Ces chapitres constituent une nouvelle division du livre des Juges. Nous avons vu, du chap. 3 au 12°, une série de délivrances opérées par des instruments suscités de Dieu. Câest la période des réveils. La division qui va nous occuper a un caractère spécial.
Israël retombe encore: «Et les fils dâIsraël firent de nouveau ce qui est mauvais aux yeux de lâÃternel, et lâÃternel les livra en la main des Philistins pendant 40 ans» (13:1). Dieu ne nous donne aucun détail sur cette nouvelle décadence, mais nous reconnaissons ce quâil en pense à la pesanteur de sa verge sur son peuple. Ce châtiment, ce sont les Philistins; rien ne dépeint mieux lâétat dâIsraël que ce fait. Jusquâici lâasservissement était venu soit des ennemis du dehors, soit de Jabin, chef des anciens possesseurs du pays, soit enfin des nations sorties dâIsraël selon la chair et qui lâattaquaient sur ses confins. Ici, nous trouvons lâennemi lui-même établi dans les limites dâIsraël et le ravageant. Le Philistin domine sur le peuple et lâasservit. Nos jours ne diffèrent guère moralement de ce temps-là . Lâinfidélité de lâÃglise a produit depuis longtemps cette dernière manifestation du mal. Ce qui était autrefois hors de la maison de Dieu y domine; les hommes décrits au chap. 1° des Romains en sont devenus les habitants et impriment leur caractère au peuple de Dieu (cf. Rom. 1; 2 Tim. 3:1-5). Ce mélange est ce que lâon appelle la chrétienté.
Or, en un temps pareil, quelle est la ressource du peuple de lâÃternel? Un mot répond à cette question: le Nazaréat. Ce qui doit nous caractériser aujourdâhui, câest une séparation entière et complète, une consécration réelle et générale pour Dieu.
Avant dâaborder lâhistoire de Samson, touchons ce point important. Sous la loi, tout étant extérieurement en ordre, le nazaréat était temporaire (Nomb. 6); en un temps de ruine, il devient perpétuel, à commencer par lâexemple que nous avons sous les yeux. Samson est un Nazaréen dès le ventre de sa mère. Ce caractère de perpétuité du nazaréat se retrouve en Samuel juge et prophète (1 Sam. 1:11), puis cesse avec David, type de la grâce royale, et Salomon, type de la gloire royale de Christ. Alors vient la ruine du peuple sous la royauté responsable de lâhomme, comme on lâavait eue dans les Juges sous le gouvernement plus direct de Dieu. Cette ruine du peuple et de la royauté consommée, Israël est livré entre les mains des gentils; un résidu de Juda est restauré pour attendre le Messie.
La maison est nettoyée, sans doute, mais le peuple est sans vie. Jean Baptiste est suscité avec un nazaréat permanent (Luc 1:15), quand la ruine est pleinement manifestée, non encore consommée par le rejet de Christ, et que le jugement, mais aussi le Sauveur, est à la porte. Annoncé par Jean Baptiste, Jésus paraît, lui, vrai Joseph, Nazaréen entre ses frères, mais sans les signes du nazaréat terrestre, parce quâil est lui-même la réalité de ce type. Cette qualité seule proclame hautement la ruine du peuple. à la fin de sa carrière, le Seigneur entre dans une seconde phase céleste de son nazaréat. Il se sanctifie lui-même pour ses disciples, dans le ciel, vrai Nazaréen, séparé des pécheurs et assis à la droite de Dieu, laissant les siens ici-bas pour y représenter son nazaréat. Le monde étant, par la croix, convaincu de péché, ruiné et jugé, les disciples, puis lâÃglise, deviennent des Nazaréens célestes à perpétuité au milieu du monde. Nous verrons, en parcourant lâhistoire de Samson, comment lâÃglise elle-même a répondu à cette vocation.
Il est une autre remarque importante. Ce qui, sous la loi, était lâapanage du petit nombre, est la portion de tous sous la grâce. La sacrificature qui ne comprenait quâune seule famille en opposition avec la tribu des Lévites, est devenue le privilège universel de tous les enfants de Dieu. (1 Pierre 2:5, 9). Une classe moins nombreuse encore au milieu dâIsraël, celle des Nazaréens, composée de quelques hommes ou femmes isolés (sans parler des Récabites (Jér. 35) aux jours des prophètes), caractérise maintenant tous les fidèles. Nous en avons donné la raison, câest que la séparation pour Dieu est nécessairement la marque des témoins en contact avec lâhomme ruiné, avec le monde à la veille du jugement. Cette vérité du nazaréat universel et permanent remplit le Nouveau Testament, et resplendit à chaque page du saint livre pour qui a des yeux pour voir. Elle est dâune immense importance pratique.
Sous la loi, un Nazaréen, homme ou femme, se séparait pendant un temps déterminé pour le service de Dieu. Cette séparation consistait en trois choses (Nomb. 6:1-9) qui touchaient, en figure, aux éléments les plus nécessaires et les plus importants de la vie humaine. La sociabilité tient à la nature et à lâexistence même de lâhomme. Or le Nazaréen devait sâabstenir de vin et de boisson forte. Il est dit du vin (Juges 9:13), quâil «réjouit Dieu et les hommes». Cette joie des hommes sociables, ils auraient pu la partager en commun avec Dieu, mais le péché était entré par lâhomme, et Dieu ne pouvait plus se réjouir avec lui. Celui qui se consacrait au service de Dieu ne pouvait plus trouver sa joie dans la société de ses semblables, car Dieu nâa rien de commun avec la joie des pécheurs. Le serviteur du Seigneur ne peut chercher ses amis dans le monde, sâasseoir à leurs banquets, partager leurs plaisirs, parce que Dieu nây est pas. Plus la ruine éclate et plus ce fait sâaccentue. Les chrétiens manquent beaucoup en cela. Ils ont des «amis mondains», cultivent leur société, non pour leur apporter lâévangile, mais pour jouir de lâagrément quâelle leur procure. Hélas! nous ne ressemblons guère à Paul, quand il disait: «Je ne connais personne selon la chair». Sous ce rapport, comme sous tous les autres, le Seigneur était un Nazaréen parfait, étranger à toutes les joies de lâhomme sociable. Il dit même à ses disciples, en cette rencontre quâil avait ardemment désirée, lorsque, en face de la mort, il aurait pu goûter un instant de joie terrestre avec eux: «En vérité, je vous dis que je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusquâà ce jour où je le boirai nouveau dans le royaume de Dieu» (Marc 14:25). Le jour viendra où le vin qui réjouit Dieu et les hommes sera bu nouveau dans une scène purifiée du péché, à laquelle le vrai serviteur pourra sâassocier sans restriction. La parole de Dieu insiste sur lâimportance de cette séparation: «Il ne boira ni vinaigre de vin, ni vinaigre de boisson forte, et il ne boira dâaucune liqueur de raisins, et ne mangera point de raisins frais ou secs; ... il ne mangera rien de ce qui est fait de la vigne, depuis les pépins jusquâà la peau» (Nomb. 6:3, 4). Observons-nous cela, mes frères? Tout ce qui touche, de près ou de loin, à la joie du cÅur de lâhomme naturel nous est-il étranger? Comment réalisons-nous notre nazaréat? Mais, direz-vous, où est la possibilité de le réaliser dâune manière aussi absolue? Cette possibilité, nous la trouvons dans notre caractère céleste. Nous avons un nazaréat céleste. La séparation sous le judaïsme était une séparation matérielle; sous le christianisme, elle devient spirituelle et céleste. Le Seigneur auquel nous appartenons est séparé des pécheurs et élevé plus haut que les cieux. Il a deux moyens pour nous séparer avec lui et comme lui; le premier, la parole de Dieu, nous mettant en rapport avec le Père dans le ciel, le second, sa propre personne à lui, un Christ sanctifié pour nous dans le ciel, afin de marquer et dâétablir que nos relations, nos liens, nos affections sont désormais célestes, au milieu dâun monde jugé qui a rejeté Christ.
