«Lâoracle quâa vu Habakuk, le prophète.»
Tout nous sert dâenseignement dans les Ãcritures, soit quâelles parlent, soit quâelles gardent le silence. Elles se taisent sur la personne dâHabakuk et sur la date de sa prophétie. Les recherches minutieuses des critiques ont abouti aux conclusions les plus contradictoires quant au temps où le prophète écrivit. Lorsque les données de la Parole sont assez claires pour nous permettre de situer la prophétie dans le milieu où elle sâest produite, nous en recevons beaucoup de lumière et dâédification; quand Dieu ne parle pas, les recherches des savants, tout intéressantes quâelles soient, ont pour le chrétien une valeur très restreinte.
Dâaprès certains indices il serait pourtant assez probable que Habakuk prophétisa sous le règne de Josias. Deux circonstances pourraient nous confirmer dans cette pensée. Dâabord lâidolâtrie dâIsraël nâest pas mentionnée dans Habakuk, ensuite le Chaldéen (non pas lâAssyrien, comme sous Manassé) y est signalé comme lâennemi du peuple.
Quoi quâil en soit, la portée morale de ce livre ressort dâautant plus fortement que lâEsprit de Dieu omet les circonstances de sa production. En effet, Habakuk ne révèle que fort peu les événements prophétiques, mais décrit le caractère de Dieu dans ses voies à lâégard de lâétat moral du peuple et des nations. Il nous fait connaître ensuite le résultat produit par cette révélation sur le cÅur du prophète. Ce dernier devient ainsi comme un échantillon de lâétat moral du Résidu au temps de la fin. Tout cela est dâun grand intérêt et dâune haute portée pour nous. Le champ des circonstances historiques étant supprimé, nous nous trouvons dâemblée avoir affaire à des principes qui régissent aussi bien les hommes dâaujourdâhui que ceux dâalors. En présence de ces principes, les voies parfaites de Dieu dans son gouvernement et la sainteté de son caractère sont justifiées et, en contemplant ces choses, les fidèles ne peuvent quâen adorer la perfection divine.
Lâétat moral au milieu duquel vit Habakuk est le suivant: En Israël tout un cortège de vices, sans quâil soit fait mention de lâidolâtrie, comme en Sophonie; chez son ennemi, le Chaldéen, une idolâtrie grossière, mais dominée par lâexaltation de lâhomme; chez le prophète, un esprit indigné et un cÅur affligé, mais éclairé par lâenseignement divin. Il apprend à vivre de sa foi en attendant la gloire future, mais déborde en louanges avant dâavoir reçu les choses promises.
Nous lâavons dit, lâanalogie entre les jours dâHabakuk et les nôtres est frappante et, par là , sa prophétie acquiert pour nous une immense importance. Cette remarque est confirmée par le fait que, dans le Nouveau Testament, les citations de ce prophète appuient et illustrent toute la doctrine de lâapôtre Paul sur la justice de Dieu, la foi, la vie, la résurrection de Christ, et sa venue, la colère de Dieu révélée du ciel, et enfin la gloire! Le mystère de lâÃglise, caché dans lâAncien Testament, est seul excepté de cette énumération.
Ainsi sâaffirme lâaccord constant entre les diverses parties de la parole de Dieu. Elles forment un tout, un ensemble sur lequel nous avons insisté autre part. Lâétude constante de cet accord préservera les chrétiens dâajouter foi aux savants critiques, adversaires de la Parole sans la comprendre, hommes dépourvus de sens, qui croient pouvoir interpréter lâÃcriture avec leur intelligence, et dont Dieu lui-même déclare: «Je détruirai la sagesse des sages et jâannulerai lâintelligence des intelligents.»
«Jusques à quand, Ãternel, crierai-je, et tu nâentendras pas? Je crie à toi: Violence! et tu ne sauves pas. Pourquoi me fais-tu voir lâiniquité, et contemples-tu lâoppression? La dévastation et la violence sont devant moi, et il y a contestation, et la discorde sâélève. Câest pourquoi la loi reste impuissante, et le juste jugement ne vient jamais au jour; car le méchant cerne le juste; câest pourquoi le jugement sort perverti» (v. 2-4).
Notons, dès ces premiers versets, un caractère spécial dâHabakuk parmi les petits prophètes. Michée nous a fait assister à un entretien, par demandes et réponses, entre lâÃternel, son prophète et divers autres interlocuteurs, entretien qui se termine par un plaidoyer où lâaccusé comparaît devant ses juges. Dans Nahum, lâÃternel seul sâadresse, à tour de rôle, aux divers personnages qui sont en cause. Ici, nous assistons à un entretien tout intime entre le prophète et son Dieu. Habakuk parle à lâÃternel et celui-ci lui répond. Il y a de lâanalogie, sous ce rapport, entre lui et Jérémie, mais tout le drame se passe dans le cÅur et la conscience du prophète; et aucun incident personnel ne vient lâinterrompre, comme dans le cours de la prophétie de Jérémie. Lâangoisse lâétreint à la vue de ce qui se passe, mais les circonstances elles-mêmes ne semblent pas lâatteindre personnellement. Elles soulèvent chez lui des questions si angoissantes, quâil sent le besoin dâépancher son cÅur dans le sein de lâÃternel, pour être délivré du trouble profond quâelles lui causent. Habakuk est un homme de foi et son premier mot: «Jusques à quand», le prouve, mais sa foi a besoin dâêtre soutenue et éclairée. Elle est mêlée dâinfirmité, aussi trouve-t-elle une réponse miséricordieuse, car Dieu reprend lâincrédulité, mais non lâinfirmité de notre nature humaine. Notre infirmité rencontre la sympathie de Celui qui a été tenté en toutes choses comme nous, à part le péché (Héb. 4:15), seulement chez nous, le péché y est toujours plus ou moins mêlé. Lâapôtre lui-même pouvait prendre plaisir dans ses infirmités et sâen glorifier, dans la mesure où elles nâétaient pas mélangées avec la chair (2 Cor. 12:9, 10), car le Seigneur y trouvait, en les infligeant, un moyen dâaccomplir sa puissance dans son apôtre bien-aimé.
Le mot «Jusques à quand» est, comme nous le voyons si souvent dans les prophètes et dans les Psaumes, le cri de la foi. Cette foi exprime la certitude que Dieu répondra en temps et lieu, mais, en attendant, elle accepte la tribulation comme une épreuve nécessaire. Ce sera le cri du Résidu dâIsraël affligé, traversant la grande tribulation de la fin, avec la certitude quâelle est le dernier mot des jugements de Dieu et quâelle prépare lâavènement glorieux du Messie, un règne de liberté, de justice et de paix. Il en est toutefois un peu autrement ici. Si le prophète est un témoin, séparé du peuple, il ne souffre pas personnellement de la violence comme le Résidu, mais y assiste et la constate. Lâidolâtrie dâIsraël nâest pas ici en cause, mais plutôt ce qui a caractérisé, dès le début de son histoire, lâhomme dépravé par le péché (Gen. 6:11), la violence, avec son cortège dâiniquité, dâoppression, de dévastation, de discorde et de contestations parmi le peuple (v. 2, 3). De nos jours, comme aux jours du prophète, tout cÅur, soucieux des intérêts du Seigneur, est à même de constater ces choses. Elles sont «devant nous» comme pour Habakuk. Ce qui en augmente lâangoisse, câest que nous les voyons se produire, comme jadis, au milieu de ceux qui ont encore la prétention dâêtre le peuple de Dieu, en un temps où lâÃternel les a déjà abandonnés. Alors, si notre âme, comme celle du prophète, nâa pas encore appris pourquoi Dieu laisse subsister tout ce mal sans y mettre fin, nous crions: «Pourquoi me fais-tu voir lâiniquité?» et: «Comment peux-tu contempler lâoppression?» En parlant ainsi nous oublions deux choses, constatées par le prophète Nahum (1:3, 7): «LâÃternel est lent à la colère»; «LâÃternel est bon». Nous crions à lui: «Je crie à toi: Violence! et tu ne sauves pas». Nous voudrions voir Dieu intervenir, en présence dâun état moral que nous savons lui être en abomination. Au fond il y a toujours un certain égoïsme dans cette infirmité, quoiquâelle soit aussi lâexpression de notre amour pour les fidèles qui traversent ces temps désastreux!
