Samuel meurt (v. 1), et sa mort est comme le prélude de la dernière période de lâhistoire de Saül. Le fidèle serviteur qui avait jugé Israël en des temps difficiles et avait exercé en sa faveur lâoffice de la sacrificature au milieu de lâaffaissement qui avait suivi la ruine de celle-ci; lâhomme que Dieu avait choisi pour oindre la royauté selon la chair, puis la royauté selon la grâce; le prophète avant tout, le premier des prophètes, nâétait plus. Au milieu de ces temps sombres, la grâce de Dieu maintenait une communication avec le peuple par la parole prophétique. Dans tous les actes importants de sa vie, Saül avait rencontré le prophète qui venait lui faire connaître les pensées, les ordres, les conseils et les jugements de Dieu. Sans doute il ne les avait pas écoutés, mais il avait pu les entendre. Câest un privilège immense, aussi bien quâune immense responsabilité, dâavoir la parole divine à sa portée, et Saül avait joui de ce privilège. Samuel lui-même avait transmis de son vivant la Parole à des prophètes suscités de Dieu pour lâenseigner à dâautres. Maintenant ces prophètes eux-mêmes ne répondaient plus (28:6, 15). Toute cette dispensation avait pris fin pour Saül et pour son peuple. La sacrificature, détruite par lui, sâétait réfugiée auprès du vrai roi. Gad, le prophète, accompagnait David au désert et dans les cavernes. Israël et son roi étaient laissés comme un vaisseau désemparé, sans pilote et sans boussole, poussé dans les ténèbres vers les abîmes, tandis quâune aube nouvelle allait se lever pour les fidèles.
Quoi dâétonnant quâIsraël sâassemble et se lamente sur Samuel! Celui aussi qui intercédait pour eux et même pour le roi, ardemment, sans relâche, nâétait plus. Que leur restait-il? Terrible jugement quand Dieu retire ses grâces, résolument méprisées! Il ne restera à Saül dâautre ressource que de retourner aux choses quâil avait vomies (28:7). Ne trouvons-nous pas en lui une image de cette chrétienté apostate, retournant à lâidolâtrie quand Dieu lui retire lâEsprit de vérité et la laisse en proie à lâesprit de mensonge?
Mais avant de nous entretenir des derniers jours de Saül, Dieu déroule dans notre chapitre une scène nouvelle. Nabal, un homme violent et sans frein, méprise et outrage lâoint de lâÃternel. Câest un des caractères de lâhomme de péché à la fin des temps.
Nabal, nous est-il dit (v. 3), «était de la race de Caleb». Il y avait entre ces deux hommes, comme trait de famille, lâénergie de la nature, mais qui, au service de la chair, produit un Nabal, au service de la foi, un Caleb, car on peut livrer ses membres au péché comme instruments dâiniquité, ou à Dieu comme instruments de justice (Rom. 6:13).
La grâce nâa pour effet sur un tel homme que de lâexciter au mal et à la révolte. Un Saül se laisse parfois attendrir (24:17), un Nabal, jamais.
David et ses compagnons continuent à habiter le désert de Juda, attendant de Dieu seul lâheure et le signal de leur délivrance, mais là David a lâoccasion de se montrer le protecteur des faibles, exposés a mille dangers pendant les veilles de la nuit. Rien ne manque «du leur», tant quâils sont avec lui (v. 7).
