsi sur le lieu de la bénédiction au moment même où elle est dispensée. Câest là quâelles vont trouver Boaz!
Les lecteurs, quelque peu familiers avec la prophétie, ne peuvent manquer de voir dans toute cette scène un tableau de lâhistoire passée dâIsraël et des voies futures de lâÃternel envers lui. Bien quâil eût été chassé parmi les gentils pour son infidélité, certains liens pouvaient subsister encore entre le peuple et Dieu. LâÃternel nâavait-il pas dit par leur prophète: «Bien que je les aie éloignés parmi les nations, et bien que je les aie dispersés par les pays, toutefois je leur serai comme un petit sanctuaire dans les pays où ils sont venus» (Ãzéch. 11:16). Mais leur Ãlimélec est mort; le seul chef de la famille dâIsraël, Christ, le Messie, a été retranché; alors la nation est devenue comme une veuve privée dâenfants et stérile au milieu des gentils. Mais quand il reconnaît et accepte le jugement de Dieu sur lui et boit dans lâhumiliation cette coupe dâamertume, voici que lâaube dâun jour nouveau se lève pour ce pauvre peuple. Lâancien Israël de Dieu, objet, dans sa «vieillesse toute blanche», des voies de lâÃternel à lâétranger, se met en route dans lâamertume de son âme pour retrouver les bénédictions de la grâce. Avec lui se lève un Israël nouveau, un Lo-Ammi qui nâétait «pas son peuple», mais qui, trouvant son germe en Ruth, revient, pauvre résidu, des champs de Moab pour redevenir le «peuple de Dieu». Il nous est montré sous la figure dâune étrangère, parce que, sur le pied de la loi, il nâa aucun droit aux promesses, et que de nouveaux principes, la grâce et la foi, le mettent en rapport avec lâÃternel. Sur ce pied-là , Dieu le reconnaît comme son peuple et lui donne une place dâhonneur suprême en lâassociant à la gloire de David et du Messie. Du terrain stérile est sortie une source rafraîchissante qui nâattendait, pour se montrer, que le moment où tout espoir humain était perdu. Cette fontaine devient une eau courante, un fleuve large et profond, le fleuve de la grâce divine, qui porte Israël jusquâà lâOcéan des bénédictions messianiques et millénaires!