«Tu ne sauves pas!» Il sâagit ici, non pas dâun salut spirituel, mais dâune délivrance temporelle. Lââme angoissée voudrait voir la paix rétablie, les violents jugés et supprimés. La violence est là , sous nos yeux, et Dieu ne répond pas! Je le répète, ce nâest pas manque de foi, mais câest le cri dâangoisse dâune âme peu affermie, se trouvant en présence dâun problème, jusquâici insoluble pour elle. Pourquoi Dieu permet-il le mal? Comment semble-t-il oublier les siens, sans défense au milieu de tout cet appareil de la méchanceté de lâhomme? Le prophète va recevoir la réponse, mais différente de celle quâil aurait imaginée. Il lui faudra passer par un temps dâinstruction douloureuse, mais très bénie pour son âme, avant dâavoir compris ce que Dieu veut produire dans le cÅur des siens qui traversent ces jours dâépreuve.
«Câest pourquoi la loi reste impuissante», la loi, donnée autrefois par lâÃternel lui-même, et qui était destinée à briser la volonté de lâhomme. «Le juste jugement» que lâhomme aurait dû apprendre à pratiquer sous lâégide de la loi, ne vient jamais au jour; bien au contraire, «le méchant cerne le juste». Remarquez ce mot: «le juste». Nous allons le retrouver au chap. 2. Le prophète a conscience de son intégrité, comme plus tard le Résidu dâIsraël quand il traversera les jugements de la fin, mais il nâa pas encore reçu la réponse et ne voit pas la victoire du mal sur le bien. Il adresse à Dieu ses «Pourquoi», mais il ne les poserait pas, sâil nâavait confiance que Dieu lui répondra. Comment se fait-il que «le jugement ne vienne jamais au jour», et que, sâil sort enfin, câest le contraire de ce quâune âme pieuse et droite pourrait attendre: il «sort perverti», et le fidèle, où quâil se tourne, ne rencontre quâinjustice et iniquité.
LâÃternel va répondre à cette question, mais, en attendant, le juste ne fait que constater ce que Dieu a constaté de tout temps, dès lâapparition du péché. En dehors de ceux qui sont justifiés par la foi, il nây a pas dans le monde un seul juste. Sâil sâagit du caractère national dâIsraël, la Parole nous apprend que, sous le règne de Roboam, il y avait encore «en Juda de bonnes choses» (2 Chron. 12:12); que, sous le règne dâÃzéchias, Juda, tout coupable quâil eût été, «marchait encore avec Dieu et avec les vrais saints» (Osée 12:1); mais il nâen fut plus ainsi sous les règnes suivants. Sous celui de Josias nous apprenons par le prophète Sophonie ce que Dieu pensait de la «nation sans honte», de la ville «rebelle, corrompue et qui opprime», de ses princes, de ses juges, de ses prophètes, de ses sacrificateurs (Soph. 2:1; 3:1-4). Il en est de même ici: lâétat moral dâIsraël, à la fin de son histoire, nâétait pas meilleur que celui de lâhomme, au commencement de son histoire. Cet état nâavait au fond jamais changé réellement. Les critiques qui concluent de la description donnée ici, quâelle ne peut appartenir quâà lâétat du peuple sous un mauvais règne, comme celui de Manassé, se trompent donc entièrement.
Sâil sâagit des rois, chefs responsables dâIsraël, Dieu faisait dépendre la bénédiction du peuple de leur conduite. Câest ainsi que lâon voit, sous certains règnes des rois de Juda, le mal refréné, la justice établie, la piété envers Dieu reconnue, le service du temple restauré, sans que pour cela le cÅur de la nation soit changé. Dâautre part, le gouvernement dâun mauvais roi aggravait encore ce fâcheux état moral en introduisant ou favorisant une idolâtrie éhontée à laquelle le cÅur perverti du peuple sâadonnait immédiatement. Le passage que nous venons de citer peut donc nous reporter à quelque règne que ce soit, plus probablement peut-être à celui de Josias, lâidolâtrie dâIsraël nâétant pas même mentionnée ici1.
1 Voir encore pour lâétat du peuple: Michée 7:2, 3; Jér. 5:15-29 7:5, 6; 20:8.
«Voyez parmi les nations, et regardez, et soyez stupéfaits; car je ferai en vos jours une Åuvre que vous ne croirez pas, si elle vous est racontée» (v. 5).
Nous trouvons ici la réponse à la question du prophète, réponse qui ne sâadresse pas à lui, mais aux méchants dont il sâest plaint. Ces méchants sont invités à «voir parmi les nations» et à considérer avec stupeur comment lâÃternel rétribuera leurs méfaits. à ce moment lâAssyrien nâest pas encore détruit, mais lâÃternel va susciter les Chaldéens. à cette puissance il asservira les autres peuples, mais, avant tout, le peuple de Dieu. Ce dernier aurait pu croire que, délivré du joug de lâAssyrien, il en aurait fini avec lâoppresseur; mais, au contraire, il allait tomber sous un joug bien autrement lourd et cruel, et, jugement plus terrible encore, lâÃternel allait ôter le pouvoir à Israël et le confier pour la première fois à Babylone, «tête dâor» de la monarchie des Gentils. Tel était le sort qui attendait ce peuple méchant, mais câétait en même temps la réponse au cri du prophète: «Je crie à toi: Violence! et tu ne sauves pas». LâÃternel répond, en montrant à son serviteur que sâil ne sauve pas le juste de la violence des méchants, câest que le châtiment est près de tomber sur eux. Israël succombera, lui et son pays, sous les coups de Babylone, puis sera réduit en esclavage.
Mais le Saint Esprit donne à cette prophétie une portée beaucoup plus étendue, comme nous le voyons au chapitre 13 des Actes. Arrivé avec Barnabas à Antioche de Pisidie, Paul y fait un discours dans la synagogue, et son contenu, si lâon y prend bien garde, a pour texte cette parole même de notre prophète. Là où il nây avait «pas de salut», et où le prophète disait: «Tu ne sauves pas», Dieu avait suscité à Israël comme Sauveur, un Jésus mort et ressuscité. La parole de ce salut était envoyée à ceux même qui avaient rejeté Christ. Eux tous entendaient cette parole, et ceux dâentre eux qui craignaient Dieu, étaient appelés à la recevoir (Actes 13:23, 26). Le peuple nâavait pas connu Jésus, ni les voix des prophètes qui lâannonçaient; bien plus, il avait jugé son Messie, accomplissant ainsi ce que Habakuk avait dit dâeux: «Le jugement sort perverti» (1:4). Alors lâapôtre leur applique la parole «des prophètes» et particulièrement de notre prophète, mais il la cite et la commente en rapport avec lâétat de ceux auxquels il sâadresse: «Voyez, contempteurs, et étonnez-vous, et soyez anéantis; car moi, je fais une Åuvre en vos jours, une Åuvre que vous ne croiriez point, si quelquâun vous la racontait» (13:41). Ils nâavaient plus à «voir parmi les nations», car depuis longtemps les Chaldéens avaient été remplacés par dâautres puissances, puis par Rome, la dernière de toutes. Depuis les jours dâHabakuk, le joug des nations avait pesé sur le peuple; lors de la prédication de Paul, Israël était asservi à la quatrième monarchie gentile. Aussi lâapôtre ne dit-il pas, comme notre prophète: «Je ferai une Åuvre en vos jours». LâÅuvre, Dieu la faisait, et cette Åuvre nâétait pas le jugement. Le grand salut était annoncé, dâabord aux Juifs et, sâils le méprisaient, sâils étaient des «contempteurs», lâapôtre se tournerait vers les nations. Ce seraient alors celles-ci qui regarderaient parmi les Juifs et verraient le jugement de ce peuple pour avoir refusé la grâce en Jésus. Câest ce qui arriva dans cette même ville dâAntioche, où les Juifs, ayant rejeté le salut de Dieu en Christ, se jugèrent eux-mêmes indignes de la vie éternelle. Les apôtres «secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et sâen vinrent à Iconium» (v. 46, 51).