à cela ne se borne pas lâactivité de David en grâce. Si, comme le Seigneur ici-bas, il dépend de lâhomme pour quelque rafraîchissement, lui, auquel de droit tout appartient, il apporte en échange au pécheur, à Nabal, la paix par ses messagers. «Paix te soit, et paix à ta maison, et paix à tout ce qui tâappartient» (v. 6). Nabal voudra-t-il de cette paix, après la protection si manifeste de ses gens et de ses troupeaux? Pour tant de grâce et de courtoisie, David nâétait-il pas en droit de lui demander quelque preuve de reconnaissance? Que répond Nabal? «Qui est David? Et qui est le fils dâIsaï? Aujourdâhui ils sont nombreux les serviteurs qui se sauvent chacun de son maître. Et je prendrais mon pain et mon eau, et ma viande que jâai tuée pour mes tondeurs, et je les donnerais à des hommes dont je ne sais dâoù ils sont?» (v. 10, 11). Cette même parole sortit plus tard de la bouche des principaux en présence de lâÅuvre du Seigneur. «Pour celui-ci, nous ne savons dâoù il est» (Jean 9:29). Câest ainsi que lâhomme a traité Jésus rejeté; il méprise sa grâce souveraine sans appréhender sa puissance en jugement et sans penser que ce jugement est à la porte. Nabal parle de son pain, de son eau, de ses viandes et de ses biens, comme sâils étaient à lui, dans le moment où la calamité va lâatteindre lui-même, avec tout ce qui lui appartient. Quand il aurait dû se jeter à genoux devant celui qui volontairement sâétait fait son serviteur, il le traite avec mépris de «serviteur échappé à son maître!» Sans scrupule, et sans penser que câest le rejeter lui-même, il rejette ses messagers. «Celui qui vous rejette», dit le Seigneur à ses disciples, «me rejette; et celui qui me rejette, rejette Celui qui mâa envoyé» (Luc 10:16). Leur maître les envoyait pour bénir, et Nabal sâemporte contre eux (v. 14).
David est en danger de laisser libre cours à son indignation et «de se faire justice» par sa main (v. 26, 34). Câest ici que se place, me semble-t-il, lâexpérience du Ps. 35: «Ils mâont rendu le mal pour le bien» (v. 12; conf. 25:21). «Ils ne parlent pas de paix» (v. 20; conf. 25:6). «Jâai marché comme si câeût été mon compagnon, mon frère» (v. 14). «Ceux qui sont à tort mes ennemis» (v. 19; conf. 25:26). Mais David a appris ce que Dieu voulait lui enseigner. Au lieu de se faire droit lui-même, il a remis sa cause à lâÃternel: «Ãveille-toi, réveille-toi, pour me faire droit, mon Dieu et Seigneur, pour soutenir ma cause» (v. 23). «Que ceux qui sâélèvent orgueilleusement contre moi soient couverts de honte et de confusion» (v. 26), et il Lui remet le jugement: «Quâune ruine quâil nâa pas connue vienne sur lui!» (v. 8).
Avant dâavoir reçu cet enseignement par la bouche de la pieuse Abigaïl, David avait ceint son épée et ordonné à ses compagnons de faire de même. Il devançait le moment; lâheure du jugement nâavait pas sonné; elle arrivera par le moyen dâun plus grand que David. Il est dit de lui: «Ceins ton épée sur ton côté, homme vaillant, dans ta majesté et ta magnificence» (Ps. 45:4); mais le temps de la grâce durait encore, tant que David était un étranger dans son héritage.
La foi dâAbigaïl a compris cela. Cette faible femme, connaissant ce qui convient à la grâce, devient un instrument de Dieu pour garder du mal le plus grand de ses serviteurs, lâoint de lâÃternel lui-même. Un seul homme, la Grâce en personne, la grâce de Dieu qui est apparue à tous les hommes, nâétant pas faillible, nâa jamais eu besoin dâêtre rappelé au sentiment de ce qui convenait à la position quâil avait prise ici-bas.
Nous pouvons tous apprendre à lâécole dâAbigaïl. On rencontre rarement, une affection plus désintéressée, basée sur les perfections que sa foi discernait en David.
Lorsquâelle apprend que «le mal est décidé» contre Nabal et contre toute sa maison, elle se hâte de préparer tout ce que cet homme avait refusé à David, et bien au-delà encore, sans compter, et dâaller à sa rencontre. Ah! puissent les âmes qui ont entendu dire que le mal est décidé contre elles, faire de même. Il sâagit de ne pas perdre de temps, de se hâter; le vengeur est déjà en marche. Quand lâannonce du jugement est reçue comme un témoignage divin, on se hâte pour y échapper. Câest la foi. Il nây a pas dâautre ressource que dâaller au-devant de Celui qui va juger. Abigaïl nâavait quâune crainte, câétait de ne pas rencontrer David avant que son épée fût tirée. Elle savait quâalors il serait trop tard. Mais elle était sans crainte quant au résultat de la rencontre, car elle connaissait le caractère de celui auquel elle allait sâadresser.