Une seconde chose caractérisait le Nazaréen: «Pendant tous les jours du vÅu de son nazaréat, le rasoir ne passera pas sur sa tête; jusquâà lâaccomplissement des jours pour lesquels il sâest séparé pour être à lâÃternel, il sera saint; il laissera croître les boucles des cheveux de sa tête». (Nomb. 6:5). à côté de la sociabilité, il est un second trait qui touche à lâessence même de lâêtre humain. Lâhomme est un être personnel, à volonté indépendante, et pour lequel rien ne saurait être plus important que le moi, sa dignité et tout ce qui sây rattache. Or les cheveux longs séparent en figure le Nazaréen de tout cela. Ils sont à la fois le symbole de la dépendance et du déshonneur. (1 Cor. 11). La longue chevelure du Nazaréen annonçait ouvertement quâil abandonnait sa dignité et ses droits personnels comme homme pour se vouer au service de Dieu. Ce qui, pour la femme, était une gloire, était une honte pour lui. Il abdiquait sa personnalité sous ce voile. Lui, né pour cette dignité, la négligeait; lui, établi pour dominer, se soumettait à lâÃternel, comme la femme à son mari. Sans cette dépendance, ni service pour Dieu, ni puissance dans le service. Ce qui était pour le Nazaréen signe de faiblesse, devenait la source de sa force. En outre, son dévouement pour le Seigneur se traduisait par lâoubli de soi-même qui le portait à se négliger pour accomplir pleinement son service.
Une troisième chose le caractérisait encore: «Pendant tous les jours de sa consécration à lâÃternel, il ne sâapprochera dâaucune personne morte. Il ne se rendra pas impur pour son père, ni pour sa mère, ni pour son frère, ni pour sa sÅur, quand ils mourront; car le nazaréat de son Dieu est sur sa tête» (Nomb. 6:6, 7). Le troisième caractère attaché à lâhomme depuis la chute, et inhérent à son être, câest le péché, prouvé par sa conséquence, la mort. Voilà ce que le Nazaréen devait éviter à tout prix. Les liens les plus forts, ceux de la famille, ne devaient pas entrer en ligne de compte, quand il sâagissait de se sanctifier pour le service de Dieu. Combien nous comprenons peu cela! Ils sont nombreux, les chrétiens qui disent: «Permets-moi de mâen aller premièrement et dâensevelir mon père». Dâautres disent: Je ne puis, mes parents me le défendraient. Ceux-là ne sont pas des Nazaréens. Mais ce nâétaient pas seulement les liens de famille, dont le Nazaréen ne devait tenir aucun compte quand il sâagissait du service, et quâil devait répudier selon lâexemple du Nazaréen parfait: «Quây a-t-il entre moi et toi, femme? Mon heure nâest pas encore venue». «Qui est ma mère, et qui sont mes frères?» (Jean 2:4; Matt. 12:48). Le Nazaréen devait sâabstenir de tout péché, de toute souillure. Nous avons remarqué ailleurs1 que la loi nâavait aucune ressource pour le péché volontaire, tandis que câest à lui tout particulièrement que la grâce sâadresse. Un seul péché volontaire, lâabandon du christianisme, est hors des ressources de la grâce. (Héb. 10:26). Hormis le péché volontaire, la loi avait des ressources. 1° Dans la vie journalière de lâIsraélite, pour le péché par erreur et le délit. (Lév. 4:5). 2° Dans sa marche, pour le péché par manque de vigilance ou inadvertance (Nomb. 19). 3° Dans son service, pour le péché par négligence et pour le péché imprévu quâil semblait impossible à lâhomme dâéviter. «Et si quelquâun vient à mourir subitement auprès de lui, dâune manière imprévue et quâil ait rendu impure la tête de son nazaréat...» (Nomb. 6:9). Câétait un cas involontaire et impossible à prévoir, et cependant câétait péché, dâautant plus quâil sâagissait dâun service particulièrement important et honoré. Ce fait parle à nos consciences. Notre nazaréat implique la séparation la plus absolue des souillures de ce monde. Nulle part, dans ce chapitre, Dieu ne suppose que le Nazaréen puisse, de propos délibéré, boire du vin, tailler ses cheveux, ou toucher un mort. Il en est de même pour nous. Dieu ne suppose pas que nous devions pécher, et il agit envers nous sur ce principe.
1 La Génisse rousse [de H.R.]
Les trois marques du nazaréat, dont nous venons de parler, nâétaient, malgré leur importance (on pourrait facilement lâoublier), que les caractères extérieurs de cette vocation. Ces marques étaient la conséquence dâun vÅu, dâune consécration au service de lâÃternel, dâune séparation intérieure de lââme pour lui. «Si un homme ou une femme se consacre en faisant vÅu de nazaréat, pour se séparer afin dâêtre à lâÃternel...» (Nomb. 6:2). Jâinsiste sur ce point important. Un vÅu était une décision de servir Dieu dâune certaine manière; elle était sans restriction. On se dévouait ainsi au service de lâÃternel. Ce même dévouement à Dieu et à Christ est à la base du nazaréat chrétien. Sâil nây est pas, nous nous exposons à quelque chute grave. On peut être Nazaréen dâune manière presque extérieure, posséder même, comme Samson, la grande puissance qui accompagne le nazaréat, et nâêtre pas séparé dans son cÅur. Sans doute, ce côté, purement extérieur sous la loi, ne lâest plus sous le christianisme. On peut être aujourdâhui membre dâune société de tempérance sans être un Nazaréen. Ce qui correspond à ces signes extérieurs, câest, pour le chrétien, un témoignage rendu devant le monde, nous séparant de ses souillures aussi bien que de ses joies, et nous faisant marcher ouvertement dans un chemin de dépendance qui prend la parole de Dieu pour règle. Or nous pourrions professer ces choses, marcher extérieurement dans le chemin du nazaréat, et cependant avoir des cÅurs partagés et non sanctifiés. Ce chemin aboutit à une défaite comme celle de Samson, et, sâil nây aboutit pas, nous y perdons en tout cas beaucoup des bénédictions qui découlent de lâentière consécration au service du Seigneur. Au chap. 7 du Lévitique, la fête du sacrifice de prospérités durait deux jours pour celui qui avait fait un vÅu, un jour seulement quand il sâagissait dâune action de grâces pour des bénédictions reçues. Lâinfluence du renoncement à tout ce que le monde pouvait offrir, se montre aussi dans le culte dâAbraham, aux chap. 12 et 13 de la Genèse. Abraham y dresse trois autels; celui de Sichem, lâautel de lâobéissance à lâÃternel qui lui était apparu; celui de Béthel, lâautel du voyageur, au nom de lâÃternel; celui dâHébron, lâautel du renoncement, à lâÃternel lui-même, et câest là que le patriarche réalise les bénédictions divines dans toute leur étendue.