Ainsi, selon Paul, lâÃvangile était la réponse à la plainte du prophète: «Tu ne sauves pas». Câétait le salut quand le peuple avait mérité le jugement; mais, sâil méprisait la grâce, un jugement bien plus terrible que la captivité de Babylone, que même le joug des Romains, lui était réservé: la destruction de Jérusalem et la dispersion définitive des Juifs parmi les nations.
Nous avons ici un exemple de lâusage que Dieu fait de sa propre Parole, et nous en trouverons dâautres dans le courant de cette étude. Dieu tire, de ce fonds inépuisable, des vérités cachées aux yeux des hommes et les met en lumière, des vérités qui proclament la grâce quand le monde ne pouvait attendre que le jugement. Mais que devra être ce jugement si lâhomme rejette résolument la grâce?
Il est important de remarquer ici, comme du reste quand il sâagit de lâinterprétation de toute la prophétie, que le jugement prochain par les Chaldéens préfigure un jugement futur dont il est comme le prélude et que la délivrance temporelle est devenue, dans lâenseignement de lâapôtre, lâimage du salut éternel.
«Car voici, je suscite les Chaldéens, la nation cruelle et impétueuse, qui marche par la largeur de la terre pour prendre possession de domiciles qui ne lui appartiennent pas. Elle est formidable et terrible; son jugement et sa dignité, procèdent dâelle-même» (v. 6, 7).
LâÃternel a soin de faire comprendre à son prophète quâen suscitant les Chaldéens, ce nâest pas quâil ait découvert en eux des qualités morales quelconques. Bien au contraire, câest une nation cruelle, et comment Dieu pourrait-il lâapprouver? Ils sont impétueux, attaquent les premiers, marchent par la largeur de la terre, envahissent le monde et prennent possession de domiciles qui ne leur appartiennent pas. Cette soif de sâemparer du territoire dâautrui et de se lâannexer, diffère-t-elle de ce que nous voyons aujourdâhui? Non, mais les Chaldéens sont la verge de Dieu et son châtiment sur Israël aussi bien que sur les nations. «Voyez parmi les nations», avait dit lâÃternel. Ce torrent débordant qui sâavance à travers le monde, cette vague diluvienne des jugements de Dieu doit atteindre Israël, mais, avant de lâengloutir, formidable et terrible, elle balayera tout sur son passage. Il y a là de quoi remplir les cÅurs dâeffroi.
«Son jugement et sa dignité procèdent dâelle-même.» Sa propre volonté constitue ce que le Chaldéen appelle son droit; il en est de même de sa dignité. Il ne tient pas compte de celle des autres, mais estime avoir, par lui-même, une dignité qui lâélève au-dessus dâeux. Son bon plaisir et son orgueil sans limite le dirigent. Nâavons-nous pas, sous les yeux, des exemples pareils? Le croyant pourrait désirer que cet orgueil fût abattu, mais Dieu lui dit: Ne vois-tu pas que ces jugements proviennent de moi et que, tout en commençant par les nations qui tâenvironnent, ils te sont destinés?
Vient ensuite la description vivante et effrayante de la puissance chaldéenne: «Ses chevaux sont plus rapides que les léopards, plus agiles que les loups du soir; et ses cavaliers sâélancent fièrement, et ses cavaliers viennent de loin: ils volent comme lâaigle se hâte pour dévorer. Ils viennent tous pour la violence; leurs faces sont toutes ensemble tournées en avant; ils rassemblent les captifs comme le sable. Et il se moque des rois, et les princes lui sont une risée; il se rit de toutes les forteresses: il entassera de la poussière et les prendra» (v. 8-10). Jérémie a des traits semblables et souvent les mêmes expressions (voyez 4:13; 5:6, etc.). LâAssyrien et le Chaldéen ont des caractères communs, mais, chez le premier nous trouvons, semble-t-il, une organisation moindre pour lâenvahissement et le carnage: leur rapidité, leur agilité est comme celle dâune bande de loups affamés, sâavançant à pas pressés, sans bruit; leurs yeux allumés brillent dans les ténèbres, ils sont certains dâatteindre leur proie. Au moment précis, voici lâélan des cavaliers, venant de loin, rapides comme les aigles; lâattaque furibonde, telle quâelle nous est déjà apparue dans le prophète Nahum (2:3, 4; 3:1-3). «Ils viennent tous pour la violence». Le prophète, consterné de lâétat du peuple, criait à lâÃternel: «Violence!» Dieu lui montre que cette violence trouvera sa juste rétribution dans la violence de Babylone. «Il rassemble les captifs comme le sable et se rit de toutes les forteresses». Nâavons-nous pas assisté de nos jours à de pareils spectacles? Lâhistoire se répète, disent les hommes pour se consoler. Sans doute, répondons-nous, mais parce que les caractères de lâhomme pécheur se répétant à lâenvi, bravent la sainteté de Dieu et lui portent défi. A-t-on vu, dans le passé, plus clairement quâaujourdâhui, une puissance qui se rie de toutes les forteresses? Mais, quand la puissance de Babylone tombe à son tour, «ses rois et ses princes» sont une risée pour dâautres, comme les rois des nations lâavaient été pour elle.
«Alors il changera de pensée, et passera outre et péchera: cette puissance quâil a, est devenue son dieu» (v. 11).
Il arrive un moment où le chef de la nation chaldéenne, celui qui est considéré par lâÃternel comme responsable de la mission judiciaire que Dieu lui a confiée, changera de pensée. Au lieu de se considérer comme un instrument, il dépassera sa mission et péchera. Ce nâest pas quâil nâeût péché mille fois auparavant par sa cruauté, son orgueil et son idolâtrie, mais, à un moment donné, ses propres forces prendront pour lui la place de Dieu. La puissance que lâÃternel a mise entre ses mains est devenue son dieu. Il a le culte de la force, de sa force. Câest en elle quâil se confie, à elle quâil rend hommage. Ce chef de lâempire chaldéen ne reste pas isolé. Dans lâhistoire des derniers temps, le successeur direct de Babylone, la Bête romaine «guérie de sa plaie mortelle» nâaura pas dâautre religion que celle-là . Câest cette religion que la philosophie dâun Nietsche préconise et que les chefs militaires du jour proclament. Il sera beaucoup moins question, dans lâhistoire finale de lâhumanité, de lâidolâtrie grossière, que de lâadoration de lâhomme dont le monde fera son idole. Les idolâtres dâautrefois adoraient, dans ses attributs de puissance, dâamour, de justice, un Dieu inconnu, auquel leur imagination prêtait une forme humaine ou animale; lâidolâtrie future adorera lâhomme dans lâidole. Cette tendance se montra de bonne heure dans lâhistoire des empires (Dan. 3:6, 7, 11) et atteignit, dans le passé, son point culminant dans la déification des empereurs romains. Mais lâhomme déifié ne peut lui-même se passer dâun dieu. LâAntichrist qui se fait adorer comme Dieu, sera lâadorateur des forces que Satan lui aura asservies (Dan. 11:38).