«Et Abigaïl vit David, et elle se hâta et descendit de dessus son âne; et elle tomba sur sa face devant David et se prosterna contre terre. Et elle tomba à ses pieds, et dit: à moi lâiniquité, mon seigneur!» (v. 23, 24). Ici encore Abigaïl se hâte; elle se hâte de reconnaître la seigneurie de David, ses droits sur elle et sa propre indignité. Elle sâadresse à lui en suppliante et reconnaît ainsi quâelle dépend de son bon plaisir. Bien plus, en prenant cette attitude, elle, la femme de foi, se reconnaît coupable, prend sur elle toutes les conséquences de son association avec Nabal. Elle ne vient pas plaider son innocence, quoiquâelle nâait point eu connaissance de ce qui était arrivé (v. 25). Devant David elle ne veut se trouver que coupable et se hâte de le proclamer, car elle connaît la grâce de David.
Une fois encore elle se hâte, vers la fin du chapitre (v. 42). Câest quand elle est appelée par David à devenir la compagne de ses souffrances (conf. 27:3), et plus tard à partager son règne. «Et David envoya parler à Abigaïl, afin de la prendre pour femme... Et Abigaïl se leva en hâte... et elle sâen alla après les messagers de David, et fut sa femme» (v. 39-42). Point de temporisation; elle se hâte dâaller au-devant de celui qui lâaime, du roi de grâce; elle ne remet pas son départ à des temps meilleurs où le trône de David serait consolidé. Elle quitte tout, sans penser un instant à ce quâelle laisse en arrière. Et même elle se déclare indigne dâun tel honneur; car la plus humble condition lui appartient. Une telle destinée ne peut, dâautre part, lâenorgueillir, car elle comprend que, si la faveur du roi lâappelle à partager ses souffrances pour lâélever ensuite à la première place, le service du roi doit lâabaisser à la dernière. «Voici, ta servante sera une esclave pour laver les pieds des serviteurs de mon seigneur». Quelle humilité chez cette épouse du roi! Seule, la communion avec la grâce, avec Jésus, nous rend capables de nous abaisser ainsi dans la poussière, mais par là même quâAbigaïl sâabaisse, le roi grandit en dignité et en majesté, et câest ce que le cÅur de lâépouse désire.
Nâoublions donc pas, chers lecteurs chrétiens, que lâun des caractères de la foi est de se hâter. Abraham se hâtait quand il était question du service de lâÃternel (Gen. 18:6-8); Zachée, quand le Sauveur lâinvitait à le recevoir dans sa maison (Luc 19:6); Marie, quand le Seigneur lâappelait à Lui (Jean 11:29). Sâil sâagit de Lui et de sa personne, pouvons-nous jamais nous hâter assez! Mais dâautre part, nâavons-nous pas à nous garder de la hâte qui si souvent caractérise la chair et le vieil homme! «Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent pour verser le sang» (Prov. 1:16; 6:18), «pour contester» (25:8), «pour sâenrichir» (28:20, 22). Dès quâil sâagit de nous-mêmes, ne faisons pas comme le monde dont il est parlé ici, car il est dit dâautre part: «Celui qui croit en Lui ne se hâtera pas» (Ãs. 28:16; Rom. 9:33).
Elle est admirable, cette Abigaïl, par son appréciation de David. On trouve tout chez elle, depuis le sentiment de la dignité de son seigneur, qui la fait se prosterner devant lui, jusquâau ravissement que produit la beauté de son caractère. «Mon seigneur combat les combats de lâÃternel, et la méchanceté nâa jamais été trouvée en toi» (v. 28). Comment son cÅur ne serait-il pas attiré par la vue de la perfection dans un homme? Et cependant David, type de Christ, nâest en lui-même quâun homme imparfait. Jamais Jésus nâaurait été en danger de se faire justice à lui-même. La grâce de Dieu seule en préserve David, quand déjà sa résolution était prise de ne laisser de reste aucun de ses ennemis. Abigaïl est lâinstrument employé de Dieu pour le faire revenir de sa décision et lâaider à ne pas perdre le caractère de grâce qui convient à lâoint de lâÃternel.
Tout ce que dit Abigaïl est le fruit de sa communion avec les pensées de Dieu. Ce nâest pas de la prophétie, mais elle sait ce qui arrivera à David, parce quâelle sait ce que Dieu pense de lui. «La vie de mon seigneur est liée dans le faisceau des vivants par devers lâÃternel, ton Dieu; et lââme de tes ennemis, il la lancera du creux de la fronde» (v. 29), et Dieu tâétablira «prince sur Israël» (v. 30). Saül, le roi dâIsraël, nâest pour Abigaïl quâ«un homme qui sâest levé pour te poursuivre et pour chercher ta vie». Dans son antagonisme au fils dâIsaï, il ne mérite pas même la mention de son nom.