Revenons au Nazaréen. Il est intéressant de voir ce quâil devait faire, lorsquâil avait «rendu impure la tête de son nazaréat» (Nomb. 6:9-11). Un de ces actes correspondait à la perte de son nazaréat extérieur, lâautre à la perte de son vÅu, de sa consécration intérieure. Il devait se raser la tête. Câétait la reconnaissance publique quâil avait manqué, mais aussi lâaveu que la puissance de son nazaréat lâavait quitté. Le Nazaréen repentant nâétait pas comme Samson qui «ne savait pas que lâÃternel sâétait retiré de lui». Il le reconnaissait, proclamant, pour ainsi dire, quâil nâétait plus qualifié pour le service. Ensuite, il devait offrir «deux tourterelles ou deux pigeonneaux», sacrifice de celui «qui ne pouvait atteindre à un agneau». Câétait reconnaître son incapacité, son néant comme serviteur, en même temps que la valeur du sang offert pour sa purification. Nous devons prendre note de ces choses; ne pas prendre extérieurement une attitude de force spirituelle, quand nous avons perdu la communion avec le Seigneur, et confesser avec humiliation devant Dieu notre péché, quand nous avons manqué au devoir de notre service.
Continuons ce service sans lassitude et ne le laissons interrompre par rien. Il venait un jour où le nazaréat cessait. Alors le Nazaréen offrait tous les sacrifices. Ce jour luira pour nous aussi, quand le Seigneur viendra et que son sacrifice aura porté ses suprêmes conséquences, le péché aboli, la mort anéantie, et Satan brisé pour toujours sous nos pieds. Alors nous raserons la tête de notre nazaréat (Nomb. 6:18); alors la puissance du Saint Esprit ne sera plus employée pour nous communiquer la force qui nous sépare de tout mal dans notre service; alors nous mettrons «les cheveux de la tête de notre nazaréat sur le feu qui est sous le sacrifice de prospérités», car notre force tout entière sera employée à la joie dâune communion sans mélange, et la scène du monde nouveau sera, comme nous-mêmes, parfaitement conforme aux pensées et au cÅur de Dieu!
Le peuple retombé dans lâinfidélité est asservi à lâennemi du dedans, aux Philistins établis dans le territoire dâIsraël. Câest la dernière période de lâhistoire du déclin. Les fils dâIsraël ne crient plus à lâÃternel; souffrant cette domination, ils ne désirent pas même en être délivrés (chap. 15:11), et, pour vivre tranquilles sous cet esclavage, ils cherchent à se défaire de leur libérateur. Nous touchons au temps de leur complète apostasie.
Au milieu de cet état de choses irrémédiable, Dieu sépare un résidu pieux et lui adresse ses communications. Manoah et sa femme craignent lâÃternel, écoutent sa voix et se parlent lâun à lâautre (conf. Malach. 3:16), type frappant du résidu des Marie et des Ãlisabeth, des Anne, des Zacharie et des Siméon, attendant le vrai Messie, le Sauveur dâIsraël; type aussi de ce résidu futur qui, traversant la tribulation, suivra les sentiers de justice, attendant la venue de son roi.
Samson, le libérateur dâIsraël, trouve à sa naissance non pas un peuple qui lâacclame, mais ce couple pieux qui croit en sa mission. Le Seigneur, rejeté du peuple dès son arrivée sur la scène, ne trouve que quelques âmes fidèles auxquelles il se puisse associer, ces excellents de la terre, mentionnés au Ps. 16, dans lesquels il trouve ses délices. Le temps de la ruine irrémédiable est donc le temps des résidus. Il en est de même pour la période actuelle de lâÃglise. Le souverain prophète annonce cette période à ses disciples, quand il leur parle dâune assemblée réduite à deux ou trois, réunis autour du vrai centre, autour du nom de Christ, pendant son absence. Cette période est mentionnée par lâApocalypse lorsque, en présence de lâidolâtrie de Thyatire, de la mort de Sardes et de la tiédeur écÅurante de Laodicée, lâapprobation du Saint et du Véritable est prononcée sur le faible résidu sanctifié de Philadelphie.
Ce qui caractérise le résidu en tout temps, câest le Nazaréat, lâentière «séparation afin dâêtre à lâÃternel». LâAnge de lâÃternel, apparaissant à la femme de Manoah, lui dit: «Voici, tu es stérile et tu nâenfantes pas; mais tu concevras, et tu enfanteras un fils. Et maintenant, prends garde, je te prie, et ne bois ni vin ni boisson forte, et ne mange rien dâimpur» (v. 3-4). Cette femme avait à se revêtir du nazaréat, parce quâelle était le vase choisi de Dieu pour présenter au peuple le sauveur promis. «Car voici, tu concevras, et tu enfanteras un fils; et le rasoir ne passera pas sur sa tête, car le jeune garçon sera nazaréen de Dieu dès le ventre de sa mère; et ce sera lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins» (v. 5). Le nazaréat de Samson impliquait celui de sa mère. Pour faire honneur au sauveur dâIsraël ses témoins devaient porter aux yeux de tous les marques de son propre caractère. Cette vérité est de tous les temps. Si nous ne portons pas ici-bas le caractère de Christ, caractère dâentière séparation pour Dieu, nous ne sommes pas les témoins de notre Sauveur. Depuis lâapparition de Christ, le nazaréat permanent doit caractériser les fidèles, comme il caractérise le Seigneur. Plus la ruine augmente, plus il est mis en évidence. La 2° épître à Timothée qui nous présente les temps de la fin, est remplie des caractères du nazaréat. Au chap. 2:19, câest le Nazaréen se retirant de tout contact avec le péché; au chap. 2:21, sa purification pour Dieu; aux chap. 3:10, 11, et 4:5-7, le serviteur de Dieu marchant dans lâoubli de lui-même, dans la dépendance complète du Seigneur. Nâest-ce pas le Nazaréen qui parle en 2 Cor. 4:7-12? Aux chap. 6-7:1, de cette même épître, nous retrouvons encore le nazaréat sous ses traits principaux; aux v. 4-10, lâopprobre et lâoubli de soi-même; aux v. 14-15, la séparation de toute association avec le monde; au chap. 7:1, la purification de toute souillure de chair et dâesprit. On pourrait multiplier les citations. Ce quâil importe dâétablir, câest quâil nây a pour nous ni marche, ni témoignage, ni service, sans le nazaréat, câest-à -dire sans la consécration et la séparation pour Dieu.