«Toi, nâes-tu pas de toute ancienneté, Ãternel, mon Dieu, mon Saint? Nous ne mourrons pas! à Ãternel, tu lâas établi pour le jugement, et tu lâas fondé, ô Rocher, pour châtier. Tu as les yeux trop purs pour voir le mal, et tu ne peux contempler lâoppression» (v. 12, 13).
Bien que la parole de Dieu nâannonce que des jugements (v. 5-10) le cÅur du prophète déborde de reconnaissance envers lâÃternel. La communication divine lui donne lâassurance que Dieu est son Dieu, son Saint, un Dieu qui est en rapport avec lui, homme faible, infirme, ignorant, si peu familier, tout prophète quâil soit, avec Ses pensées secrètes. Ce Dieu est «le Dieu de toute ancienneté», et par conséquent Celui des promesses faites à Israël. Il prend Habakuk, représentant de Son peuple, sous sa protection; Il sâest donné à son prophète, et câest à Lui que le prophète appartient. Quel privilège, quand lââme peut parler à Dieu avec une telle intimité! Et combien il est plus grand encore pour nous qui connaissons un Dieu pleinement révélé en Christ et pouvons dire: Mon Père, mon Seigneur, mon Sauveur!
«Nous ne mourrons pas!» Comment douter, quand on connaît personnellement un tel Dieu, que la vie, une vie éternelle nous appartienne? Habakuk nâayant pas, comme nous, la révélation complète de la «parole de vie» ne peut aller aussi loin que nous, mais il sait que le peuple de Dieu «ne mourra point», que le châtiment divin qui lâatteint ne se terminera pas par son anéantissement. Il a reçu la réponse à son premier «pourquoi» et comprend maintenant ce qui, pour lui, était un mystère: Si le Chaldéen est «établi» et «fondé», câest en vue du jugement et du châtiment, conséquence de la violence et de lâiniquité du peuple. Il a été suscité pour cela, mais cela prouve que le Rocher des siècles, la «pierre dâIsraël» nâa pas abandonné son peuple pour toujours. Quand un père châtie son enfant, ce nâest pas pour le tuer, mais afin de le former dâaprès son propre caractère. Dieu agit de même envers nous, afin que nous ayons part à sa sainteté. Pensée réconfortante entre toutes! Dieu nous reconnaît quand il nous châtie, et nous châtie parce quâil nous reconnaît comme ses enfants. Mais il est impossible quâil consente à envisager le mal sans sâen occuper; il doit le rejeter; ses yeux sont trop purs pour le voir. «Pourquoi me fais-tu voir lâiniquité et contemples-tu lâoppression?» avait dit le prophète au v. 3. Il a maintenant appris que si Dieu lui a «fait voir lâiniquité» (et comment sans cela apprendrait-il à la juger?) Dieu ne peut la souffrir en sa présence, que ses yeux ne sâaccommodent que de ce qui est parfaitement pur, ne peuvent sâarrêter que sur le bien parfait. Câest sur ce dernier, en effet, que ses regards se reposent avec un bon plaisir indicible: il a rencontré ici-bas, au sein de circonstances qui nâétaient que ténèbres, péché et souillure, un homme abaissé au dernier point, mais parfait dans cet abaissement, et câest en lui que son amour a trouvé ses délices. Le prophète apprend aussi, en réponse à sa question: «Pourquoi contemples-tu lâoppression?» (v. 3), que Dieu «ne peut contempler lâoppression» (v. 13). Quel aveuglement sâétait donc emparé, même dâun prophète, pour que, ayant affaire au gouvernement de Dieu, il fût incapable de comprendre cette énigme? Ah! câest que, pour la comprendre, il faut connaître Dieu! Contempler le mal ne nous fait jamais connaître le caractère de Dieu, contempler Dieu nous instruit sur le vrai caractère du mal.
Ce que le prophète venait dâapprendre avait réveillé ses chaudes sympathies pour son peuple. Au commencement il nâétait occupé que de lâaffreux état dans lequel ce dernier était plongé; maintenant il comprend lâintérêt que Dieu porte à Israël, en même temps quâil a été enseigné quant aux principes du gouvernement de Dieu à lâégard de ce peuple. Mais jouissant de la communion avec son Dieu, comme nous lâavons vu au v. 12, il sâenhardit à faire une autre question, à dire un second «Pourquoi». «Pourquoi contemples-tu ceux qui agissent perfidement, et gardes-tu le silence quand le méchant engloutit celui qui est plus juste que lui?» (v. 13). Si tu ne peux «contempler lâoppression», voici, néanmoins, que tu contemples, sans tâen émouvoir, celui qui agit perfidement; voici que, loin dâintervenir, tu sembles être indifférent au mal qui atteint ton peuple, lequel, tout coupable quâil soit, est plus juste que ses ennemis. En effet, il y avait en Israël, au milieu de beaucoup de mal, certaines «choses bonnes», que nâavaient pas les nations environnantes, et telles quâon en voyait sous le règne de Josias, choses dont Habakuk était un exemple vivant. Sous ce rapport, Israël était plus juste que ses adversaires. Le prophète désire connaître aussi cette énigme. Si Dieu reconnaît quelque bien chez ceux que le méchant opprime, pourquoi favorise-t-il le méchant dans ses entreprises? Toutefois, avant de recevoir la réponse divine, le prophète comprend une chose: «Tu rends aussi les hommes comme les poissons de la mer, comme la bête rampante qui nâa personne qui la gouverne» (v. 14). Si Dieu a confié un gouvernement aux hommes, il a le droit de les en priver entièrement â comme il en prive les poissons de la mer et les bêtes innombrables qui rampent sur le sol, et de les livrer en proie à celui dans les mains duquel il place le pouvoir. Il allait en être ainsi des nations conquises par Babylone; et le même sort devait atteindre Israël, organisé jadis sous le gouvernement de Dieu et qui, ayant abandonné lâÃternel, allait être laissé sans roi, sans prince et sans ressource contre lâennemi (Ãsaïe 63:19; Osée 3:14).
«Il les fait tous monter avec lâhameçon; il les tire dans son filet, et les rassemble dans son rets; câest pourquoi il se réjouit et sâégaie: câest pourquoi il sacrifie à son filet, et brûle de lâencens à son rets, parce que, par leur moyen, sa portion est grasse et sa nourriture succulente» (v. 15, 16). Le prophète continue à comprendre une partie de ce qui va arriver. Il est en communion avec la pensée de Dieu exprimée au v. 11: «Cette puissance quâil a, est devenue son Dieu». Il voit que lâadversaire sâest servi de la puissance qui lui a été confiée, pour faire de son filet et de son rets une idole, et quâil invoque pour les adorer, les instruments de ses victoires. Nous pouvons bien nous demander si, sous une autre forme, les choses sont différentes aujourdâhui? Et, sâil en est ainsi, «videra-t-il pour cela son filet, et égorgera-t-il toujours les nations, sans épargner?» Dieu supportera-t-il cet emploi profane et idolâtre de la force, et lâoppression des nations durera-t-elle à toujours?
Les deux grandes questions posées par le prophète sont donc celles du gouvernement de Dieu envers son peuple et de ce même gouvernement envers le monde. Dans le Nouveau Testament, la première et la seconde épître de Pierre y répondent.
Ces questions du prophète dénotent beaucoup dâintimité avec Dieu, en même temps quâun aveu dâignorance et un grand désir dâêtre enseigné par Lui. Il pressent déjà , mais va bientôt réaliser pleinement, que, pour connaître les voies de Dieu, il suffit de le connaître Lui-même. Sans cette connaissance de sa personne, ce qui arrive dans le monde restera toujours pour nous à lâétat dâénigme indéchiffrable.
versets 1-17
Chapitre 1er
Sainteté des voies de Dieu envers Israël et envers les nations.
Verset 1er â Introduction.
«Lâoracle quâa vu Habakuk, le prophète.»