On voit bien que le discours dâAbigaïl nâest pas inspiré par la crainte de ce qui pourrait arriver à sa maison, mais elle est indignée du mal quâon osait souhaiter à un tel homme; elle désire que son caractère ne soit pas déshonoré; elle admire sans réserve le futur roi dâIsraël.
Aussi David la bénit. Il se souviendra dâelle selon sa demande. Le «souviens-toi de ta servante» trouve une oreille aussi attentive que, plus tard, le «souviens-toi de moi» du brigand converti. Il la renvoie dans sa maison avec cette paix dont Nabal nâavait pas voulu, et avec lâassurance de sa faveur (v. 6, 35). Câest là quâelle attendra patiemment le message du bien-aimé lâappelant à lui.
Mais pendant ce temps le jugement atteint Nabal. «Il faisait dans sa maison un festin comme un festin de roi». Voilà lâhomme! Nabal se substitue à David et ne pense quâà se faire du bien. Il sâenivre et ne peut rien connaître de ce qui lâattend. Son sort est fixé. Quand il lâapprit, «son cÅur mourut au dedans de lui, et il devint comme une pierre». Il est mort dâavance, avant dâêtre frappé dix jours plus tard.
Le sort des hommes dépend de cette alternative: quâils méprisent Christ aujourdâhui pendant sa réjection, ou quâils lâestiment comme Dieu lâestime et sâadressent à sa grâce qui seule peut les «accueillir avec faveur».
Heureux David! Il a trouvé une femme selon son cÅur, une femme quâil bénit et dont il bénit la sagesse (v. 33), une aide véritable dans les difficultés de sa carrière. Il la bénit de ce quâelle lâa empêché de faire le mal qui aurait déshonoré son Dieu, tandis que Saül avait béni les Ziphiens qui sâoffraient pour accomplir ses mauvais desseins contre David, et avait salué comme libérateurs au nom de lâÃternel, ceux qui lâaidaient à faire la guerre à son oint!
versets 1-44
Samuel meurt (v. 1), et sa mort est comme le prélude de la dernière période de lâhistoire de Saül. Le fidèle serviteur qui avait jugé Israël en des temps difficiles et avait exercé en sa faveur lâoffice de la sacrificature au milieu de lâaffaissement qui avait suivi la ruine de celle-ci; lâhomme que Dieu avait choisi pour oindre la royauté selon la chair, puis la royauté selon la grâce; le prophète avant tout, le premier des prophètes, nâétait plus. Au milieu de ces temps sombres, la grâce de Dieu maintenait une communication avec le peuple par la parole prophétique. Dans tous les actes importants de sa vie, Saül avait rencontré le prophète qui venait lui faire connaître les pensées, les ordres, les conseils et les jugements de Dieu. Sans doute il ne les avait pas écoutés, mais il avait pu les entendre. Câest un privilège immense, aussi bien quâune immense responsabilité, dâavoir la parole divine à sa portée, et Saül avait joui de ce privilège. Samuel lui-même avait transmis de son vivant la Parole à des prophètes suscités de Dieu pour lâenseigner à dâautres. Maintenant ces prophètes eux-mêmes ne répondaient plus (28:6, 15). Toute cette dispensation avait pris fin pour Saül et pour son peuple. La sacrificature, détruite par lui, sâétait réfugiée auprès du vrai roi. Gad, le prophète, accompagnait David au désert et dans les cavernes. Israël et son roi étaient laissés comme un vaisseau désemparé, sans pilote et sans boussole, poussé dans les ténèbres vers les abîmes, tandis quâune aube nouvelle allait se lever pour les fidèles.
Quoi dâétonnant quâIsraël sâassemble et se lamente sur Samuel! Celui aussi qui intercédait pour eux et même pour le roi, ardemment, sans relâche, nâétait plus. Que leur restait-il? Terrible jugement quand Dieu retire ses grâces, résolument méprisées! Il ne restera à Saül dâautre ressource que de retourner aux choses quâil avait vomies (28:7). Ne trouvons-nous pas en lui une image de cette chrétienté apostate, retournant à lâidolâtrie quand Dieu lui retire lâEsprit de vérité et la laisse en proie à lâesprit de mensonge?