Au v. 6, la femme de Manoah raconte à son mari la visite de lâAnge: «Un homme de Dieu est venu vers moi, et son aspect était comme lâaspect dâun ange de Dieu, très terrible; et je ne lui ai pas demandé dâoù il était, et il ne mâa pas fait connaître son nom». Cette pauvre femme a peu dâintelligence: elle ne sait ni dâoù lâange vient, ni qui il est, et ne le lui demande pas, preuve de son peu dâintimité avec Dieu. Loin de la rassurer, la présence du Dieu des promesses lâeffraye, car elle ne voit lâange que sous son aspect «très terrible». Manoah lui-même, homme dâune piété sincère, a peu de connaissance, mais désire en avoir davantage. Il veut savoir ce quâil «doit faire au jeune garçon» (v. 8), puis ce que «le jeune garçon devra faire» (v. 12). Au lieu de répondre à ses questions, lâAnge de lâÃternel lui dit: «La femme se gardera de tout ce que je lui ai dit. Elle ne mangera rien de ce qui sort de la vigne, et elle ne boira ni vin ni boisson forte, et ne mangera rien dâimpur. Elle prendra garde à tout ce que je lui ai commandé» (v. 13, 14). Pourquoi? Câest que Dieu ne demande pas la connaissance en premier lieu. Ni celle-ci, ni même une vraie piété, comme celle de Manoah et de sa femme, ne suffisent pour nous garder au milieu de la ruine. Ce quâil leur fallait avant la connaissance, câétait la vraie séparation personnelle pour Dieu, séparation qui avait pour modèle et pour mesure le nazaréat de celui qui était près de paraître.
Dâautres vérités, partage des témoins de Christ en un temps de déclin, nous sont encore révélées ici. «Manoah dit à lâAnge de lâÃternel: Quel est ton nom... Et lâAnge de lâÃternel lui dit: Pourquoi demandes-tu mon nom? Il est merveilleux. Et Manoah prit le chevreau et le gâteau, et il les offrit à lâÃternel sur le rocher. Et il fit une chose merveilleuse, tandis que Manoah et sa femme regardaient» (v. 17-19). En repassant lâhistoire des différentes périodes de ce livre, nous trouvons quâà chaque réveil correspondent certains principes qui le caractérisent. Les temps dâOthniel, dâÃhud, de Barak, de Gédéon, de Jephthé, présentent chacun quelque principe nouveau; mais Dieu réserve aux derniers temps de la ruine des vérités précieuses entre toutes, cachées jusquâalors et merveilleuses. Cette manière dâagir est digne du Dieu dâamour! Connaissant les difficultés des siens au milieu de lâinfidélité grandissante, et voulant arracher leur cÅur à ce milieu ténébreux, il met en lumière et confie à ses témoins des vérités de plus en plus glorieuses.
Ces vérités ont le sacrifice pour point de départ. Manoah, plus intelligent que Gédéon (conf. 6:19), prend le chevreau et le gâteau et les offre à lâÃternel sur le rocher. La croix est le fondement de toute notre connaissance comme enfants de Dieu. Manoah désirait connaître beaucoup de choses que lâÃternel ne peut lui révéler avant le sacrifice. Mais ce fondement posé, lâAnge fait une chose merveilleuse, révélée, sans doute, dâune manière encore obscure et symbolique aux yeux de ce pauvre résidu qui attendait un Sauveur. «Il arriva que, comme la flamme montait de dessus lâautel vers les cieux, lâAnge de lâÃternel monta dans la flamme de lâautel, Manoah et sa femme regardant» (v. 20). Ils trouvent dans le feu du sacrifice un chemin nouveau, non frayé jusque-là , chemin du représentant de lâÃternel pour remonter vers lui, et leurs regards, attachés sur lâAnge, voient une personne glorieuse dont ils connaissent la demeure, maintenant quâelle a disparu de devant leurs yeux. Alors seulement, «Manoah connut que câétait lâAnge de lâÃternel» (v. 21). Le cÅur, les intérêts de ce pauvre résidu, sont en ce moment sortis de ce monde et prennent le chemin de lâAnge pour monter avec lui dans les cieux. Ces simples croyants pourront parler désormais dâun chemin qui conduit dans le ciel, et dâune personne qui sây trouve, devenue leur objet, tandis quâils sont encore ici-bas.
Dans cet acte merveilleux, une chose encore était révélée, non pour Manoah, mais pour nous: le caractère futur de ce nazaréat dont lâAnge leur avait parlé. Il est maintenant céleste, comme nous lâavons dit plus haut. LâAnge en se séparant dâeux, se sépare dans le ciel. Le Seigneur Jésus, rejeté du monde, a dit: «Je me sanctifie moi-même pour eux, afin quâeux aussi soient sanctifiés par la vérité» (Jean 17:19). Séparé dans les cieux, il nous attire à sa suite, et fixe nos yeux sur lui-même, afin que nous reproduisions ici-bas le caractère céleste de Celui que le monde a rejeté. Devant cette révélation, à peine entrevue par eux, mais qui nous sert dâinstruction, les époux «tombèrent sur leurs faces contre terre» (v. 20). Et nous, nâadorerons-nous pas bien plus, au milieu des ténèbres grandissantes, le Dieu qui nous a révélé, avec un Christ céleste et glorieux, notre place en lui, et nous lâa donné comme objet, afin que nous puissions le reproduire dans ce monde? De telles bénédictions sont faites pour remplir nos cÅurs de joie et de reconnaissance. Que des chrétiens, cherchant leur place avec le monde, marchent ici-bas la tête penchée, en voyant lâétat de choses qui les entoure, quâils affligent chaque jour leurs âmes, comme faisait jadis le juste Lot â telle nâest point notre part; nous ne sommes pas appelés à jouer le rôle de Lot ici-bas. Notre part est avec Abraham, lâami de Dieu. La ruine nâabattait pas son âme. Comme un Nazaréen, il se tenait sur sa haute montagne, les yeux fixés non sur Sodome, mais sur la cité qui a des fondements. Jésus a dit de lui: «Abraham... a tressailli de joie de ce quâil verrait mon jour; et il lâa vu, et sâest réjoui» (Jean 8:56). Ah! plutôt que de nous décourager, bénissons Dieu; rendons-lui grâce du trésor céleste quâil nous a donné en Christ.
Comme tant de cÅurs chrétiens aujourdâhui, celui de Manoah est rempli de crainte quand il se trouve devant Dieu. «Il dit à sa femme: Nous mourrons certainement, car nous avons vu Dieu» (v. 22). Sa compagne lui est vraiment une aide. Y a-t-il lieu de craindre, dit-elle, quand Dieu a accepté notre offrande? Lâamour de Dieu, montré pour nous à la croix, nous est le sûr garant de tout le reste. «Celui même qui nâa pas épargné son propre Fils, mais qui lâa livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi, librement, de toutes choses avec lui?» (Rom. 8:32)
versets 1-25
Chapitres 13 à 16 - Le Nazaréat
Ces chapitres constituent une nouvelle division du livre des Juges. Nous avons vu, du chap. 3 au 12°, une série de délivrances opérées par des instruments suscités de Dieu. Câest la période des réveils. La division qui va nous occuper a un caractère spécial.