Tout nous sert dâenseignement dans les Ãcritures, soit quâelles parlent, soit quâelles gardent le silence. Elles se taisent sur la personne dâHabakuk et sur la date de sa prophétie. Les recherches minutieuses des critiques ont abouti aux conclusions les plus contradictoires quant au temps où le prophète écrivit. Lorsque les données de la Parole sont assez claires pour nous permettre de situer la prophétie dans le milieu où elle sâest produite, nous en recevons beaucoup de lumière et dâédification; quand Dieu ne parle pas, les recherches des savants, tout intéressantes quâelles soient, ont pour le chrétien une valeur très restreinte.
Dâaprès certains indices il serait pourtant assez probable que Habakuk prophétisa sous le règne de Josias. Deux circonstances pourraient nous confirmer dans cette pensée. Dâabord lâidolâtrie dâIsraël nâest pas mentionnée dans Habakuk, ensuite le Chaldéen (non pas lâAssyrien, comme sous Manassé) y est signalé comme lâennemi du peuple.
Quoi quâil en soit, la portée morale de ce livre ressort dâautant plus fortement que lâEsprit de Dieu omet les circonstances de sa production. En effet, Habakuk ne révèle que fort peu les événements prophétiques, mais décrit le caractère de Dieu dans ses voies à lâégard de lâétat moral du peuple et des nations. Il nous fait connaître ensuite le résultat produit par cette révélation sur le cÅur du prophète. Ce dernier devient ainsi comme un échantillon de lâétat moral du Résidu au temps de la fin. Tout cela est dâun grand intérêt et dâune haute portée pour nous. Le champ des circonstances historiques étant supprimé, nous nous trouvons dâemblée avoir affaire à des principes qui régissent aussi bien les hommes dâaujourdâhui que ceux dâalors. En présence de ces principes, les voies parfaites de Dieu dans son gouvernement et la sainteté de son caractère sont justifiées et, en contemplant ces choses, les fidèles ne peuvent quâen adorer la perfection divine.
Lâétat moral au milieu duquel vit Habakuk est le suivant: En Israël tout un cortège de vices, sans quâil soit fait mention de lâidolâtrie, comme en Sophonie; chez son ennemi, le Chaldéen, une idolâtrie grossière, mais dominée par lâexaltation de lâhomme; chez le prophète, un esprit indigné et un cÅur affligé, mais éclairé par lâenseignement divin. Il apprend à vivre de sa foi en attendant la gloire future, mais déborde en louanges avant dâavoir reçu les choses promises.
Nous lâavons dit, lâanalogie entre les jours dâHabakuk et les nôtres est frappante et, par là , sa prophétie acquiert pour nous une immense importance. Cette remarque est confirmée par le fait que, dans le Nouveau Testament, les citations de ce prophète appuient et illustrent toute la doctrine de lâapôtre Paul sur la justice de Dieu, la foi, la vie, la résurrection de Christ, et sa venue, la colère de Dieu révélée du ciel, et enfin la gloire! Le mystère de lâÃglise, caché dans lâAncien Testament, est seul excepté de cette énumération.
Ainsi sâaffirme lâaccord constant entre les diverses parties de la parole de Dieu. Elles forment un tout, un ensemble sur lequel nous avons insisté autre part. Lâétude constante de cet accord préservera les chrétiens dâajouter foi aux savants critiques, adversaires de la Parole sans la comprendre, hommes dépourvus de sens, qui croient pouvoir interpréter lâÃcriture avec leur intelligence, et dont Dieu lui-même déclare: «Je détruirai la sagesse des sages et jâannulerai lâintelligence des intelligents.»
Versets 2 à 11 â Dieu nâest pas indifférent à lâiniquité de son peuple. Il le jugera par les Chaldéens.
«Jusques à quand, Ãternel, crierai-je, et tu nâentendras pas? Je crie à toi: Violence! et tu ne sauves pas. Pourquoi me fais-tu voir lâiniquité, et contemples-tu lâoppression? La dévastation et la violence sont devant moi, et il y a contestation, et la discorde sâélève. Câest pourquoi la loi reste impuissante, et le juste jugement ne vient jamais au jour; car le méchant cerne le juste; câest pourquoi le jugement sort perverti» (v. 2-4).
Notons, dès ces premiers versets, un caractère spécial dâHabakuk parmi les petits prophètes. Michée nous a fait assister à un entretien, par demandes et réponses, entre lâÃternel, son prophète et divers autres interlocuteurs, entretien qui se termine par un plaidoyer où lâaccusé comparaît devant ses juges. Dans Nahum, lâÃternel seul sâadresse, à tour de rôle, aux divers personnages qui sont en cause. Ici, nous assistons à un entretien tout intime entre le prophète et son Dieu. Habakuk parle à lâÃternel et celui-ci lui répond. Il y a de lâanalogie, sous ce rapport, entre lui et Jérémie, mais tout le drame se passe dans le cÅur et la conscience du prophète; et aucun incident personnel ne vient lâinterrompre, comme dans le cours de la prophétie de Jérémie. Lâangoisse lâétreint à la vue de ce qui se passe, mais les circonstances elles-mêmes ne semblent pas lâatteindre personnellement. Elles soulèvent chez lui des questions si angoissantes, quâil sent le besoin dâépancher son cÅur dans le sein de lâÃternel, pour être délivré du trouble profond quâelles lui causent. Habakuk est un homme de foi et son premier mot: «Jusques à quand», le prouve, mais sa foi a besoin dâêtre soutenue et éclairée. Elle est mêlée dâinfirmité, aussi trouve-t-elle une réponse miséricordieuse, car Dieu reprend lâincrédulité, mais non lâinfirmité de notre nature humaine. Notre infirmité rencontre la sympathie de Celui qui a été tenté en toutes choses comme nous, à part le péché (Héb. 4:15), seulement chez nous, le péché y est toujours plus ou moins mêlé. Lâapôtre lui-même pouvait prendre plaisir dans ses infirmités et sâen glorifier, dans la mesure où elles nâétaient pas mélangées avec la chair (2 Cor. 12:9, 10), car le Seigneur y trouvait, en les infligeant, un moyen dâaccomplir sa puissance dans son apôtre bien-aimé.
Le mot «Jusques à quand» est, comme nous le voyons si souvent dans les prophètes et dans les Psaumes, le cri de la foi. Cette foi exprime la certitude que Dieu répondra en temps et lieu, mais, en attendant, elle accepte la tribulation comme une épreuve nécessaire. Ce sera le cri du Résidu dâIsraël affligé, traversant la grande tribulation de la fin, avec la certitude quâelle est le dernier mot des jugements de Dieu et quâelle prépare lâavènement glorieux du Messie, un règne de liberté, de justice et de paix. Il en est toutefois un peu autrement ici. Si le prophète est un témoin, séparé du peuple, il ne souffre pas personnellement de la violence comme le Résidu, mais y assiste et la constate. Lâidolâtrie dâIsraël nâest pas ici en cause, mais plutôt ce qui a caractérisé, dès le début de son histoire, lâhomme dépravé par le péché (Gen. 6:11), la violence, avec son cortège dâiniquité, dâoppression, de dévastation, de discorde et de contestations parmi le peuple (v. 2, 3). De nos jours, comme aux jours du prophète, tout cÅur, soucieux des intérêts du Seigneur, est à même de constater ces choses. Elles sont «devant nous» comme pour Habakuk. Ce qui en augmente lâangoisse, câest que nous les voyons se produire, comme jadis, au milieu de ceux qui ont encore la prétention dâêtre le peuple de Dieu, en un temps où lâÃternel les a déjà abandonnés. Alors, si notre âme, comme celle du prophète, nâa pas encore appris pourquoi Dieu laisse subsister tout ce mal sans y mettre fin, nous crions: «Pourquoi me fais-tu voir lâiniquité?» et: «Comment peux-tu contempler lâoppression?» En parlant ainsi nous oublions deux choses, constatées par le prophète Nahum (1:3, 7): «LâÃternel est lent à la colère»; «LâÃternel est bon». Nous crions à lui: «Je crie à toi: Violence! et tu ne sauves pas». Nous voudrions voir Dieu intervenir, en présence dâun état moral que nous savons lui être en abomination. Au fond il y a toujours un certain égoïsme dans cette infirmité, quoiquâelle soit aussi lâexpression de notre amour pour les fidèles qui traversent ces temps désastreux!