Mais avant de nous entretenir des derniers jours de Saül, Dieu déroule dans notre chapitre une scène nouvelle. Nabal, un homme violent et sans frein, méprise et outrage lâoint de lâÃternel. Câest un des caractères de lâhomme de péché à la fin des temps.
Nabal, nous est-il dit (v. 3), «était de la race de Caleb». Il y avait entre ces deux hommes, comme trait de famille, lâénergie de la nature, mais qui, au service de la chair, produit un Nabal, au service de la foi, un Caleb, car on peut livrer ses membres au péché comme instruments dâiniquité, ou à Dieu comme instruments de justice (Rom. 6:13).
La grâce nâa pour effet sur un tel homme que de lâexciter au mal et à la révolte. Un Saül se laisse parfois attendrir (24:17), un Nabal, jamais.
David et ses compagnons continuent à habiter le désert de Juda, attendant de Dieu seul lâheure et le signal de leur délivrance, mais là David a lâoccasion de se montrer le protecteur des faibles, exposés a mille dangers pendant les veilles de la nuit. Rien ne manque «du leur», tant quâils sont avec lui (v. 7).
à cela ne se borne pas lâactivité de David en grâce. Si, comme le Seigneur ici-bas, il dépend de lâhomme pour quelque rafraîchissement, lui, auquel de droit tout appartient, il apporte en échange au pécheur, à Nabal, la paix par ses messagers. «Paix te soit, et paix à ta maison, et paix à tout ce qui tâappartient» (v. 6). Nabal voudra-t-il de cette paix, après la protection si manifeste de ses gens et de ses troupeaux? Pour tant de grâce et de courtoisie, David nâétait-il pas en droit de lui demander quelque preuve de reconnaissance? Que répond Nabal? «Qui est David? Et qui est le fils dâIsaï? Aujourdâhui ils sont nombreux les serviteurs qui se sauvent chacun de son maître. Et je prendrais mon pain et mon eau, et ma viande que jâai tuée pour mes tondeurs, et je les donnerais à des hommes dont je ne sais dâoù ils sont?» (v. 10, 11). Cette même parole sortit plus tard de la bouche des principaux en présence de lâÅuvre du Seigneur. «Pour celui-ci, nous ne savons dâoù il est» (Jean 9:29). Câest ainsi que lâhomme a traité Jésus rejeté; il méprise sa grâce souveraine sans appréhender sa puissance en jugement et sans penser que ce jugement est à la porte. Nabal parle de son pain, de son eau, de ses viandes et de ses biens, comme sâils étaient à lui, dans le moment où la calamité va lâatteindre lui-même, avec tout ce qui lui appartient. Quand il aurait dû se jeter à genoux devant celui qui volontairement sâétait fait son serviteur, il le traite avec mépris de «serviteur échappé à son maître!» Sans scrupule, et sans penser que câest le rejeter lui-même, il rejette ses messagers. «Celui qui vous rejette», dit le Seigneur à ses disciples, «me rejette; et celui qui me rejette, rejette Celui qui mâa envoyé» (Luc 10:16). Leur maître les envoyait pour bénir, et Nabal sâemporte contre eux (v. 14).
David est en danger de laisser libre cours à son indignation et «de se faire justice» par sa main (v. 26, 34). Câest ici que se place, me semble-t-il, lâexpérience du Ps. 35: «Ils mâont rendu le mal pour le bien» (v. 12; conf. 25:21). «Ils ne parlent pas de paix» (v. 20; conf. 25:6). «Jâai marché comme si câeût été mon compagnon, mon frère» (v. 14). «Ceux qui sont à tort mes ennemis» (v. 19; conf. 25:26). Mais David a appris ce que Dieu voulait lui enseigner. Au lieu de se faire droit lui-même, il a remis sa cause à lâÃternel: «Ãveille-toi, réveille-toi, pour me faire droit, mon Dieu et Seigneur, pour soutenir ma cause» (v. 23). «Que ceux qui sâélèvent orgueilleusement contre moi soient couverts de honte et de confusion» (v. 26), et il Lui remet le jugement: «Quâune ruine quâil nâa pas connue vienne sur lui!» (v. 8).