Israël retombe encore: «Et les fils dâIsraël firent de nouveau ce qui est mauvais aux yeux de lâÃternel, et lâÃternel les livra en la main des Philistins pendant 40 ans» (13:1). Dieu ne nous donne aucun détail sur cette nouvelle décadence, mais nous reconnaissons ce quâil en pense à la pesanteur de sa verge sur son peuple. Ce châtiment, ce sont les Philistins; rien ne dépeint mieux lâétat dâIsraël que ce fait. Jusquâici lâasservissement était venu soit des ennemis du dehors, soit de Jabin, chef des anciens possesseurs du pays, soit enfin des nations sorties dâIsraël selon la chair et qui lâattaquaient sur ses confins. Ici, nous trouvons lâennemi lui-même établi dans les limites dâIsraël et le ravageant. Le Philistin domine sur le peuple et lâasservit. Nos jours ne diffèrent guère moralement de ce temps-là . Lâinfidélité de lâÃglise a produit depuis longtemps cette dernière manifestation du mal. Ce qui était autrefois hors de la maison de Dieu y domine; les hommes décrits au chap. 1° des Romains en sont devenus les habitants et impriment leur caractère au peuple de Dieu (cf. Rom. 1; 2 Tim. 3:1-5). Ce mélange est ce que lâon appelle la chrétienté.
Or, en un temps pareil, quelle est la ressource du peuple de lâÃternel? Un mot répond à cette question: le Nazaréat. Ce qui doit nous caractériser aujourdâhui, câest une séparation entière et complète, une consécration réelle et générale pour Dieu.
Avant dâaborder lâhistoire de Samson, touchons ce point important. Sous la loi, tout étant extérieurement en ordre, le nazaréat était temporaire (Nomb. 6); en un temps de ruine, il devient perpétuel, à commencer par lâexemple que nous avons sous les yeux. Samson est un Nazaréen dès le ventre de sa mère. Ce caractère de perpétuité du nazaréat se retrouve en Samuel juge et prophète (1 Sam. 1:11), puis cesse avec David, type de la grâce royale, et Salomon, type de la gloire royale de Christ. Alors vient la ruine du peuple sous la royauté responsable de lâhomme, comme on lâavait eue dans les Juges sous le gouvernement plus direct de Dieu. Cette ruine du peuple et de la royauté consommée, Israël est livré entre les mains des gentils; un résidu de Juda est restauré pour attendre le Messie.
La maison est nettoyée, sans doute, mais le peuple est sans vie. Jean Baptiste est suscité avec un nazaréat permanent (Luc 1:15), quand la ruine est pleinement manifestée, non encore consommée par le rejet de Christ, et que le jugement, mais aussi le Sauveur, est à la porte. Annoncé par Jean Baptiste, Jésus paraît, lui, vrai Joseph, Nazaréen entre ses frères, mais sans les signes du nazaréat terrestre, parce quâil est lui-même la réalité de ce type. Cette qualité seule proclame hautement la ruine du peuple. à la fin de sa carrière, le Seigneur entre dans une seconde phase céleste de son nazaréat. Il se sanctifie lui-même pour ses disciples, dans le ciel, vrai Nazaréen, séparé des pécheurs et assis à la droite de Dieu, laissant les siens ici-bas pour y représenter son nazaréat. Le monde étant, par la croix, convaincu de péché, ruiné et jugé, les disciples, puis lâÃglise, deviennent des Nazaréens célestes à perpétuité au milieu du monde. Nous verrons, en parcourant lâhistoire de Samson, comment lâÃglise elle-même a répondu à cette vocation.
Il est une autre remarque importante. Ce qui, sous la loi, était lâapanage du petit nombre, est la portion de tous sous la grâce. La sacrificature qui ne comprenait quâune seule famille en opposition avec la tribu des Lévites, est devenue le privilège universel de tous les enfants de Dieu. (1 Pierre 2:5, 9). Une classe moins nombreuse encore au milieu dâIsraël, celle des Nazaréens, composée de quelques hommes ou femmes isolés (sans parler des Récabites (Jér. 35) aux jours des prophètes), caractérise maintenant tous les fidèles. Nous en avons donné la raison, câest que la séparation pour Dieu est nécessairement la marque des témoins en contact avec lâhomme ruiné, avec le monde à la veille du jugement. Cette vérité du nazaréat universel et permanent remplit le Nouveau Testament, et resplendit à chaque page du saint livre pour qui a des yeux pour voir. Elle est dâune immense importance pratique.
Sous la loi, un Nazaréen, homme ou femme, se séparait pendant un temps déterminé pour le service de Dieu. Cette séparation consistait en trois choses (Nomb. 6:1-9) qui touchaient, en figure, aux éléments les plus nécessaires et les plus importants de la vie humaine. La sociabilité tient à la nature et à lâexistence même de lâhomme. Or le Nazaréen devait sâabstenir de vin et de boisson forte. Il est dit du vin (Juges 9:13), quâil «réjouit Dieu et les hommes». Cette joie des hommes sociables, ils auraient pu la partager en commun avec Dieu, mais le péché était entré par lâhomme, et Dieu ne pouvait plus se réjouir avec lui. Celui qui se consacrait au service de Dieu ne pouvait plus trouver sa joie dans la société de ses semblables, car Dieu nâa rien de commun avec la joie des pécheurs. Le serviteur du Seigneur ne peut chercher ses amis dans le monde, sâasseoir à leurs banquets, partager leurs plaisirs, parce que Dieu nây est pas. Plus la ruine éclate et plus ce fait sâaccentue. Les chrétiens manquent beaucoup en cela. Ils ont des «amis mondains», cultivent leur société, non pour leur apporter lâévangile, mais pour jouir de lâagrément quâelle leur procure. Hélas! nous ne ressemblons guère à Paul, quand il disait: «Je ne connais personne selon la chair». Sous ce rapport, comme sous tous les autres, le Seigneur était un Nazaréen parfait, étranger à toutes les joies de lâhomme sociable. Il dit même à ses disciples, en cette rencontre quâil avait ardemment désirée, lorsque, en face de la mort, il aurait pu goûter un instant de joie terrestre avec eux: «En vérité, je vous dis que je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusquâà ce jour où je le boirai nouveau dans le royaume de Dieu» (Marc 14:25). Le jour viendra où le vin qui réjouit Dieu et les hommes sera bu nouveau dans une scène purifiée du péché, à laquelle le vrai serviteur pourra sâassocier sans restriction. La parole de Dieu insiste sur lâimportance de cette séparation: «Il ne boira ni vinaigre de vin, ni vinaigre de boisson forte, et il ne boira dâaucune liqueur de raisins, et ne mangera point de raisins frais ou secs; ... il ne mangera rien de ce qui est fait de la vigne, depuis les pépins jusquâà la peau» (Nomb. 6:3, 4). Observons-nous cela, mes frères? Tout ce qui touche, de près ou de loin, à la joie du cÅur de lâhomme naturel nous est-il étranger? Comment réalisons-nous notre nazaréat? Mais, direz-vous, où est la possibilité de le réaliser dâune manière aussi absolue? Cette possibilité, nous la trouvons dans notre caractère céleste. Nous avons un nazaréat céleste. La séparation sous le judaïsme était une séparation matérielle; sous le christianisme, elle devient spirituelle et céleste. Le Seigneur auquel nous appartenons est séparé des pécheurs et élevé plus haut que les cieux. Il a deux moyens pour nous séparer avec lui et comme lui; le premier, la parole de Dieu, nous mettant en rapport avec le Père dans le ciel, le second, sa propre personne à lui, un Christ sanctifié pour nous dans le ciel, afin de marquer et dâétablir que nos relations, nos liens, nos affections sont désormais célestes, au milieu dâun monde jugé qui a rejeté Christ.