«Tu ne sauves pas!» Il sâagit ici, non pas dâun salut spirituel, mais dâune délivrance temporelle. Lââme angoissée voudrait voir la paix rétablie, les violents jugés et supprimés. La violence est là , sous nos yeux, et Dieu ne répond pas! Je le répète, ce nâest pas manque de foi, mais câest le cri dâangoisse dâune âme peu affermie, se trouvant en présence dâun problème, jusquâici insoluble pour elle. Pourquoi Dieu permet-il le mal? Comment semble-t-il oublier les siens, sans défense au milieu de tout cet appareil de la méchanceté de lâhomme? Le prophète va recevoir la réponse, mais différente de celle quâil aurait imaginée. Il lui faudra passer par un temps dâinstruction douloureuse, mais très bénie pour son âme, avant dâavoir compris ce que Dieu veut produire dans le cÅur des siens qui traversent ces jours dâépreuve.
«Câest pourquoi la loi reste impuissante», la loi, donnée autrefois par lâÃternel lui-même, et qui était destinée à briser la volonté de lâhomme. «Le juste jugement» que lâhomme aurait dû apprendre à pratiquer sous lâégide de la loi, ne vient jamais au jour; bien au contraire, «le méchant cerne le juste». Remarquez ce mot: «le juste». Nous allons le retrouver au chap. 2. Le prophète a conscience de son intégrité, comme plus tard le Résidu dâIsraël quand il traversera les jugements de la fin, mais il nâa pas encore reçu la réponse et ne voit pas la victoire du mal sur le bien. Il adresse à Dieu ses «Pourquoi», mais il ne les poserait pas, sâil nâavait confiance que Dieu lui répondra. Comment se fait-il que «le jugement ne vienne jamais au jour», et que, sâil sort enfin, câest le contraire de ce quâune âme pieuse et droite pourrait attendre: il «sort perverti», et le fidèle, où quâil se tourne, ne rencontre quâinjustice et iniquité.
LâÃternel va répondre à cette question, mais, en attendant, le juste ne fait que constater ce que Dieu a constaté de tout temps, dès lâapparition du péché. En dehors de ceux qui sont justifiés par la foi, il nây a pas dans le monde un seul juste. Sâil sâagit du caractère national dâIsraël, la Parole nous apprend que, sous le règne de Roboam, il y avait encore «en Juda de bonnes choses» (2 Chron. 12:12); que, sous le règne dâÃzéchias, Juda, tout coupable quâil eût été, «marchait encore avec Dieu et avec les vrais saints» (Osée 12:1); mais il nâen fut plus ainsi sous les règnes suivants. Sous celui de Josias nous apprenons par le prophète Sophonie ce que Dieu pensait de la «nation sans honte», de la ville «rebelle, corrompue et qui opprime», de ses princes, de ses juges, de ses prophètes, de ses sacrificateurs (Soph. 2:1; 3:1-4). Il en est de même ici: lâétat moral dâIsraël, à la fin de son histoire, nâétait pas meilleur que celui de lâhomme, au commencement de son histoire. Cet état nâavait au fond jamais changé réellement. Les critiques qui concluent de la description donnée ici, quâelle ne peut appartenir quâà lâétat du peuple sous un mauvais règne, comme celui de Manassé, se trompent donc entièrement.
Sâil sâagit des rois, chefs responsables dâIsraël, Dieu faisait dépendre la bénédiction du peuple de leur conduite. Câest ainsi que lâon voit, sous certains règnes des rois de Juda, le mal refréné, la justice établie, la piété envers Dieu reconnue, le service du temple restauré, sans que pour cela le cÅur de la nation soit changé. Dâautre part, le gouvernement dâun mauvais roi aggravait encore ce fâcheux état moral en introduisant ou favorisant une idolâtrie éhontée à laquelle le cÅur perverti du peuple sâadonnait immédiatement. Le passage que nous venons de citer peut donc nous reporter à quelque règne que ce soit, plus probablement peut-être à celui de Josias, lâidolâtrie dâIsraël nâétant pas même mentionnée ici1.
1 Voir encore pour lâétat du peuple: Michée 7:2, 3; Jér. 5:15-29 7:5, 6; 20:8.
«Voyez parmi les nations, et regardez, et soyez stupéfaits; car je ferai en vos jours une Åuvre que vous ne croirez pas, si elle vous est racontée» (v. 5).
Nous trouvons ici la réponse à la question du prophète, réponse qui ne sâadresse pas à lui, mais aux méchants dont il sâest plaint. Ces méchants sont invités à «voir parmi les nations» et à considérer avec stupeur comment lâÃternel rétribuera leurs méfaits. à ce moment lâAssyrien nâest pas encore détruit, mais lâÃternel va susciter les Chaldéens. à cette puissance il asservira les autres peuples, mais, avant tout, le peuple de Dieu. Ce dernier aurait pu croire que, délivré du joug de lâAssyrien, il en aurait fini avec lâoppresseur; mais, au contraire, il allait tomber sous un joug bien autrement lourd et cruel, et, jugement plus terrible encore, lâÃternel allait ôter le pouvoir à Israël et le confier pour la première fois à Babylone, «tête dâor» de la monarchie des Gentils. Tel était le sort qui attendait ce peuple méchant, mais câétait en même temps la réponse au cri du prophète: «Je crie à toi: Violence! et tu ne sauves pas». LâÃternel répond, en montrant à son serviteur que sâil ne sauve pas le juste de la violence des méchants, câest que le châtiment est près de tomber sur eux. Israël succombera, lui et son pays, sous les coups de Babylone, puis sera réduit en esclavage.
Mais le Saint Esprit donne à cette prophétie une portée beaucoup plus étendue, comme nous le voyons au chapitre 13 des Actes. Arrivé avec Barnabas à Antioche de Pisidie, Paul y fait un discours dans la synagogue, et son contenu, si lâon y prend bien garde, a pour texte cette parole même de notre prophète. Là où il nây avait «pas de salut», et où le prophète disait: «Tu ne sauves pas», Dieu avait suscité à Israël comme Sauveur, un Jésus mort et ressuscité. La parole de ce salut était envoyée à ceux même qui avaient rejeté Christ. Eux tous entendaient cette parole, et ceux dâentre eux qui craignaient Dieu, étaient appelés à la recevoir (Actes 13:23, 26). Le peuple nâavait pas connu Jésus, ni les voix des prophètes qui lâannonçaient; bien plus, il avait jugé son Messie, accomplissant ainsi ce que Habakuk avait dit dâeux: «Le jugement sort perverti» (1:4). Alors lâapôtre leur applique la parole «des prophètes» et particulièrement de notre prophète, mais il la cite et la commente en rapport avec lâétat de ceux auxquels il sâadresse: «Voyez, contempteurs, et étonnez-vous, et soyez anéantis; car moi, je fais une Åuvre en vos jours, une Åuvre que vous ne croiriez point, si quelquâun vous la racontait» (13:41). Ils nâavaient plus à «voir parmi les nations», car depuis longtemps les Chaldéens avaient été remplacés par dâautres puissances, puis par Rome, la dernière de toutes. Depuis les jours dâHabakuk, le joug des nations avait pesé sur le peuple; lors de la prédication de Paul, Israël était asservi à la quatrième monarchie gentile. Aussi lâapôtre ne dit-il pas, comme notre prophète: «Je ferai une Åuvre en vos jours». LâÅuvre, Dieu la faisait, et cette Åuvre nâétait pas le jugement. Le grand salut était annoncé, dâabord aux Juifs et, sâils le méprisaient, sâils étaient des «contempteurs», lâapôtre se tournerait vers les nations. Ce seraient alors celles-ci qui regarderaient parmi les Juifs et verraient le jugement de ce peuple pour avoir refusé la grâce en Jésus. Câest ce qui arriva dans cette même ville dâAntioche, où les Juifs, ayant rejeté le salut de Dieu en Christ, se jugèrent eux-mêmes indignes de la vie éternelle. Les apôtres «secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et sâen vinrent à Iconium» (v. 46, 51).