Avant dâavoir reçu cet enseignement par la bouche de la pieuse Abigaïl, David avait ceint son épée et ordonné à ses compagnons de faire de même. Il devançait le moment; lâheure du jugement nâavait pas sonné; elle arrivera par le moyen dâun plus grand que David. Il est dit de lui: «Ceins ton épée sur ton côté, homme vaillant, dans ta majesté et ta magnificence» (Ps. 45:4); mais le temps de la grâce durait encore, tant que David était un étranger dans son héritage.
La foi dâAbigaïl a compris cela. Cette faible femme, connaissant ce qui convient à la grâce, devient un instrument de Dieu pour garder du mal le plus grand de ses serviteurs, lâoint de lâÃternel lui-même. Un seul homme, la Grâce en personne, la grâce de Dieu qui est apparue à tous les hommes, nâétant pas faillible, nâa jamais eu besoin dâêtre rappelé au sentiment de ce qui convenait à la position quâil avait prise ici-bas.
Nous pouvons tous apprendre à lâécole dâAbigaïl. On rencontre rarement, une affection plus désintéressée, basée sur les perfections que sa foi discernait en David.
Lorsquâelle apprend que «le mal est décidé» contre Nabal et contre toute sa maison, elle se hâte de préparer tout ce que cet homme avait refusé à David, et bien au-delà encore, sans compter, et dâaller à sa rencontre. Ah! puissent les âmes qui ont entendu dire que le mal est décidé contre elles, faire de même. Il sâagit de ne pas perdre de temps, de se hâter; le vengeur est déjà en marche. Quand lâannonce du jugement est reçue comme un témoignage divin, on se hâte pour y échapper. Câest la foi. Il nây a pas dâautre ressource que dâaller au-devant de Celui qui va juger. Abigaïl nâavait quâune crainte, câétait de ne pas rencontrer David avant que son épée fût tirée. Elle savait quâalors il serait trop tard. Mais elle était sans crainte quant au résultat de la rencontre, car elle connaissait le caractère de celui auquel elle allait sâadresser.
«Et Abigaïl vit David, et elle se hâta et descendit de dessus son âne; et elle tomba sur sa face devant David et se prosterna contre terre. Et elle tomba à ses pieds, et dit: à moi lâiniquité, mon seigneur!» (v. 23, 24). Ici encore Abigaïl se hâte; elle se hâte de reconnaître la seigneurie de David, ses droits sur elle et sa propre indignité. Elle sâadresse à lui en suppliante et reconnaît ainsi quâelle dépend de son bon plaisir. Bien plus, en prenant cette attitude, elle, la femme de foi, se reconnaît coupable, prend sur elle toutes les conséquences de son association avec Nabal. Elle ne vient pas plaider son innocence, quoiquâelle nâait point eu connaissance de ce qui était arrivé (v. 25). Devant David elle ne veut se trouver que coupable et se hâte de le proclamer, car elle connaît la grâce de David.
Une fois encore elle se hâte, vers la fin du chapitre (v. 42). Câest quand elle est appelée par David à devenir la compagne de ses souffrances (conf. 27:3), et plus tard à partager son règne. «Et David envoya parler à Abigaïl, afin de la prendre pour femme... Et Abigaïl se leva en hâte... et elle sâen alla après les messagers de David, et fut sa femme» (v. 39-42). Point de temporisation; elle se hâte dâaller au-devant de celui qui lâaime, du roi de grâce; elle ne remet pas son départ à des temps meilleurs où le trône de David serait consolidé. Elle quitte tout, sans penser un instant à ce quâelle laisse en arrière. Et même elle se déclare indigne dâun tel honneur; car la plus humble condition lui appartient. Une telle destinée ne peut, dâautre part, lâenorgueillir, car elle comprend que, si la faveur du roi lâappelle à partager ses souffrances pour lâélever ensuite à la première place, le service du roi doit lâabaisser à la dernière. «Voici, ta servante sera une esclave pour laver les pieds des serviteurs de mon seigneur». Quelle humilité chez cette épouse du roi! Seule, la communion avec la grâce, avec Jésus, nous rend capables de nous abaisser ainsi dans la poussière, mais par là même quâAbigaïl sâabaisse, le roi grandit en dignité et en majesté, et câest ce que le cÅur de lâépouse désire.