Une seconde chose caractérisait le Nazaréen: «Pendant tous les jours du vÅu de son nazaréat, le rasoir ne passera pas sur sa tête; jusquâà lâaccomplissement des jours pour lesquels il sâest séparé pour être à lâÃternel, il sera saint; il laissera croître les boucles des cheveux de sa tête». (Nomb. 6:5). à côté de la sociabilité, il est un second trait qui touche à lâessence même de lâêtre humain. Lâhomme est un être personnel, à volonté indépendante, et pour lequel rien ne saurait être plus important que le moi, sa dignité et tout ce qui sây rattache. Or les cheveux longs séparent en figure le Nazaréen de tout cela. Ils sont à la fois le symbole de la dépendance et du déshonneur. (1 Cor. 11). La longue chevelure du Nazaréen annonçait ouvertement quâil abandonnait sa dignité et ses droits personnels comme homme pour se vouer au service de Dieu. Ce qui, pour la femme, était une gloire, était une honte pour lui. Il abdiquait sa personnalité sous ce voile. Lui, né pour cette dignité, la négligeait; lui, établi pour dominer, se soumettait à lâÃternel, comme la femme à son mari. Sans cette dépendance, ni service pour Dieu, ni puissance dans le service. Ce qui était pour le Nazaréen signe de faiblesse, devenait la source de sa force. En outre, son dévouement pour le Seigneur se traduisait par lâoubli de soi-même qui le portait à se négliger pour accomplir pleinement son service.
Une troisième chose le caractérisait encore: «Pendant tous les jours de sa consécration à lâÃternel, il ne sâapprochera dâaucune personne morte. Il ne se rendra pas impur pour son père, ni pour sa mère, ni pour son frère, ni pour sa sÅur, quand ils mourront; car le nazaréat de son Dieu est sur sa tête» (Nomb. 6:6, 7). Le troisième caractère attaché à lâhomme depuis la chute, et inhérent à son être, câest le péché, prouvé par sa conséquence, la mort. Voilà ce que le Nazaréen devait éviter à tout prix. Les liens les plus forts, ceux de la famille, ne devaient pas entrer en ligne de compte, quand il sâagissait de se sanctifier pour le service de Dieu. Combien nous comprenons peu cela! Ils sont nombreux, les chrétiens qui disent: «Permets-moi de mâen aller premièrement et dâensevelir mon père». Dâautres disent: Je ne puis, mes parents me le défendraient. Ceux-là ne sont pas des Nazaréens. Mais ce nâétaient pas seulement les liens de famille, dont le Nazaréen ne devait tenir aucun compte quand il sâagissait du service, et quâil devait répudier selon lâexemple du Nazaréen parfait: «Quây a-t-il entre moi et toi, femme? Mon heure nâest pas encore venue». «Qui est ma mère, et qui sont mes frères?» (Jean 2:4; Matt. 12:48). Le Nazaréen devait sâabstenir de tout péché, de toute souillure. Nous avons remarqué ailleurs1 que la loi nâavait aucune ressource pour le péché volontaire, tandis que câest à lui tout particulièrement que la grâce sâadresse. Un seul péché volontaire, lâabandon du christianisme, est hors des ressources de la grâce. (Héb. 10:26). Hormis le péché volontaire, la loi avait des ressources. 1° Dans la vie journalière de lâIsraélite, pour le péché par erreur et le délit. (Lév. 4:5). 2° Dans sa marche, pour le péché par manque de vigilance ou inadvertance (Nomb. 19). 3° Dans son service, pour le péché par négligence et pour le péché imprévu quâil semblait impossible à lâhomme dâéviter. «Et si quelquâun vient à mourir subitement auprès de lui, dâune manière imprévue et quâil ait rendu impure la tête de son nazaréat...» (Nomb. 6:9). Câétait un cas involontaire et impossible à prévoir, et cependant câétait péché, dâautant plus quâil sâagissait dâun service particulièrement important et honoré. Ce fait parle à nos consciences. Notre nazaréat implique la séparation la plus absolue des souillures de ce monde. Nulle part, dans ce chapitre, Dieu ne suppose que le Nazaréen puisse, de propos délibéré, boire du vin, tailler ses cheveux, ou toucher un mort. Il en est de même pour nous. Dieu ne suppose pas que nous devions pécher, et il agit envers nous sur ce principe.
1 La Génisse rousse [de H.R.]
Les trois marques du nazaréat, dont nous venons de parler, nâétaient, malgré leur importance (on pourrait facilement lâoublier), que les caractères extérieurs de cette vocation. Ces marques étaient la conséquence dâun vÅu, dâune consécration au service de lâÃternel, dâune séparation intérieure de lââme pour lui. «Si un homme ou une femme se consacre en faisant vÅu de nazaréat, pour se séparer afin dâêtre à lâÃternel...» (Nomb. 6:2). Jâinsiste sur ce point important. Un vÅu était une décision de servir Dieu dâune certaine manière; elle était sans restriction. On se dévouait ainsi au service de lâÃternel. Ce même dévouement à Dieu et à Christ est à la base du nazaréat chrétien. Sâil nây est pas, nous nous exposons à quelque chute grave. On peut être Nazaréen dâune manière presque extérieure, posséder même, comme Samson, la grande puissance qui accompagne le nazaréat, et nâêtre pas séparé dans son cÅur. Sans doute, ce côté, purement extérieur sous la loi, ne lâest plus sous le christianisme. On peut être aujourdâhui membre dâune société de tempérance sans être un Nazaréen. Ce qui correspond à ces signes extérieurs, câest, pour le chrétien, un témoignage rendu devant le monde, nous séparant de ses souillures aussi bien que de ses joies, et nous faisant marcher ouvertement dans un chemin de dépendance qui prend la parole de Dieu pour règle. Or nous pourrions professer ces choses, marcher extérieurement dans le chemin du nazaréat, et cependant avoir des cÅurs partagés et non sanctifiés. Ce chemin aboutit à une défaite comme celle de Samson, et, sâil nây aboutit pas, nous y perdons en tout cas beaucoup des bénédictions qui découlent de lâentière consécration au service du Seigneur. Au chap. 7 du Lévitique, la fête du sacrifice de prospérités durait deux jours pour celui qui avait fait un vÅu, un jour seulement quand il sâagissait dâune action de grâces pour des bénédictions reçues. Lâinfluence du renoncement à tout ce que le monde pouvait offrir, se montre aussi dans le culte dâAbraham, aux chap. 12 et 13 de la Genèse. Abraham y dresse trois autels; celui de Sichem, lâautel de lâobéissance à lâÃternel qui lui était apparu; celui de Béthel, lâautel du voyageur, au nom de lâÃternel; celui dâHébron, lâautel du renoncement, à lâÃternel lui-même, et câest là que le patriarche réalise les bénédictions divines dans toute leur étendue.