Ainsi, selon Paul, lâÃvangile était la réponse à la plainte du prophète: «Tu ne sauves pas». Câétait le salut quand le peuple avait mérité le jugement; mais, sâil méprisait la grâce, un jugement bien plus terrible que la captivité de Babylone, que même le joug des Romains, lui était réservé: la destruction de Jérusalem et la dispersion définitive des Juifs parmi les nations.
Nous avons ici un exemple de lâusage que Dieu fait de sa propre Parole, et nous en trouverons dâautres dans le courant de cette étude. Dieu tire, de ce fonds inépuisable, des vérités cachées aux yeux des hommes et les met en lumière, des vérités qui proclament la grâce quand le monde ne pouvait attendre que le jugement. Mais que devra être ce jugement si lâhomme rejette résolument la grâce?
Il est important de remarquer ici, comme du reste quand il sâagit de lâinterprétation de toute la prophétie, que le jugement prochain par les Chaldéens préfigure un jugement futur dont il est comme le prélude et que la délivrance temporelle est devenue, dans lâenseignement de lâapôtre, lâimage du salut éternel.
«Car voici, je suscite les Chaldéens, la nation cruelle et impétueuse, qui marche par la largeur de la terre pour prendre possession de domiciles qui ne lui appartiennent pas. Elle est formidable et terrible; son jugement et sa dignité, procèdent dâelle-même» (v. 6, 7).
LâÃternel a soin de faire comprendre à son prophète quâen suscitant les Chaldéens, ce nâest pas quâil ait découvert en eux des qualités morales quelconques. Bien au contraire, câest une nation cruelle, et comment Dieu pourrait-il lâapprouver? Ils sont impétueux, attaquent les premiers, marchent par la largeur de la terre, envahissent le monde et prennent possession de domiciles qui ne leur appartiennent pas. Cette soif de sâemparer du territoire dâautrui et de se lâannexer, diffère-t-elle de ce que nous voyons aujourdâhui? Non, mais les Chaldéens sont la verge de Dieu et son châtiment sur Israël aussi bien que sur les nations. «Voyez parmi les nations», avait dit lâÃternel. Ce torrent débordant qui sâavance à travers le monde, cette vague diluvienne des jugements de Dieu doit atteindre Israël, mais, avant de lâengloutir, formidable et terrible, elle balayera tout sur son passage. Il y a là de quoi remplir les cÅurs dâeffroi.
«Son jugement et sa dignité procèdent dâelle-même.» Sa propre volonté constitue ce que le Chaldéen appelle son droit; il en est de même de sa dignité. Il ne tient pas compte de celle des autres, mais estime avoir, par lui-même, une dignité qui lâélève au-dessus dâeux. Son bon plaisir et son orgueil sans limite le dirigent. Nâavons-nous pas, sous les yeux, des exemples pareils? Le croyant pourrait désirer que cet orgueil fût abattu, mais Dieu lui dit: Ne vois-tu pas que ces jugements proviennent de moi et que, tout en commençant par les nations qui tâenvironnent, ils te sont destinés?
Vient ensuite la description vivante et effrayante de la puissance chaldéenne: «Ses chevaux sont plus rapides que les léopards, plus agiles que les loups du soir; et ses cavaliers sâélancent fièrement, et ses cavaliers viennent de loin: ils volent comme lâaigle se hâte pour dévorer. Ils viennent tous pour la violence; leurs faces sont toutes ensemble tournées en avant; ils rassemblent les captifs comme le sable. Et il se moque des rois, et les princes lui sont une risée; il se rit de toutes les forteresses: il entassera de la poussière et les prendra» (v. 8-10). Jérémie a des traits semblables et souvent les mêmes expressions (voyez 4:13; 5:6, etc.). LâAssyrien et le Chaldéen ont des caractères communs, mais, chez le premier nous trouvons, semble-t-il, une organisation moindre pour lâenvahissement et le carnage: leur rapidité, leur agilité est comme celle dâune bande de loups affamés, sâavançant à pas pressés, sans bruit; leurs yeux allumés brillent dans les ténèbres, ils sont certains dâatteindre leur proie. Au moment précis, voici lâélan des cavaliers, venant de loin, rapides comme les aigles; lâattaque furibonde, telle quâelle nous est déjà apparue dans le prophète Nahum (2:3, 4; 3:1-3). «Ils viennent tous pour la violence». Le prophète, consterné de lâétat du peuple, criait à lâÃternel: «Violence!» Dieu lui montre que cette violence trouvera sa juste rétribution dans la violence de Babylone. «Il rassemble les captifs comme le sable et se rit de toutes les forteresses». Nâavons-nous pas assisté de nos jours à de pareils spectacles? Lâhistoire se répète, disent les hommes pour se consoler. Sans doute, répondons-nous, mais parce que les caractères de lâhomme pécheur se répétant à lâenvi, bravent la sainteté de Dieu et lui portent défi. A-t-on vu, dans le passé, plus clairement quâaujourdâhui, une puissance qui se rie de toutes les forteresses? Mais, quand la puissance de Babylone tombe à son tour, «ses rois et ses princes» sont une risée pour dâautres, comme les rois des nations lâavaient été pour elle.
«Alors il changera de pensée, et passera outre et péchera: cette puissance quâil a, est devenue son dieu» (v. 11).
Il arrive un moment où le chef de la nation chaldéenne, celui qui est considéré par lâÃternel comme responsable de la mission judiciaire que Dieu lui a confiée, changera de pensée. Au lieu de se considérer comme un instrument, il dépassera sa mission et péchera. Ce nâest pas quâil nâeût péché mille fois auparavant par sa cruauté, son orgueil et son idolâtrie, mais, à un moment donné, ses propres forces prendront pour lui la place de Dieu. La puissance que lâÃternel a mise entre ses mains est devenue son dieu. Il a le culte de la force, de sa force. Câest en elle quâil se confie, à elle quâil rend hommage. Ce chef de lâempire chaldéen ne reste pas isolé. Dans lâhistoire des derniers temps, le successeur direct de Babylone, la Bête romaine «guérie de sa plaie mortelle» nâaura pas dâautre religion que celle-là . Câest cette religion que la philosophie dâun Nietsche préconise et que les chefs militaires du jour proclament. Il sera beaucoup moins question, dans lâhistoire finale de lâhumanité, de lâidolâtrie grossière, que de lâadoration de lâhomme dont le monde fera son idole. Les idolâtres dâautrefois adoraient, dans ses attributs de puissance, dâamour, de justice, un Dieu inconnu, auquel leur imagination prêtait une forme humaine ou animale; lâidolâtrie future adorera lâhomme dans lâidole. Cette tendance se montra de bonne heure dans lâhistoire des empires (Dan. 3:6, 7, 11) et atteignit, dans le passé, son point culminant dans la déification des empereurs romains. Mais lâhomme déifié ne peut lui-même se passer dâun dieu. LâAntichrist qui se fait adorer comme Dieu, sera lâadorateur des forces que Satan lui aura asservies (Dan. 11:38).
Versets 12, 13 â Le prophète justifie le caractère de son Dieu et ses voies envers Israël.