Nâoublions donc pas, chers lecteurs chrétiens, que lâun des caractères de la foi est de se hâter. Abraham se hâtait quand il était question du service de lâÃternel (Gen. 18:6-8); Zachée, quand le Sauveur lâinvitait à le recevoir dans sa maison (Luc 19:6); Marie, quand le Seigneur lâappelait à Lui (Jean 11:29). Sâil sâagit de Lui et de sa personne, pouvons-nous jamais nous hâter assez! Mais dâautre part, nâavons-nous pas à nous garder de la hâte qui si souvent caractérise la chair et le vieil homme! «Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent pour verser le sang» (Prov. 1:16; 6:18), «pour contester» (25:8), «pour sâenrichir» (28:20, 22). Dès quâil sâagit de nous-mêmes, ne faisons pas comme le monde dont il est parlé ici, car il est dit dâautre part: «Celui qui croit en Lui ne se hâtera pas» (Ãs. 28:16; Rom. 9:33).
Elle est admirable, cette Abigaïl, par son appréciation de David. On trouve tout chez elle, depuis le sentiment de la dignité de son seigneur, qui la fait se prosterner devant lui, jusquâau ravissement que produit la beauté de son caractère. «Mon seigneur combat les combats de lâÃternel, et la méchanceté nâa jamais été trouvée en toi» (v. 28). Comment son cÅur ne serait-il pas attiré par la vue de la perfection dans un homme? Et cependant David, type de Christ, nâest en lui-même quâun homme imparfait. Jamais Jésus nâaurait été en danger de se faire justice à lui-même. La grâce de Dieu seule en préserve David, quand déjà sa résolution était prise de ne laisser de reste aucun de ses ennemis. Abigaïl est lâinstrument employé de Dieu pour le faire revenir de sa décision et lâaider à ne pas perdre le caractère de grâce qui convient à lâoint de lâÃternel.
Tout ce que dit Abigaïl est le fruit de sa communion avec les pensées de Dieu. Ce nâest pas de la prophétie, mais elle sait ce qui arrivera à David, parce quâelle sait ce que Dieu pense de lui. «La vie de mon seigneur est liée dans le faisceau des vivants par devers lâÃternel, ton Dieu; et lââme de tes ennemis, il la lancera du creux de la fronde» (v. 29), et Dieu tâétablira «prince sur Israël» (v. 30). Saül, le roi dâIsraël, nâest pour Abigaïl quâ«un homme qui sâest levé pour te poursuivre et pour chercher ta vie». Dans son antagonisme au fils dâIsaï, il ne mérite pas même la mention de son nom.
On voit bien que le discours dâAbigaïl nâest pas inspiré par la crainte de ce qui pourrait arriver à sa maison, mais elle est indignée du mal quâon osait souhaiter à un tel homme; elle désire que son caractère ne soit pas déshonoré; elle admire sans réserve le futur roi dâIsraël.
Aussi David la bénit. Il se souviendra dâelle selon sa demande. Le «souviens-toi de ta servante» trouve une oreille aussi attentive que, plus tard, le «souviens-toi de moi» du brigand converti. Il la renvoie dans sa maison avec cette paix dont Nabal nâavait pas voulu, et avec lâassurance de sa faveur (v. 6, 35). Câest là quâelle attendra patiemment le message du bien-aimé lâappelant à lui.
Mais pendant ce temps le jugement atteint Nabal. «Il faisait dans sa maison un festin comme un festin de roi». Voilà lâhomme! Nabal se substitue à David et ne pense quâà se faire du bien. Il sâenivre et ne peut rien connaître de ce qui lâattend. Son sort est fixé. Quand il lâapprit, «son cÅur mourut au dedans de lui, et il devint comme une pierre». Il est mort dâavance, avant dâêtre frappé dix jours plus tard.
Le sort des hommes dépend de cette alternative: quâils méprisent Christ aujourdâhui pendant sa réjection, ou quâils lâestiment comme Dieu lâestime et sâadressent à sa grâce qui seule peut les «accueillir avec faveur».
Heureux David! Il a trouvé une femme selon son cÅur, une femme quâil bénit et dont il bénit la sagesse (v. 33), une aide véritable dans les difficultés de sa carrière. Il la bénit de ce quâelle lâa empêché de faire le mal qui aurait déshonoré son Dieu, tandis que Saül avait béni les Ziphiens qui sâoffraient pour accomplir ses mauvais desseins contre David, et avait salué comme libérateurs au nom de lâÃternel, ceux qui lâaidaient à faire la guerre à son oint!