Revenons au Nazaréen. Il est intéressant de voir ce quâil devait faire, lorsquâil avait «rendu impure la tête de son nazaréat» (Nomb. 6:9-11). Un de ces actes correspondait à la perte de son nazaréat extérieur, lâautre à la perte de son vÅu, de sa consécration intérieure. Il devait se raser la tête. Câétait la reconnaissance publique quâil avait manqué, mais aussi lâaveu que la puissance de son nazaréat lâavait quitté. Le Nazaréen repentant nâétait pas comme Samson qui «ne savait pas que lâÃternel sâétait retiré de lui». Il le reconnaissait, proclamant, pour ainsi dire, quâil nâétait plus qualifié pour le service. Ensuite, il devait offrir «deux tourterelles ou deux pigeonneaux», sacrifice de celui «qui ne pouvait atteindre à un agneau». Câétait reconnaître son incapacité, son néant comme serviteur, en même temps que la valeur du sang offert pour sa purification. Nous devons prendre note de ces choses; ne pas prendre extérieurement une attitude de force spirituelle, quand nous avons perdu la communion avec le Seigneur, et confesser avec humiliation devant Dieu notre péché, quand nous avons manqué au devoir de notre service.
Continuons ce service sans lassitude et ne le laissons interrompre par rien. Il venait un jour où le nazaréat cessait. Alors le Nazaréen offrait tous les sacrifices. Ce jour luira pour nous aussi, quand le Seigneur viendra et que son sacrifice aura porté ses suprêmes conséquences, le péché aboli, la mort anéantie, et Satan brisé pour toujours sous nos pieds. Alors nous raserons la tête de notre nazaréat (Nomb. 6:18); alors la puissance du Saint Esprit ne sera plus employée pour nous communiquer la force qui nous sépare de tout mal dans notre service; alors nous mettrons «les cheveux de la tête de notre nazaréat sur le feu qui est sous le sacrifice de prospérités», car notre force tout entière sera employée à la joie dâune communion sans mélange, et la scène du monde nouveau sera, comme nous-mêmes, parfaitement conforme aux pensées et au cÅur de Dieu!
Un résidu
Le peuple retombé dans lâinfidélité est asservi à lâennemi du dedans, aux Philistins établis dans le territoire dâIsraël. Câest la dernière période de lâhistoire du déclin. Les fils dâIsraël ne crient plus à lâÃternel; souffrant cette domination, ils ne désirent pas même en être délivrés (chap. 15:11), et, pour vivre tranquilles sous cet esclavage, ils cherchent à se défaire de leur libérateur. Nous touchons au temps de leur complète apostasie.
Au milieu de cet état de choses irrémédiable, Dieu sépare un résidu pieux et lui adresse ses communications. Manoah et sa femme craignent lâÃternel, écoutent sa voix et se parlent lâun à lâautre (conf. Malach. 3:16), type frappant du résidu des Marie et des Ãlisabeth, des Anne, des Zacharie et des Siméon, attendant le vrai Messie, le Sauveur dâIsraël; type aussi de ce résidu futur qui, traversant la tribulation, suivra les sentiers de justice, attendant la venue de son roi.
Samson, le libérateur dâIsraël, trouve à sa naissance non pas un peuple qui lâacclame, mais ce couple pieux qui croit en sa mission. Le Seigneur, rejeté du peuple dès son arrivée sur la scène, ne trouve que quelques âmes fidèles auxquelles il se puisse associer, ces excellents de la terre, mentionnés au Ps. 16, dans lesquels il trouve ses délices. Le temps de la ruine irrémédiable est donc le temps des résidus. Il en est de même pour la période actuelle de lâÃglise. Le souverain prophète annonce cette période à ses disciples, quand il leur parle dâune assemblée réduite à deux ou trois, réunis autour du vrai centre, autour du nom de Christ, pendant son absence. Cette période est mentionnée par lâApocalypse lorsque, en présence de lâidolâtrie de Thyatire, de la mort de Sardes et de la tiédeur écÅurante de Laodicée, lâapprobation du Saint et du Véritable est prononcée sur le faible résidu sanctifié de Philadelphie.
Ce qui caractérise le résidu en tout temps, câest le Nazaréat, lâentière «séparation afin dâêtre à lâÃternel». LâAnge de lâÃternel, apparaissant à la femme de Manoah, lui dit: «Voici, tu es stérile et tu nâenfantes pas; mais tu concevras, et tu enfanteras un fils. Et maintenant, prends garde, je te prie, et ne bois ni vin ni boisson forte, et ne mange rien dâimpur» (v. 3-4). Cette femme avait à se revêtir du nazaréat, parce quâelle était le vase choisi de Dieu pour présenter au peuple le sauveur promis. «Car voici, tu concevras, et tu enfanteras un fils; et le rasoir ne passera pas sur sa tête, car le jeune garçon sera nazaréen de Dieu dès le ventre de sa mère; et ce sera lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins» (v. 5). Le nazaréat de Samson impliquait celui de sa mère. Pour faire honneur au sauveur dâIsraël ses témoins devaient porter aux yeux de tous les marques de son propre caractère. Cette vérité est de tous les temps. Si nous ne portons pas ici-bas le caractère de Christ, caractère dâentière séparation pour Dieu, nous ne sommes pas les témoins de notre Sauveur. Depuis lâapparition de Christ, le nazaréat permanent doit caractériser les fidèles, comme il caractérise le Seigneur. Plus la ruine augmente, plus il est mis en évidence. La 2° épître à Timothée qui nous présente les temps de la fin, est remplie des caractères du nazaréat. Au chap. 2:19, câest le Nazaréen se retirant de tout contact avec le péché; au chap. 2:21, sa purification pour Dieu; aux chap. 3:10, 11, et 4:5-7, le serviteur de Dieu marchant dans lâoubli de lui-même, dans la dépendance complète du Seigneur. Nâest-ce pas le Nazaréen qui parle en 2 Cor. 4:7-12? Aux chap. 6-7:1, de cette même épître, nous retrouvons encore le nazaréat sous ses traits principaux; aux v. 4-10, lâopprobre et lâoubli de soi-même; aux v. 14-15, la séparation de toute association avec le monde; au chap. 7:1, la purification de toute souillure de chair et dâesprit. On pourrait multiplier les citations. Ce quâil importe dâétablir, câest quâil nây a pour nous ni marche, ni témoignage, ni service, sans le nazaréat, câest-à -dire sans la consécration et la séparation pour Dieu.