«Toi, nâes-tu pas de toute ancienneté, Ãternel, mon Dieu, mon Saint? Nous ne mourrons pas! à Ãternel, tu lâas établi pour le jugement, et tu lâas fondé, ô Rocher, pour châtier. Tu as les yeux trop purs pour voir le mal, et tu ne peux contempler lâoppression» (v. 12, 13).
Bien que la parole de Dieu nâannonce que des jugements (v. 5-10) le cÅur du prophète déborde de reconnaissance envers lâÃternel. La communication divine lui donne lâassurance que Dieu est son Dieu, son Saint, un Dieu qui est en rapport avec lui, homme faible, infirme, ignorant, si peu familier, tout prophète quâil soit, avec Ses pensées secrètes. Ce Dieu est «le Dieu de toute ancienneté», et par conséquent Celui des promesses faites à Israël. Il prend Habakuk, représentant de Son peuple, sous sa protection; Il sâest donné à son prophète, et câest à Lui que le prophète appartient. Quel privilège, quand lââme peut parler à Dieu avec une telle intimité! Et combien il est plus grand encore pour nous qui connaissons un Dieu pleinement révélé en Christ et pouvons dire: Mon Père, mon Seigneur, mon Sauveur!
«Nous ne mourrons pas!» Comment douter, quand on connaît personnellement un tel Dieu, que la vie, une vie éternelle nous appartienne? Habakuk nâayant pas, comme nous, la révélation complète de la «parole de vie» ne peut aller aussi loin que nous, mais il sait que le peuple de Dieu «ne mourra point», que le châtiment divin qui lâatteint ne se terminera pas par son anéantissement. Il a reçu la réponse à son premier «pourquoi» et comprend maintenant ce qui, pour lui, était un mystère: Si le Chaldéen est «établi» et «fondé», câest en vue du jugement et du châtiment, conséquence de la violence et de lâiniquité du peuple. Il a été suscité pour cela, mais cela prouve que le Rocher des siècles, la «pierre dâIsraël» nâa pas abandonné son peuple pour toujours. Quand un père châtie son enfant, ce nâest pas pour le tuer, mais afin de le former dâaprès son propre caractère. Dieu agit de même envers nous, afin que nous ayons part à sa sainteté. Pensée réconfortante entre toutes! Dieu nous reconnaît quand il nous châtie, et nous châtie parce quâil nous reconnaît comme ses enfants. Mais il est impossible quâil consente à envisager le mal sans sâen occuper; il doit le rejeter; ses yeux sont trop purs pour le voir. «Pourquoi me fais-tu voir lâiniquité et contemples-tu lâoppression?» avait dit le prophète au v. 3. Il a maintenant appris que si Dieu lui a «fait voir lâiniquité» (et comment sans cela apprendrait-il à la juger?) Dieu ne peut la souffrir en sa présence, que ses yeux ne sâaccommodent que de ce qui est parfaitement pur, ne peuvent sâarrêter que sur le bien parfait. Câest sur ce dernier, en effet, que ses regards se reposent avec un bon plaisir indicible: il a rencontré ici-bas, au sein de circonstances qui nâétaient que ténèbres, péché et souillure, un homme abaissé au dernier point, mais parfait dans cet abaissement, et câest en lui que son amour a trouvé ses délices. Le prophète apprend aussi, en réponse à sa question: «Pourquoi contemples-tu lâoppression?» (v. 3), que Dieu «ne peut contempler lâoppression» (v. 13). Quel aveuglement sâétait donc emparé, même dâun prophète, pour que, ayant affaire au gouvernement de Dieu, il fût incapable de comprendre cette énigme? Ah! câest que, pour la comprendre, il faut connaître Dieu! Contempler le mal ne nous fait jamais connaître le caractère de Dieu, contempler Dieu nous instruit sur le vrai caractère du mal.
Versets 13-17 â Dieu sera-t-il indifférent à lâiniquité de lâennemi?
Ce que le prophète venait dâapprendre avait réveillé ses chaudes sympathies pour son peuple. Au commencement il nâétait occupé que de lâaffreux état dans lequel ce dernier était plongé; maintenant il comprend lâintérêt que Dieu porte à Israël, en même temps quâil a été enseigné quant aux principes du gouvernement de Dieu à lâégard de ce peuple. Mais jouissant de la communion avec son Dieu, comme nous lâavons vu au v. 12, il sâenhardit à faire une autre question, à dire un second «Pourquoi». «Pourquoi contemples-tu ceux qui agissent perfidement, et gardes-tu le silence quand le méchant engloutit celui qui est plus juste que lui?» (v. 13). Si tu ne peux «contempler lâoppression», voici, néanmoins, que tu contemples, sans tâen émouvoir, celui qui agit perfidement; voici que, loin dâintervenir, tu sembles être indifférent au mal qui atteint ton peuple, lequel, tout coupable quâil soit, est plus juste que ses ennemis. En effet, il y avait en Israël, au milieu de beaucoup de mal, certaines «choses bonnes», que nâavaient pas les nations environnantes, et telles quâon en voyait sous le règne de Josias, choses dont Habakuk était un exemple vivant. Sous ce rapport, Israël était plus juste que ses adversaires. Le prophète désire connaître aussi cette énigme. Si Dieu reconnaît quelque bien chez ceux que le méchant opprime, pourquoi favorise-t-il le méchant dans ses entreprises? Toutefois, avant de recevoir la réponse divine, le prophète comprend une chose: «Tu rends aussi les hommes comme les poissons de la mer, comme la bête rampante qui nâa personne qui la gouverne» (v. 14). Si Dieu a confié un gouvernement aux hommes, il a le droit de les en priver entièrement â comme il en prive les poissons de la mer et les bêtes innombrables qui rampent sur le sol, et de les livrer en proie à celui dans les mains duquel il place le pouvoir. Il allait en être ainsi des nations conquises par Babylone; et le même sort devait atteindre Israël, organisé jadis sous le gouvernement de Dieu et qui, ayant abandonné lâÃternel, allait être laissé sans roi, sans prince et sans ressource contre lâennemi (Ãsaïe 63:19; Osée 3:14).
«Il les fait tous monter avec lâhameçon; il les tire dans son filet, et les rassemble dans son rets; câest pourquoi il se réjouit et sâégaie: câest pourquoi il sacrifie à son filet, et brûle de lâencens à son rets, parce que, par leur moyen, sa portion est grasse et sa nourriture succulente» (v. 15, 16). Le prophète continue à comprendre une partie de ce qui va arriver. Il est en communion avec la pensée de Dieu exprimée au v. 11: «Cette puissance quâil a, est devenue son Dieu». Il voit que lâadversaire sâest servi de la puissance qui lui a été confiée, pour faire de son filet et de son rets une idole, et quâil invoque pour les adorer, les instruments de ses victoires. Nous pouvons bien nous demander si, sous une autre forme, les choses sont différentes aujourdâhui? Et, sâil en est ainsi, «videra-t-il pour cela son filet, et égorgera-t-il toujours les nations, sans épargner?» Dieu supportera-t-il cet emploi profane et idolâtre de la force, et lâoppression des nations durera-t-elle à toujours?
Les deux grandes questions posées par le prophète sont donc celles du gouvernement de Dieu envers son peuple et de ce même gouvernement envers le monde. Dans le Nouveau Testament, la première et la seconde épître de Pierre y répondent.
Ces questions du prophète dénotent beaucoup dâintimité avec Dieu, en même temps quâun aveu dâignorance et un grand désir dâêtre enseigné par Lui. Il pressent déjà , mais va bientôt réaliser pleinement, que, pour connaître les voies de Dieu, il suffit de le connaître Lui-même. Sans cette connaissance de sa personne, ce qui arrive dans le monde restera toujours pour nous à lâétat dâénigme indéchiffrable.