Au v. 6, la femme de Manoah raconte à son mari la visite de lâAnge: «Un homme de Dieu est venu vers moi, et son aspect était comme lâaspect dâun ange de Dieu, très terrible; et je ne lui ai pas demandé dâoù il était, et il ne mâa pas fait connaître son nom». Cette pauvre femme a peu dâintelligence: elle ne sait ni dâoù lâange vient, ni qui il est, et ne le lui demande pas, preuve de son peu dâintimité avec Dieu. Loin de la rassurer, la présence du Dieu des promesses lâeffraye, car elle ne voit lâange que sous son aspect «très terrible». Manoah lui-même, homme dâune piété sincère, a peu de connaissance, mais désire en avoir davantage. Il veut savoir ce quâil «doit faire au jeune garçon» (v. 8), puis ce que «le jeune garçon devra faire» (v. 12). Au lieu de répondre à ses questions, lâAnge de lâÃternel lui dit: «La femme se gardera de tout ce que je lui ai dit. Elle ne mangera rien de ce qui sort de la vigne, et elle ne boira ni vin ni boisson forte, et ne mangera rien dâimpur. Elle prendra garde à tout ce que je lui ai commandé» (v. 13, 14). Pourquoi? Câest que Dieu ne demande pas la connaissance en premier lieu. Ni celle-ci, ni même une vraie piété, comme celle de Manoah et de sa femme, ne suffisent pour nous garder au milieu de la ruine. Ce quâil leur fallait avant la connaissance, câétait la vraie séparation personnelle pour Dieu, séparation qui avait pour modèle et pour mesure le nazaréat de celui qui était près de paraître.
Dâautres vérités, partage des témoins de Christ en un temps de déclin, nous sont encore révélées ici. «Manoah dit à lâAnge de lâÃternel: Quel est ton nom... Et lâAnge de lâÃternel lui dit: Pourquoi demandes-tu mon nom? Il est merveilleux. Et Manoah prit le chevreau et le gâteau, et il les offrit à lâÃternel sur le rocher. Et il fit une chose merveilleuse, tandis que Manoah et sa femme regardaient» (v. 17-19). En repassant lâhistoire des différentes périodes de ce livre, nous trouvons quâà chaque réveil correspondent certains principes qui le caractérisent. Les temps dâOthniel, dâÃhud, de Barak, de Gédéon, de Jephthé, présentent chacun quelque principe nouveau; mais Dieu réserve aux derniers temps de la ruine des vérités précieuses entre toutes, cachées jusquâalors et merveilleuses. Cette manière dâagir est digne du Dieu dâamour! Connaissant les difficultés des siens au milieu de lâinfidélité grandissante, et voulant arracher leur cÅur à ce milieu ténébreux, il met en lumière et confie à ses témoins des vérités de plus en plus glorieuses.
Ces vérités ont le sacrifice pour point de départ. Manoah, plus intelligent que Gédéon (conf. 6:19), prend le chevreau et le gâteau et les offre à lâÃternel sur le rocher. La croix est le fondement de toute notre connaissance comme enfants de Dieu. Manoah désirait connaître beaucoup de choses que lâÃternel ne peut lui révéler avant le sacrifice. Mais ce fondement posé, lâAnge fait une chose merveilleuse, révélée, sans doute, dâune manière encore obscure et symbolique aux yeux de ce pauvre résidu qui attendait un Sauveur. «Il arriva que, comme la flamme montait de dessus lâautel vers les cieux, lâAnge de lâÃternel monta dans la flamme de lâautel, Manoah et sa femme regardant» (v. 20). Ils trouvent dans le feu du sacrifice un chemin nouveau, non frayé jusque-là , chemin du représentant de lâÃternel pour remonter vers lui, et leurs regards, attachés sur lâAnge, voient une personne glorieuse dont ils connaissent la demeure, maintenant quâelle a disparu de devant leurs yeux. Alors seulement, «Manoah connut que câétait lâAnge de lâÃternel» (v. 21). Le cÅur, les intérêts de ce pauvre résidu, sont en ce moment sortis de ce monde et prennent le chemin de lâAnge pour monter avec lui dans les cieux. Ces simples croyants pourront parler désormais dâun chemin qui conduit dans le ciel, et dâune personne qui sây trouve, devenue leur objet, tandis quâils sont encore ici-bas.
Dans cet acte merveilleux, une chose encore était révélée, non pour Manoah, mais pour nous: le caractère futur de ce nazaréat dont lâAnge leur avait parlé. Il est maintenant céleste, comme nous lâavons dit plus haut. LâAnge en se séparant dâeux, se sépare dans le ciel. Le Seigneur Jésus, rejeté du monde, a dit: «Je me sanctifie moi-même pour eux, afin quâeux aussi soient sanctifiés par la vérité» (Jean 17:19). Séparé dans les cieux, il nous attire à sa suite, et fixe nos yeux sur lui-même, afin que nous reproduisions ici-bas le caractère céleste de Celui que le monde a rejeté. Devant cette révélation, à peine entrevue par eux, mais qui nous sert dâinstruction, les époux «tombèrent sur leurs faces contre terre» (v. 20). Et nous, nâadorerons-nous pas bien plus, au milieu des ténèbres grandissantes, le Dieu qui nous a révélé, avec un Christ céleste et glorieux, notre place en lui, et nous lâa donné comme objet, afin que nous puissions le reproduire dans ce monde? De telles bénédictions sont faites pour remplir nos cÅurs de joie et de reconnaissance. Que des chrétiens, cherchant leur place avec le monde, marchent ici-bas la tête penchée, en voyant lâétat de choses qui les entoure, quâils affligent chaque jour leurs âmes, comme faisait jadis le juste Lot â telle nâest point notre part; nous ne sommes pas appelés à jouer le rôle de Lot ici-bas. Notre part est avec Abraham, lâami de Dieu. La ruine nâabattait pas son âme. Comme un Nazaréen, il se tenait sur sa haute montagne, les yeux fixés non sur Sodome, mais sur la cité qui a des fondements. Jésus a dit de lui: «Abraham... a tressailli de joie de ce quâil verrait mon jour; et il lâa vu, et sâest réjoui» (Jean 8:56). Ah! plutôt que de nous décourager, bénissons Dieu; rendons-lui grâce du trésor céleste quâil nous a donné en Christ.
Comme tant de cÅurs chrétiens aujourdâhui, celui de Manoah est rempli de crainte quand il se trouve devant Dieu. «Il dit à sa femme: Nous mourrons certainement, car nous avons vu Dieu» (v. 22). Sa compagne lui est vraiment une aide. Y a-t-il lieu de craindre, dit-elle, quand Dieu a accepté notre offrande? Lâamour de Dieu, montré pour nous à la croix, nous est le sûr garant de tout le reste. «Celui même qui nâa pas épargné son propre Fils, mais qui lâa livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi, librement, de toutes choses avec lui?» (Rom. 8:32)